Le 15 mai prochain, un meet­ing anti éner­gies fos­siles, Break Free 2016, se déroulera simul­tané­ment dans plusieurs pays. Le volet turc, se passera sous la ban­de­role “Débar­ras­sons nous du char­bon !” à Ali­ağa, région indus­trielle ultra polluée.

Les mem­bres des organ­i­sa­tion de société civile qui lut­tent pour l’en­vi­ron­nement, ont effec­tué une vis­ite tech­nique à Foça-Ali­ağa. Les vis­i­teurs ont pu con­firmer encore une fois, l’immensité de la destruc­tion écologique com­mise dans cette région.

Les activ­ités qui se pour­suiv­ent ici, sans aucune pré­cau­tion de sécu­rité pour la san­té publique, sans aucun mécan­isme de con­trôle et d’observation, ni prenant compte de la sécu­rité et de la san­té au tra­vail, sont les mêmes que toutes celles qu’on trou­ve dans les régions du monde où le cap­i­tal­isme indus­triel envoie ses “déchets” de con­som­ma­tion, ses rebuts pro­gram­més, ses objets obso­les­cents, petits et grands, de la “crois­sance”. C’est un sys­tème “cir­cu­laire” qui fait croire ici au “recy­clage vert et vertueux” et là bas tire prof­it des pays à bas coût de main d’oeu­vre. Autant dire que ce “cap­i­tal­isme vert” là, fonc­tionne avec les mêmes logiques finan­cières et les mêmes con­séquences sociales et écologiques, sur le même fond de divi­sion du “monde”…

Göknur Yumuşak Yazıcı anci­enne tech­ni­ci­enne agri­cole du Min­istère d’A­gri­cul­ture, auteure, jour­nal­iste et activiste de l’en­vi­ron­nement, fai­sait par­tie de la délé­ga­tion. Elle nous racon­te sa vis­ite sur Bianet

Une région sacrifiée

carte turquie aliagaAli­ağa se situe dans le dis­trict d’Izmir et se trou­ve à 60km de dis­tance. En 1960 Ali­ağa a été déclarée « région indus­trielle » et la zone s’est élargie dans le temps, et sans aucun plan ni con­trôle. Aujourd’hui, près de 3000 petits ou grands étab­lisse­ments sont en activité.

Des instal­la­tions de déman­tèle­ment de bateaux, et toutes les indus­tries par­al­lèles, des entre­pris­es de pétrochimie, de rem­plis­sage de GPL et GNL et leurs réserves, des ports, des usines d’engrais, des aciéries, usines de fer et aci­er aux foy­ers d’arc, des usines qui tra­vail­lent des dérivés de fer (fonte, tôle, fil de fer, clous), des fab­ri­cants d’huiles et d’aliments pour ani­maux, des entre­pôts de char­bon d’importation, des cass­es de voitures, des car­rières, des entre­pôts de logistique…

Les déchets de toutes ces exploita­tions en activ­ités depuis 45 ans, sont sans relâche libérés dans la nature, air, terre, mer… Pous­sières de toutes nature, cen­dres, suies, des mon­tagnes de scories (40–50 mil­lions de tonnes), des huiles chargées de métaux lourds, de l’ami­ante, et toutes sortes de dérivés de pét­role, ont trans­for­mé la région en un enfer toxique.

Comme si cela n’était pas suff­isant, les cen­trales ther­miques à char­bon d’im­por­ta­tion, et au gaz naturel ont rejoint cet enfer depuis deux ans.

Dans la région Ali­ağa-Foça, une grande par­tie de la zone, surtout les bor­ds de mer, est envahie par ces instal­la­tions et centrales.

Autant d’installations pol­lu­antes cumulées dans cet endroit représente un dan­ger pub­lic à la hau­teur d’un cen­trale nucléaire poten­tielle­ment “explo­sive”. La pol­lu­tion générée dans cette région, affecte l’air de la majorité d’Izmir et atteint même les rives loin­taines du golf.

C’est un ensem­ble mon­strueux, qui empoi­sonne en con­tinu l’environnement, les habi­tants et la nature. L’air, la mer, l’eau sont imbibés de chim­iques tox­iques et l’écosystème est pro­fondé­ment détérioré.

Cette région, qui était un petit par­adis, avec ses eaux turquois­es, ses pho­ques, ses oliv­eraies, avec sa nature typ­ique­ment égéenne, avec la ville antique Kyme, est morte à jamais.

aliaga foca bateaux 2

Démantèlements dangereux

Les instal­la­tions de déman­tèle­ment sont avec les usines de fer et d’acier, les plus destruc­tri­ces, car il s’agit d’une activ­ité qui néces­site la manip­u­la­tion des matières et pro­duits haute­ment nocifs et toxiques.

Notons que nous avons pu accéder très dif­fi­cile­ment sur les sites de déman­tèle­ment de bateaux. Avec insis­tance et déter­mi­na­tion, ils nous ont autorisés, mais seule­ment jusqu’à une cer­taine distance.

