L’Indonésie, l’un des plus importants émetteurs de CO2, construira une centaine de centrales à charbon d’ici 2019. Une stratégie qui hypothèque sérieusement les engagements pris par le pays lors de la COP 21.
Quelques mois après l’accord international de Paris sur le climat, les politiques énergétiques du 5ième émetteur de gaz à effet de serre de la planète continuent de miser sur le charbon.
Dans la pratique, la liste d’objectifs définis dans le cadre des négociations climatiques internationales se retrouve peu dans la politique énergétique nationale indonésienne.
Selon le rapport « Indonésie : le test climatique du Crédit Agricole et de la Société Générale », la majorité des projets énergétiques de l’Indonésie d’ici 2019 sont des centrales à charbon, l’énergie la plus polluante.
Grand écart énergétique
Le plan énergétique du pays prévoit de fournir 35 GW de capacité supplémentaire d’ici 2019. Problème, sur ces 35 GW, 20GW relèveront de la construction d’une centaine de nouvelles centrales à charbon, tandis que seuls 3,7 GW seront issus des énergies renouvelables.
Établi en amont de la COP 21, le programme national n’a pas évolué depuis. Plus grave, « le programme de développement à 2026 de l’électricien public, Perusahaan Listrik Negara, prévoit l’installation de 76 GW supplémentaires, dont seulement 16 GW ne seront pas produits par des centrales à charbon » s’inquiète Bondan Andriyanu de Greenpeace Indonésie.
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La Banque asiatique de développement estime que l’actuel plan énergétique de l’Indonésie ferait monter les émissions de CO2 du secteur énergétique à plus de 800 millions de tonnes de CO2 d’ici à 2035, les faisant plus que doubler en 25 ans.
Engagement de la COP 21
Lors de la COP 21, Jakarta avait pourtant soumis une contribution nationale qui prévoyait une réduction de 29 % de ses émissions en 2030. L’objectif avait été jugé relativement peu ambitieux, notamment au regard des engagements précédents du pays. En effet, L’Indonésie s’était déjà engagée à réduire de 26 % ses émissions d’ici à 2020 lors de la conférence de Copenhague.
Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement indonésien compte notamment développer les énergies renouvelables dont la part devrait grimper à 23 % dans la production d’électricité d’ici dix ans. Aujourd’hui, les énergies renouvelables ne représentent que 6 %.
À l’image de nombreux pays en développement, les engagements indonésiens pourront être relevés si le pays reçoit des aides internationales. Un soutien conséquent de la part des pays industrialisés pourrait, selon la contribution, permettre de relever le niveau de réduction de C02 à n41% d’ici à 2030.
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Autre angle d’action de Jakarta, la réduction de la déforestation et la restauration des forêts dégradées. Avec le Brésil et le Congo, l’Indonésie figure parmi les pays les plus touchés par la déforestation, notamment en raison de la culture de palmier à huile, dont l’Indonésie est un des principaux producteurs mondiaux.
Parmi les projets pointés du doigt par le rapport, figure le plan d’agrandissement de la centrale à charbon Tanjung Jati B, qui prévoit la construction de deux unités supplémentaires, de 1000MW chacune.
« Grâce à la construction de ces nouvelles centrales à charbon, les producteurs de charbon auront de nouveaux débouchés alors que la Chine est en train de réduire sa consommation », explique Lucie Pinson
Débouchés du charbon
Selon le rapport, la construction de centrales à charbon vise non pas à répondre aux besoins des populations privées d’énergie, mais à assurer des débouchées à l’importante production de charbon indonésienne.
« Le plan énergétique de l’Indonésie pour 2019 prévoit que la majorité des 35 GW soit construite sur l’ile de Java. Pourtant, 86 % de la population a déjà accès à l’électricité, ce qui n’est pas du tout le cas sur d’autres iles où l’accès à l’électricité est bien moindre » souligne Bondan Andriyanu.
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Le choix est critiqué par les ONG, puisque les réserves en charbon du pays pourraient, d’après une déclaration du ministre de l’Énergie indonésien, être épuisées d’ici à 2036. « et la durée moyenne de vie d’une centrale à charbon est de 40 ans » rappelle Lucie Pinson.
Implication des banques françaises
Le projet controversé a reçu le soutien de deux banques françaises, la Société Générale et le Crédit Agricole. Une autre banque, la BNP Paribas avait cofinancé les unités 3 et 4 de la centrale TJB, mais s’est retirée du nouveau projet d’expansion.
Les banques françaises se sont engagées dans le cadre de la COP 21 à stopper les financements aux centrales à charbon dans les pays industrialisés. Mais cet engagement ne s’étend pas aux pays en développement, ou le recours au charbon souvent est jugé nécessaire pour favoriser l’indépendance énergétique.
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« Selon leurs lignes directrices, les deux banques souhaitent mettre en cohérence leur politique d’investissement avec l’objectif des 2 °C, mais elles ont besoin de développer une méthodologie » reconnait Lucie pinson. « Cependant, financer de nouvelles centrales à charbon n’est clairement pas un pas dans la bonne direction » rappelle-t-elle.