Quoi de plus normal que de se rendre des services entre amis ? C’est sans doute ce que s’était dit Steven McClatchey, qui avait fait la connaissance de Gary Pusey il y a quatre ans à la marina de Yachtsmen’s Cove, aux confins de Long Island et de Long Beach, à une quinzaine de kilomètres de New York.
Au départ, la relation n’avait rien d’évident. Le premier était banquier chez Barclays à Wall Street, le second plombier. Deux univers qui n’auraient jamais dû se croiser s’il n’y avait pas eu cette passion du bateau que les deux hommes partageaient. Leur histoire avait commencé par un salut aimable sur un ponton où chacun avait arrimé son embarcation de la même marque et du même modèle. Rien de tel pour briser la glace. Et puis, au fil des semaines, la conversation s’est faite de plus en plus amicale, la confiance s’est instaurée, si bien qu’au bout de quelques mois ils passaient pratiquement tous leurs week-ends ensemble.
Opérations susceptibles de se concrétiser
Mais, la proximité aidant, les conversations dépassèrent vite les problèmes de carénage et d’accastillage. M. McClatchey, 58 ans, qui travaillait au département des fusions et acquisitions de Barclays, commença à parler boulot et se mit à raconter son quotidien à son partenaire de plaisance. Après tout, donner des tuyaux à un plombier pour arrondir ses fins de mois peut avoir une certaine logique.
Il faut dire que M. McClatchey était aux premières loges. Son rôle était notamment de distribuer à une poignée de collègues triés sur le volet une lettre confidentielle, la M & A Global Weekly Business Update. Un document qui recense toutes les opérations susceptibles de se concrétiser dans les jours suivants. Y avoir accès donne un petit temps d’avance qui permet de miser sans risque sur des actions qui ne pourront que monter au moment de l’annonce officielle de la fusion.
Bien sûr, M. McClatchey ne l’avait pas fait uniquement par pure amitié. Utiliser ces informations confidentielles était pour lui impossible. Tout mouvement sur son compte pour acheter des actions aurait été immédiatement repéré par les autorités. En revanche, quoi de plus anodin qu’un plombier qui boursicote entre deux soudures.
« Quelque chose de bon allait se passer »
Mais la régularité des opérations et leurs montants ont fini par éveiller les soupçons. Le cérémonial était toujours le même. McClatchey conseillait à M. Pusey de garder un œil sur telle ou telle entreprise, parce que « quelque chose de bon allait se passer ». La combine fonctionna une bonne dizaine de fois.
Par exemple, lorsque le fabricant de produit pour animaux de compagnie PetSmart fusionna avec Petco, lorsque CVS racheta les pharmacies du groupe de distribution Target, ou encore lorsque l’énergéticien Duke Energy s’empara de son concurrent Piedmont Natural Gas. Quand le plombier eut vent qu’il se tramait quelque chose entre Sabine Oil & Gas et Forest Oil, il n’hésita pas à miser 23 000 dollars sur la seconde. Quelques minutes après l’annonce de l’opération, le titre Forest Oil flambait de plus de 13 %.
Ces coups de main étaient rémunérés en nature ou en espèces. M. McClatchey a ainsi fait refaire sa salle de bain à l’œil, d’autres fois M. Pusey lui portait sa part du butin dans un sac de sport qu’il lui remettait à la marina ou parfois dans son garage. Le plombier a encaissé 76 000 dollars entre 2014 et 2015. Il a plaidé coupable il y a quelques jours et coopère avec les autorités. Quant à M. McClatchey, il ne travaille plus chez Barclays. Arrêté mardi 31 mai à New York, il est accusé de délit d’initié et risque de ne plus faire de bateau avant longtemps.
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