L'Ile-de-France, future "capitale économique de la zone euro" ?

Une étude du Conseil d'analyse économique estime qu'elle peut devenir la "capitale économique de la zone euro"... si elle s'en donne les moyens !

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Paris doit essayer d'attirer davantage les centres de décision européens des grands groupes des pays émergents.
Paris doit essayer d'attirer davantage les centres de décision européens des grands groupes des pays émergents. © AFP

Temps de lecture : 5 min

La France est-elle attractive pour les groupes étrangers ? François Hollande a fait de cette question un enjeu de politique économique central en réunissant tous les six mois, depuis deux ans, le conseil stratégique de l'attractivité, qui rassemble des patrons d'entreprises étrangères. Mais le diagnostic est compliqué par l'absence de données objectives. En fonction des critères retenus et des classements, l'image de l'Hexagone varie. Dans sa dernière note, le Conseil d'analyse économique (CAE), un think tank rattaché au Premier ministre, a tenté d'apporter sa pierre à la réflexion.

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2,5 emplois pour chaque salarié

Ses deux auteurs* ont étudié l'attractivité française pour « les centres de décision » des entreprises étrangères, non pas à partir de réponses à un sondage, mais grâce à une base de données européenne renseignée de 1980 à 2012. Avantage : cette base de données permet de distinguer le ou les « centres de décision » d'une entreprise d'un simple siège social dont l'implantation peut dépendre de considérations fiscales ou juridiques. Celui d'Airbus Group, par exemple, est localisé à Leyde, aux Pays-Bas, mais ne compte que trois personnes. Le siège opérationnel, lui, est situé Blagnac, qui totalise, avec Toulouse, 26 000 emplois !

Attirer des centres de décision, définis comme le lieu où sont rassemblées des fonctions stratégiques comme les directions financières, la R&D, la communication ou encore le marketing, est donc crucial. « Les emplois qualifiés attachés aux centres de décision ont de forts effets d'entraînement », explique Alain Trannoy, l'un de deux auteurs de l'étude. Chaque emploi en générerait, à terme, 2,5 autres liés aux services aux entreprises et à la personne ainsi qu'aux effets de réseau créés par une implantation. En cas de plan social dans le groupe, un pays d'accueil de centre de décision serait aussi davantage susceptible d'être épargné.

Un match entre l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique

La bataille pour l'implantation des centres de décision en Europe met aux prises quatre pays, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique et la France, qui concentrent à eux seuls 70 % des centres de décision. Sur trente ans, les résultats sont sans appel : l'Hexagone a perdu du terrain. Sur trois décennies, il a dégringolé de la première à la quatrième place, tandis que l'Allemagne a fait le chemin inverse. En prenant en compte la taille des centres, il est passé de la quatrième à la sixième place. Non seulement la France peine à attirer les implantations des pays émergents, par exemple de la Chine, – les plus dynamiques –, mais elle rassemble aussi des centres plus petits, essentiellement en Ile-de-France (60 à 70 % du total).

Un déclin déjà enrayé

Heureusement, ce déclin s'est enrayé depuis le milieu des années 1990. Londres a connu une évolution inverse, avec une stabilité jusqu'aux années 1990 puis un déclin, quand Bruxelles, au contraire, a vu sa part augmenter. Pour les deux auteurs, ces tendances pourraient s'expliquer par la création de la zone euro, « qui devient un avantage comparatif » pour Bruxelles et Paris au début des années 2000.

Selon les auteurs, le déclin de l'Ile-de-France sur trente ans est surtout dû à sa spécialisation sectorielle sur le commerce de gros, l'énergie, l'hôtellerie et la restauration, moins dynamiques, et ses cibles géographiques traditionnelles : les entreprises américaines et européennes. Paris devrait donc se tourner vers les pays émergents et les secteurs en croissance comme le numérique. Mais l'étude se concentre davantage sur son « attractivité pure », une fois écartés les deux facteurs précédents. Et, dans ce domaine, l'Ile-de-France apparaît sur une pente ascendante à partir des années 2000, tout comme Bruxelles, au détriment de Londres et de la Flandre (les centres de décision en Allemagne sont plus dispersés, du fait de la structure fédérale du pays). Cela fait dire aux auteurs que la première région française « a toutes ses chances, à condition de ne pas les gâcher ».

