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Libération
Récit

Le viol, un crime sans frontières

Alors qu’une femme sur trois dit avoir subi des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie, seuls les viols collectifs semblent marquer les esprits.
par Isabelle Hanne et Mégane De Amorim
publié le 31 mai 2016 à 20h01

Fin 2012, le viol collectif et meurtrier d'une étudiante dans un bus de New Delhi mettait l'Inde en émoi, forçant ce pays aux structures patriarcales à mettre le sujet à l'agenda politique. Aujourd'hui, c'est le viol collectif d'une adolescente de 16 ans à Rio de Janeiro, commis fin mai par une trentaine d'hommes hilares, filmés au téléphone, qui remet ce crime sous les radars médiatiques. «Il est encore trop tôt pour dire si ce cas va provoquer une prise de conscience comme ça a été le cas en Inde, mais il faut marquer le coup, a martelé Nadine Gasman, représentante au Brésil de l'ONU Femmes, l'organisation des Nations unies consacrée à l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes. Ce ne sont pas des cas isolés. C'est la manifestation de la misogynie et du machisme de la société : il existe une culture du viol au Brésil.»

Partenaire intime

Le viol est une réalité sans frontières sociales ni géographiques, qui constitue un crime dans la plupart des législations contemporaines. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le viol est «une pénétration par la force physique ou tout autre moyen de coercition de la vulve ou de l'anus, au moyen du pénis, d'autres parties du corps ou d'un objet» (en France, le code pénal considère comme un viol tout acte de pénétration sexuelle, vaginale, anale ou buccale, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise). La définition de l'OMS de la violence sexuelle, elle, est un peu plus large : «Tout acte sexuel, tentative d'acte sexuel ou tout autre acte exercé par autrui contre la sexualité d'une personne en faisant usage de la force, quelle que soit sa relation avec la victime, dans n'importe quel contexte.» Selon une note de décembre 2015 de l'OMS, 35 % des femmes, soit près d'une femme sur trois, indiquent avoir été exposées à des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime ou de quelqu'un d'autre à un moment de leur vie. En Afrique, 45,6 % des femmes affirment avoir été victimes de violence sexuelle. Elles sont 40,2 % en Asie du Sud-Est, 36,1 % en Amérique, et 27,2 % en Europe.

«Saintes et prostituées»

La réalité est sous-estimée par les statistiques parce que bien souvent tue par les victimes. En Inde, par exemple, environ 36 000 viols sont rapportés par an, soit trois fois plus qu'en France (12 000 déclarés), pour une population vingt fois plus importante… Peu d'Indiennes osent enregistrer des plaintes, même si leur nombre a augmenté de 50 % entre 2012 et 2014, conséquence probable de l'impact du viol de 2012 et des manifestations qui avaient suivi. La stigmatisation des femmes violées reste prégnante dans bon nombre de sociétés. «Au Brésil, les femmes sont encore divisées en deux catégories : les saintes et les prostituées, détaille à Libération Eva Alterman Blay, sociologue brésilienne et fondatrice du Centre d'étude sur le genre et les droits des femmes à l'université de São Paulo. Quand une femme est violée, peu importe son âge, elle est immédiatement considérée comme une femme facile. C'est à cause de ce présupposé que les policiers posent des questions du type : "Vous étiez en short ? Qu'est-ce que vous faisiez dans la rue en pleine nuit ?" En ne prenant pas en compte le fait qu'elle travaille ou étudie la nuit, qu'elle prend le bus tôt le matin pour aller au travail… Et que la femme a le droit de s'habiller comme elle l'entend.»

Le viol n’est pas une affaire de longueur de jupe ou de morale : c’est un crime, qui a des conséquences sur la santé des femmes. Les études de l’OMS montrent, entre autres, des problèmes de santé mentale, surtout des états dépressifs ou suicidaires, des problèmes de sexualité ou de reproduction, et des troubles lors de la maternité.

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