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Politique

Quand Montebourg et Macron se font la courte échelle

L’homme de la démondialisation fera, lundi l’ascension du Mont-Beuvray, en priant pour que l’homme qui marche veuille bien se décider à se mettre à courir.
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130516 Challenges Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg en août 2014
Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg en août 2014
(c) AFP

Sur le mode de la confession, Arnaud Montebourg a confié, dimanche dernier, à Laurent Delahousse, sur France 2, que « s’il y avait des responsabilités à prendre, il les prendrait ». Lundi, jour de Pentecôte, il compte profiter du rendez-vous annuel de ses fidèles, au Mont Beuvray, pour faire descendre l’Esprit-Saint sur une gauche rendue à de nouvelles espérances. Si tout se passe comme prévu, c’est après l’Assomption, fin août, qu’il devrait donner, à Frangy, un tour plus concret encore à sa résurrection politique en vue de la prochaine présidentielle, tout en priant pour que d'ici Noël, François Hollande préfère renoncer plutôt que s’aventurer sur le chemin du Golgotha. Arnaud Montebourg est-il candidat surnaturel ?

Un calendrier n’a jamais fait une politique. Celui-là indique surtout une détermination. Après un stage d’un an et demi en entreprise, l’ancien ministre de l’Economie reprend son bâton de pèlerin et ses habits de prédicateurs. Il retrouve, du même coup, le goût de la parole et de l’action politique. Son schéma stratégique, lui, n’a pas changé depuis l’époque où il expliquait, sans complexes, qu’en compagnie de Manuel Valls, devenu Premier ministre, il allait marginaliser le Président de la République afin de se lancer, plus tard, contre son allié de la veille, dans une campagne de primaire dont il n’imaginait pas qu’elle puisse être autre chose que l’occasion de son propre sacre.

L’épisode un brin grotesque de « la cuvée du redressement », à la fin de l’été 2014, a clarifié plus tôt que prévu le statut d’Arnaud Montebourg, ministre démissionné. Seul, à part, unique en son genre, il aurait pu végéter aux marges de la gauche. L’éclatement de celle-ci ne le remet pas au centre du jeu mais elle lui redonne un espace pour jouer sa partie. Arnaud Montebourg n’est pas encore un recours mais, au moins est-il encore en vie. Ce qui n’est déjà pas si mal.

Figure d'une fronde anti-gauche social-libérale?

Les cartes dont il dispose aujourd’hui, malgré sa disparition momentanée de la scène publique, lui donne, en tous cas, la légitimité nécessaire pour être, une nouvelle fois, un candidat possible. Dans le cheptel socialiste, il est un des rares à avoir entre les mains une réputation et un projet dignes de ce nom. Sa participation à la primaire de 2011, le score qui a été alors le sien (17%) et les responsabilités gouvernementales qui en ont découlé, le placent dans la catégorie des personnalités socialistes clairement identifiées par l’opinion. Sa popularité reste contrastée. Sa notoriété, en revanche, est évidente.

Celle-ci renvoie à un projet qui, lui, est spécifique. Le national-colbertisme d’Arnaud Montebourg est sans équivalent à gauche. Il s’accompagne d’une réflexion originale sur la question des souverainetés au travers une critique de la Cinquième République et de l’Europe de Bruxelles. Tout cela dessine une identité politique qui n’est pas toujours jugée crédible mais qui, au moins, est réputée cohérente. Le parcours personnel d’Arnaud Montebourg a enfin ceci de particulier d’être à la fois chaotique et rectiligne comme si les coups d’éclat dont il est parsemé avaient fini par le placer, au fil du temps, sous le double signe non plus de la témérité mais de la constance.

Là où Martine Aubry est une personnalité sans volonté et Benoît Hamon – pour ne citer que lui -, une volonté sans personnalité, Arnaud Montebourg dispose ainsi, dans son camp, d’une forme de monopole de la contestation de la ligne gouvernementale définie par François Hollande, mise en musique par Manuel Valls et sublimée par Emmanuel Macron. Dit comme ça, on voit donc mal comment, dans le contexte actuel, il pourrait ne pas être, lors de la prochaine présidentielle, le visage d’une fronde apte à censurer dans les urnes la gauche du social-libéralisme.

Et espérer que Macron lève le voile sur ses ambitions...

Pour Arnaud Montebourg, le seul obstacle – mais il est de taille – est en fait d’ordre procédural. Pour espérer être candidat à la présidentielle, il doit impérativement passer par la case primaire. Tout l’y oblige : son passé, ses convictions et les forces dont il dispose. Or si François Hollande décide de se représenter, cette primaire n’aura pas lieu puisque, formellement, il sera non pas désigné mais soutenu par le PS dans une tradition que François Mitterrand, en son temps, avait déjà expérimentée. Ce qui revient à dire que, pour entrer en lice, Arnaud Montebourg n’a pas d’autre solution que d’installer les conditions d’un renoncement préalable du Président sortant.

C’est à l’évidence l’objet principal de l’offensive qui va être lancée, lundi, au Mont-Beuvray. Arnaud Montebourg, pour faire bouger les lignes, ne peut se contenter de mobiliser les avocats qui plaideront bientôt, devant la justice, pour que soient respectés, à la lettre, les statuts du PS. Il ne peut pas davantage compter sur le seul élan de son ambition désormais affichée pour installer, face au pouvoir de l’Elysée et aux manœuvres de la direction socialiste, un rapport de force qui débouche sur autre chose que des escarmouches ponctuelles. En tous cas, il est encore trop tôt pour qu’il puisse espérer décourager la pré-campagne hollandaise telle qu’elle se déploie depuis quelques semaines.

Pour dégoûter François Hollande, il faut l’user. Pour l’user, il faut multiplier les chausse-trappes. Celles de la loi El-Khomri et du 49.3 étaient de taille. Arnaud Montebourg, en coulisse, y a prêté son concours. Mais, dans cette opération, rien ne peut être plus efficace que l’affirmation de candidatures de toutes natures, destinées à montrer que, jusqu’au cœur de son propre dispositif, le Président sortant n’est plus l’évidence qu’il prétend.

On a souvent écrit, ici ou là, que Manuel Valls serait cet assassin et Arnaud Montebourg en fait, un temps, le pari. On voit bien aujourd’hui que le poignard, potentiellement, est entre les mains d’Emmanuel Macron. C’est ce qu’il y a de plus baroque dans cette stratégie d’empêchement. Pour qu’Arnaud Montebourg puisse grimper vers les sommets dont il rêve, il faut que « l’homme qui marche » se décide à franchir, à son tour, le Rubicon. Or sur cette décision-là, tous les Mont-Beuvray du monde, tous les Frangy de la création, ne peuvent strictement rien, comme si c’était le destin du plus volontariste des dirigeants socialistes que de placer destin, une fois encore, entre des mains qui ne sont pas les siennes.

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