La santé des ouvriers

aliaga foca bateaux 1Le Prési­dent des Indus­triels du recy­clage de bateaux Adem Şimşek donne quelques ren­seigne­ments aux vis­i­teurs. Il y a au total 22 instal­la­tions de recy­clage et 1200 ouvri­er y tra­vail­lent. Les ouvri­ers n’ont pas de syn­di­cat. Selon Adem Şimşek, les ouvri­ers “n’en veu­lent pas”. De toutes façons ici, tout le monde, les employés et les employeurs sont de mêmes familles ou au moins du même vil­lage. Les ouvri­ers ne sont pas for­més avant de com­mencer à tra­vailler, et leur statut d’ouvrier passe du père au fils.

Le Prési­dent a ras­suré les vis­i­teurs, en déclarant que dans la région, des con­trôles et mesures sont effec­tués régulière­ment et que jusqu’à main­tenant, il n’y a pas eu de résul­tats inquiétants.

Kuito

Pour­tant, la presse dit le con­traire. Par exem­ple en 2015, nous appre­nions par les médias, qu’un bateau géant de 113 tonnes, nom­mé Kuito, provenant d’Angola allait être déman­telé sans aucune étude préal­able de radioac­tiv­ité. Et que seule­ment après les con­tes­ta­tions des défenseurs de la nature, le tri­bunal a décidé d’arrêter les travaux… Une déci­sion d’ailleurs ren­due bien après la fin des travaux.

Cet exem­ple est con­fir­mé par l’avocat d’EGEÇEP, Arif Ali Cangı qui a souligné que le déman­tèle­ment de ce bateau avait provo­qué une sérieuse pol­lu­tion nucléaire.

Nous ne savons pas com­bi­en d’ouvriers souf­frent de mal­adies pro­fes­sion­nelles ou en meurent tous les ans. Mais il n’est pas dif­fi­cile de devin­er que les tra­vailleurs qui subis­sent des haut taux de radi­a­tion et des pro­duits chim­iques ne doivent pas avoir une san­té de fer.

Le sale boulot de l’Europe et du Moyen-Orient

Comme l’Eu­rope et le Moyen Ori­ent (par­tie Golfe) ne veu­lent pas de recy­clage sur leur ter­ri­toire, le boulot dan­gereux est fait par les ouvri­ers de l’Indonésie, Chine, Pak­istan, Inde et… de la Turquie. Les poubelles du monde avec main d’oeuvre à pas cher.

En principe, les bateaux doivent être déman­telés dans des piscines rem­plies de pro­duits chim­iques spé­ci­fiques. Mais le Prési­dent des Indus­triels, Adem Şimşek explique qu’il s’agirait d’in­vestisse­ments trop impor­tants, l’Etat n’apportant aucune aide ni sou­tien. Donc, les entre­pris­es ne le font pas.

Soit il n’y a pas de loi ni de règle­ments qui oblig­ent à ce sys­tème de recy­clage plus sécurisé, soit la loi reste sur le papier.

aliaga-foca 2

Nous con­tin­uons notre vis­ite au par­adis des cen­trales. Au début, nous voyons les fumées de loin. En nous rap­prochant nous com­mençons à voir à notre droite, les mon­tagnes de scories qui s’élèvent, tout en noir. Tout au long de notre route ces mon­tagnes con­tin­u­ent à nous suiv­re, sans aucune inter­rup­tion, comme des drag­ons noirs au milieu du vert.

A notre gauche, tout est vert. Le print­emps est envoutant. Les cen­dres dégagées des cen­trales et les mon­tagnes de scories pol­lu­ent l’air, la terre, l’eau. Les murs et bar­belés qui entourent les cen­trales ne peu­vent pas empêch­er l’ensem­ble de se répandre.

Il neige des cen­dres sur les pâquerettes. Avec toute cette pol­lu­tion, les vignes, les oliv­eraies fer­tiles qui se trou­vaient à la place de ces mon­tagnes noires devi­en­nent des rêves du passé. Nous quit­tons la région, le coeur serré.

Nous nous deman­dons s’il y a des études, des sta­tis­tiques sur le can­cer et d’autres mal­adies causées par la pol­lu­tion. Car dans une zone autant pol­luée, des prob­lèmes de san­té sont inévitables.

Nous avons vu l’enfer de Foça-Ali­ağa de l’intérieur, nous avons été témoins de la pol­lu­tion. Main­tenant il faut se met­tre à tra­vailler pour dire halte à tout cela. 

Le pre­mier pas à faire peut être le meet­ing “anti éner­gies fos­siles” qui se déroulera à Ali­ağa et dans dif­férents pays simul­tané­ment le 15 mai prochain. Nous atten­dons tou-te‑s les ami-e‑s de la nature et nous faisons appel à votre solidarité !

Aliaga

Débar­rasse du char­bon, sauve­g­arde l’avenir.

Break Free 2016 est la suite des « lignes rouges » nées en dénon­ci­a­tion de la COP 21 à Paris.
4/15 mai — Alle­magne, Etats-Unis, Aus­tralie, Indonésie, Philip­pines, Afrique du Sud, Espagne, Israël, Pales­tine, Cana­da, Nige­ria, Turquie. Site Inter­net : en turc / en anglais

Image à la Une : pho­to by Mae­stro, Ali­ağa.


Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
Naz Oke on EmailNaz Oke on FacebookNaz Oke on Youtube
Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.