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« Libération », futur « réseau social, créateur de contenus » ?

L'un des actionnaires du quotidien dénonce l'attitude « ringarde » des salariés, qui ont exprimé à la « une » leur indignation contre un projet de redressement financier.

Le Monde avec AFP

Publié le 07 février 2014 à 21h33, modifié le 08 février 2014 à 15h42

Temps de Lecture 4 min.

Les actionnaires de Libération ont annoncé, vendredi 7 février, vouloir faire du journal « un réseau social, créateur de contenus monétisables sur une large palette de supports multimédias (print, vidéo, TV, digital, forums, évènements, radio, etc.) », provoquant l'émoi de la rédaction.

« Nous sommes un journal, pas un restaurant, pas un réseau social, pas un espace culturel, pas un plateau télé, pas un bar, pas un incubateur de start-up... », titre la « une » de Libération, samedi 8 février, qui crie sur cinq pages sa « colère ». Et les mots retranscrits dans ce dossier pour décrire les premières réactions des journalistes sont sans appel : « foutage de gueule », « bras d'honneur », « insulte ».

LE « FLORE DU XXIe SIÈCLE »

Dans un texte mis en ligne par le site vendredi soir, les actionnaires actuels – les hommes d'affaires Bruno Ledoux, Edouard de Rothschild et le groupe italien Ersel – ont pour la première fois précisé leurs intentions vis-à-vis du journal aux ventes en chute libre et financièrement en péril. Ce projet, écrivent-ils, pourrait fournir à Libération « de très forts relais de croissance ». « C'est la seule solution viable, avertit Bruno Ledoux, actionnaire à 26 % et propriétaire de l'immeuble loué par le journal. Si les salariés refusent, Libération n'a pas d'avenir ».

Les actionnaires estiment que le déménagement du journal est « inéluctable » mais réfléchissent, avec le designer Philippe Starck, à transformer les 4 500 m2 du siège du journal, situé rue Béranger, à Paris, en « un espace culturel et de conférence comportant un plateau télé, un studio radio, une newsroom digitale, un restaurant, un bar, un incubateur de start-up ».

Ce « lieu d'échange ouvert et accessible à tous, journalistes, artistes, écrivains, philosophes, politiques, designers » serait « entièrement dédié à Libération et à son univers » dans l'esprit d'un « Flore du XXIe siècle, carrefour de toutes les tendances politiques, économiques, ou culturelles » en misant sur « la puissance de la marque Libération ».

Ce texte ne précise pas le sort exact réservé à la rédaction et ne chiffre pas les investissements nécessaires, mais Bruno Ledoux a précisé samedi sa pensée dans un entretien à l'Agence France-Presse : « Le papier restera au cœur du système mais ne sera plus le système lui-même. Nous allons créer un espace culturel ouvert à tous, de 8 heures à 22 heures : c'est une idée novatrice, à l'heure où tous les médias cherchent des relais de croissance, chacun avec son propre ADN. Ce lieu apportera des ressources complémentaires qui aideront au développement du journal ».

« ON S'EST FAIT AVOIR ! » 

Après avoir pris connaissance du texte, les salariés, qui venaient de reprendre le travail après vingt-quatre heures de grève, se sont à nouveau réunis en assemblée générale vendredi soir. A son issue, ils ont déposé un préavis de grève dimanche pour lundi. Ils ont aussi décidé de longuement expliquer leur position dans le journal à paraître samedi, et en partie sur le site vendredi soir, puis de se réunir à nouveau en assemblée générale dès dimanche, et non plus mercredi comme ils en avaient l'intention.

Dans un éditorial adressé à leurs lecteurs, ils dénoncent « le projet des actionnaires (...) qui a provoqué la stupéfaction puis la colère de l'équipe, tant il est éloigné de [leur] métier et de [leurs] valeurs »« Il n'offre aucune perspective d'avenir sérieuse au journal que vous tenez entre les mains. S'il était appliqué, Libération se verrait ramené à une simple marque. Les semaines qui viennent s'annoncent difficiles, mais nous restons unis et déterminés. »

« Depuis qu'on discute avec François Moulias [membre du directoire du journal], qui fait office de négociateur, il n'a jamais été question d'un plan pareil ! On s'est fait avoir ! », a déclaré Tonino Serafini, délégué SUD.

Samedi matin, l'actionnaire et promoteur immobilier Bruno Ledoux, contacté par BFM TV, dénonçait « l'attitude ringarde des salariés, qui (...) refusent de se réformer sans avoir voulu écouter notre projet ». Selon un mail envoyé vendredi soir aux autres actionnaires et à la direction du quotidien, dont BFM TV et Télérama ont eu connaissance, M. Ledoux emploie un langage encore plus belliqueux : « Je veux les rendre ringards tous ces esprits étriqués et tirer un coup d'avance, un coup cash, où tout est dit, y compris le projet sur l'immeuble. »

CHUTE DES VENTES

Libération, entreprise de 290 salariés aux finances vacillantes, cherche de nouveaux investisseurs, ses actionnaires actuels refusant de remettre de l'argent. Les ventes du quotidien de gauche, qui fête ses 40 ans, ont chuté de plus de 15 % sur les onze premiers mois de 2013 et sont tombées en novembre sous 100 000 exemplaires, à 97 299, le pire score depuis quinze ans.

Lire : « Libération » à la recherche de nouveaux capitaux

En novembre, les salariés avaient adopté à près de 90 % des voix une motion de défiance contre Nicolas Demorand et Philippe Nicolas, les deux coprésidents du directoire. A la mi-janvier, les actionnaires avaient alors nommé membre du directoire l'homme d'affaires François Moulias, artisan d'un plan d'économies qui demande déjà aux salariés d'accepter des baisses volontaires de salaires. Il avait alors assuré que les noms de nouveaux investisseurs seraient connus dans les deux mois.

Libération n'a pas paru vendredi : les salariés du journal avaient voté la grève pour vingt-quatre heures jeudi soir afin de réclamer à nouveau le départ de Philippe Nicolas et Nicolas Demorand, a qui les actionnaires réaffirment dans leur texte « leur soutien total ».

Lire le portrait (édition abonnés) : Article réservé à nos abonnés François Moulias, l'inconnu de « Libération »

Le Monde avec AFP

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