Devenir la « capitale économique de la zone euro »

Pour Alain Trannoy, « la bataille pour devenir la tête de pont des entreprises américaines en Europe est perdue au profit de Londres et de Dublin. Mais l'Ile-de-France doit se battre pour devenir la capitale économique de la zone euro ». Cela passe par des investissements massifs dans les transports et l'éducation. Il recommande donc de tout faire pour maintenir un aéroport international très attractif afin de rester parmi les quatre grandes portes d'entrée sur le territoire européen avec Londres, Francfort et Amsterdam. Or, souligne Alain Trannoy, « le hub de Roissy a perdu 3 000 liaisons internationales entre 2007 et 2013 ». La région, à la tête de laquelle Valérie Pécresse (LR) vient de créer un Conseil stratégique pour l'attractivité et l'emploi, devrait aussi offrir, selon les recommandations des auteurs, une meilleure offre de lycées internationaux aux cadres étrangers, et construire une ou deux universités de rang mondial.

Investir, investir, investir

La baisse de la fiscalité n'est clairement pas au centre des recommandations du Conseil d'analyse économique. « Le coût du travail des qualifiés n'est pas un argument pour venir s'implanter à Paris », explique Alain Trannoy sur la base d'une étude spécifique réalisée sur le sujet. Les auteurs recommandent au contraire d'enclencher une concertation européenne sur l'imposition des hauts revenus pour éviter une spirale à la baisse.

Si la diminution de l'impôt sur les sociétés n'est pas considérée comme une priorité, les auteurs avertissent toutefois sur les effets potentiels des mesures européennes contre l'évasion fiscale des multinationales. Leurs filiales installées hors de l'Union européenne devraient bientôt devoir acquitter la différence entre l'impôt payé dans le pays d'implantation et l'impôt du pays européen de la maison mère sur les bénéfices rapatriés, si la différence entre les deux taux atteint 40 %. Cela pourrait considérablement handicaper les sociétés implantées en France, où l'impôt sur les sociétés est très élevé. Tous les candidats de droite se sont déjà engagés à baisser l'impôt sur les sociétés, et François Hollande devrait acter une première étape dès l'année prochaine. Mais cela ne devrait pas dispenser la France de faciliter la vie aux groupes étrangers en transformant l'administration fiscale pour qu'elle passe d'une culture du contrôle à la culture du conseil aux entreprises.

L'Attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises, Farid Toubal et Alain Trannoy, CAE, avril 2016

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Commentaires (5)

  • Illitch

    "Capitale économique de l'Ile-de-France... " ? Avec une Seine-Saint-Denis qui additionnent les handicaps économiques, les zones de non-droit, les caïdats de quartier, les édiles phagocytés par tous les communautarismes... Je rigole.

  • Aphroditechild

    Mais bien sûr que l'Ile de France "pourrait"... Encore faut-il avoir des personnalités capables de la porter jusque là avec courage, force et combativité. Pour l'instant, on se contente de ce que l'on a comme hauts-fonctionnaires qui s'acharnent sur les "riches" et rendent les pauvres encore plus pauvres. La valeur travail ne semble pas au goût du jour et rien n'est fait pour encourager les patrons si ce n'est que les imposer au maximum voire laisser filer à l'étranger nos meilleurs élites qui trouvent des verts pâturages ailleurs. "Aimer l'entreprise" c'est une chose mais le prouver, alors là...

  • Leshan

    Les tenants de l'euro peuvent toujours rêver !