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Le patron de la CGT se hisse au rang de chef de l’opposition à la loi travail

Avec sa stratégie de confrontation directe, Philippe Martinez se relégitime à la tête de sa centrale en la ressoudant.

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Publié le 23 mai 2016 à 19h32, modifié le 25 mai 2016 à 17h19

Temps de Lecture 3 min.

Le secretaire général de la CGT  Philippe Martinez avec les gréviste de la raffinnerie de Douchy-les-Mines le 21 mai.

Dans le bras de fer qui l’oppose à un gouvernement qui, selon sa formule, « choisit de bomber le torse, montrer les muscles », Philippe Martinez joue l’escalade. Sur fond de blocages de raffineries, une huitième journée de grèves et de manifestations se profile jeudi 26 mai, puis une grève interprofessionnelle avec une manifestation nationale à Paris le mardi 14 juin. Le secrétaire général de la CGT se pose ainsi en commandant en chef de la contestation et même en chef de l’opposition de gauche. Et après un congrès difficile, en avril à Marseille, il se relégitime à la tête de sa centrale en la ressoudant.

Parmi les sept organisations qui mènent la fronde contre la loi El Khomri – CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL –, M. Martinez a pris le leadership. Privé de moyens lui permettant d’imposer un jeu égal, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, est réduit au rôle de second. Depuis deux mois, le leader de la CGT a rompu tout contact avec le gouvernement, à la différence de son homologue de FO. Il juge que sa seule chance, même si elle est mince, d’obtenir un retrait de la « loi travail » ne viendra pas des journées d’action à répétition – malgré un léger regain de participation le 19 mai – mais de blocages ciblés de l’activité économique. Sans appeler à la grève générale, il prône des grèves reconductibles en espérant qu’elles vont gagner peu à peu des entreprises du secteur privé qui, pour l’heure, sont largement à l’écart.

Parallèlement, M. Martinez politise son discours. Alors que la gauche de la gauche est en miettes, il se place dans la posture de chef de l’opposition de gauche à François Hollande et Manuel Valls et anticipe une défaite de la gauche en 2017. « Hollande et Valls utilisent les mêmes méthodes que Nicolas Sarkozy en 2010, a-t-il déclaré samedi à Wizernes (Pas-de-Calais). Face à la lutte des salariés, ils envoient les forces de l’ordre pour casser les grèves. »

« Déni de démocratie »

Dans L’Humanité du 12 mai, il avait estimé qu’en mettant en œuvre une réforme du code du travail non inscrite dans son « programme électoral approuvé par les électeurs de gauche », le chef de l’Etat se livrait à « un véritable déni de démocratie ». A Marseille, M. Martinez avait mis le signe égal entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, laissant entendre que la politique du second était pire : « Le gouvernement actuel, avait-il lancé, prolonge et amplifie ce que faisait celui de Nicolas Sarkozy. » Il avait même accusé M. Hollande de se comporter « en chef de guerre, en espérant ainsi redorer son blason sur le plan national, en reprenant le flambeau de Bush père et fils, de Poutine et de Nétanyahou ».

S’il a été (bien) réélu à Marseille sur une ligne radicale, M. Martinez a obtenu sur l’orientation pour les trois années à venir les plus mauvais scores à un congrès depuis la Libération. Avec ce conflit, il se relégitime et ressoude la CGT, dont les fédérations avaient de plus en plus tendance à s’autonomiser par rapport à la centrale.

Il a enrôlé derrière sa bannière la Fédération de la chimie (ultraradicale) et les cadres de l’UGICT (à la fibre plutôt réformiste). Candidat malheureux à la succession de Bernard Thibault, et opposé au départ à M. Martinez, Eric Aubin est devenu directeur de La Nouvelle Vie ouvrière. Dans le journal de la CGT de mai, il valide sa stratégie jugeant que « le rapport de force peut avoir raison de tout, même d’une loi votée ». M. Martinez a aussi pris soin de visiter, le 21 mai, ses militants qui bloquaient le dépôt pétrolier de Total à Haulchin (Nord), histoire de galvaniser ses troupes. « Quand on se bat, a-t-il martelé, on peut gagner, mais si on ne se bat pas, on est sûr de perdre. »

Toujours en crise, affaiblie dans ses bastions, menacée d’être détrônée de sa première place syndicale par la CFDT en 2017, la CGT joue gros. Avec cette stratégie jusqu’au-boutiste, elle risque de se retrouver dos au mur sans obtenir le retrait de la « loi travail » que M. Valls a de nouveau exclu mardi. En 2010, face à une contestation plus puissante de tous les syndicats, M. Sarkozy n’avait pas reculé sur la réforme des retraites. M. Martinez court aussi le risque de l’impopularité en cas de pénurie d’essence. S’il perd, il appellera à sanctionner ce gouvernement qui a trahi la gauche dans les urnes en 2017. Mais, quelle que soit l’issue, il aura gagné dans la CGT ses galons de combattant. A quel prix ?

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