Benzema, Debbouze, Cantona... Mais à quoi jouent-ils ?

LE FAIT DU JOUR. Les propos de Karim Benzema, Jamel Debbouze et Eric Cantona pourrissent le climat à huit jours du début de l’Euro.

    Il faut croire qu'Internet n'a pas encore, ou mal, pénétré les vertes vallées autrichiennes. Appelés mercredi à commenter les déclarations polémiques de Karim Benzema, depuis leur lieu de stage, les Bleus ont pour certains plaidé la rupture de réseau. « Je n'ai eu aucun vent de tout ça. Vous savez, ici on est un peu coupés du monde », a ainsi commenté Blaise Matuidi.

    Bien sûr, personne n'est obligé de les croire. D'ailleurs mercredi matin, constatant les dégâts, le président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, et le ministre des Sports, Patrick Kanner, se sont parlé, partagés entre dépit et colère. On se doute que les joueurs de Didier Deschamps, comme la France entière, ont eu vent des déclarations de leur partenaire qui fait procès à son sélectionneur de ne pas l'avoir retenu pour le prochain Euro après avoir « cédé sous la pression d'une partie raciste de la France ». Ce serait oublier un peu vite le rôle, non neutre, de l'attaquant du Real Madrid dans l'affaire dite de la sex-tape pour laquelle il est mis en examen. A huit jours de l'Euro 2016 en France, les déclarations de Benz sont un nouveau poison qui pollue la préparation des Bleus déjà perturbée par les forfaits en cascade. Noël Le Graët a tenté de déminer le terrain : « Benzema s'est laissé un peu aller et je préférerais qu'il soit un peu plus aimable vis-à-vis de ses copains. Maintenant, je souhaite qu'on arrête de parler de cette petite divergence. »

    Cette polémique agit comme un révélateur

    Mais il n'est pas certain que cet appel à la raison suffise, pas plus d'ailleurs que les récriminations des politiques de tous bords. Parce que cette polémique agit aussi comme un révélateur. Celui d'un certain malaise exprimé par Eric Cantona et, surtout, Jamel Debouzze : une partie des Français issus de l'immigration maghrébine ressent les non-sélections de Benzema, Ben Arfa et Nasri comme un signal d'exclusion, voire de stigmatisation. « Les boucs émissaires ont toujours les mêmes têtes », a ainsi relevé le député PS de Trappes Benoît Hamon. Parions que dimanche, lors de son passage à Clairefontaine, François Hollande aura quelques mots pour apaiser des tensions identitaires qui , dans la France d'aujourd'hui, n'épargnent plus l'un de ses fleurons : les Bleus.

    Du débat sportif à la controverse identitaire

    Sociologue, auteur de l'ouvrage « la France que nous voulons », El Yamine Soum estime que cette affaire risque d'attiser le repli communautaire. « Nous sommes aujourd'hui dans une société de l'émotion, du rapide où, avec les réseaux sociaux, tout va très vite, tout est amplifié, explique-t-il. Ce type de déclarations ne peut donc qu'amener des clivages. Le débat a été déplacé sur le plan identitaire. Ces interrogations autour de l'identité reviennent en force depuis des années. Ce sont toujours les mêmes projections. Chaque groupe serait menacé par un autre… Aujourd'hui, le foot est aussi victime de cela. » Selon El Yamine Soum, Jamel Debbouze est tombé dans un piège en parlant de « nos représentants » en référence à la banlieue : « On ne peut pas demander à être traité comme tout le monde tout en se réclamant de particularismes, cela revient à remettre des frontières. Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est que Cantona et Debbouze vivent tous les deux une expérience de mixité ethnique dans leur vie privée… » En revanche, l'expert ne condamne pas Karim Benzema. « Il a exprimé son point de vue, indique-t-il. En France, il a une image de bad boy. Il a souvent été la cible d'attaques parce qu'il a cette image. Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi de l'inconscient dans ces attaques parce qu'il s'agit d'une personne d'origine maghrébine ? Toujours est-il qu'il y a une part d'irresponsabilité dans les propos des uns et des autres. Et en plaçant le débat sur ce thème, on occulte les vraies questions. » A savoir ? « Quid de la présomption d'innocence ? Très vite, cette affaire a pris une dimension politique avec les interventions des uns et des autres. Le footballeur se doit d'être exemplaire, entend-on. Mais pourquoi devrait-il l'être plus que les politiques qui parfois sont condamnés ? »

    VIDEO. Patrick Kanner, ministre des sports, à Karim Benzema : « Stop ! »

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    QUESTION DU JOUR. Equipe de France : Karim Benzema a-t-il encore un avenir en Bleu?