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Enarque, homme, quinqua... le profil type du membre de cabinet à l'Elysée

Deux nouvelles arrivées sont annoncées au cabinet de François Hollande. «Libération» a analysé les profils de toutes les personnes passées ou encore présentes aux côtés de François Hollande.
par Nicolas Boeuf
publié le 2 juin 2016 à 11h19
(mis à jour le 13 juin 2016 à 18h36)
La dernière année du mandat de François Hollande est déjà entamée. Depuis un peu plus de quatre ans, ils sont près d’une centaine à s’être succédé au cabinet de la présidence. Conseillers, chefs de cabinet, état-major… Méconnus du grand public, ce sont les artisans de sa politique. Souvent énarques, rarement des femmes, ceux qui ont déjà quitté le navire ont, pour la plupart, trouvé une position confortable.

La dernière arrivée en date, d'après nos confrère du Canard Enchainé dans leur édition du 8 juin 2016, est Ariane Amson, nommée conseillère justice. Cette magistrate, qui n'est pas passée par l'ENA et se distingue ainsi de ses nouveaux collègues. Elle est par ailleurs la compagne de Pierre Heilbronn, membre du cabinet de Michel Sapin et proche de Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l'Elysée.

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Un tiers d’énarques

Avant tout, les membres passés ou présents au cabinet de l’Elysée sont des hauts fonctionnaires. La plupart sont recrutés dans des cabinets d’autres ministères, dans les grandes administrations, comme l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). 35% des membres ont achevé leur formation à l’ENA, la formation la plus représentée, loin devant le nombre de conseillers ayant terminé leurs études à Science Po et Normale Sup.

15% à 25% de femmes

Le premier gouvernement de François Hollande était strictement paritaire. Un équilibre que le Président s'est efforcé de préserver, plus ou moins, au fil des remaniements. Mais au sein du cabinet de la Présidence, on en est loin. Entre mai 2012 et mai 2016, la proportion de femmes a évolué entre 15% et 25%. Il y a pourtant «40% à 45% de femmes à l'ENA», note Monique Dagnaud (1), sociologue et directrice de recherche au CNRS, balayant l'argument d'un «déficit» de femmes haut fonctionnaires.

Au sein des cabinets présidentiels ou ministériels, les femmes se heurtent aux mêmes obstacles qu'ailleurs, d'après Françoise Dreyfus (2), professeure émérite de sciences politiques à l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la haute fonction publique. «Même si elles sont énarques ou administratrices civiles, les femmes vont se heurter au plafond de verre. Elles vont avancer moins vite que les hommes, surtout dans les postes décisionnaires, qui dépendent de la volonté du politique.»

Age moyen : 49 ans

Photo DR

La communication de l'Elysée avait mis l'accent sur un aspect du cabinet : la jeunesse. En février 2015, l'Obs avait fait sa une sur «la Jeune Garde du président», et dressé une galerie de portraits de ces trentenaires au service de la présidence. Lorsqu'on se penche sur les chiffres, pourtant, la moyenne d'âge des membres présents ou passés au cabinet de François Hollande (pour ceux dont nous avons pu trouver la date de naissance) est de 49 ans.

«Il y a eu des jeunes, mais les postes importants sont occupés par des gens pas tout à fait de première jeunesse. Ils sont de la génération de Hollande», modère Françoise Dreyfus. «Ce n'est pas un cabinet spécialement jeune», renchérit Monique Dagnaud, qui note que l'argument jeunesse est plutôt là pour la com : «Il y a cette image que la jeunesse, c'est génial, c'est un éternel recommencement. On vous dit que si vous avez la jeunesse avec vous, c'est bon.»

52 départs depuis 2013

Comme souvent dans les cabinets ministériels, le «turnover est important», dit Françoise Dreyfus. Pour la première fois du quinquennat, les départs du cabinet semblent connaître une vraie accélération ces dernières semaines, avec le départ de quatre collaborateurs entre avril et mai. Il ne reste à l'Elysée plus que trois conseillers de la première version du cabinet (et trois membres de l'état-major), présents depuis mai 2012. Jusque-là, on ne peut pas dire que le cabinet de François Hollande ait connu des mouvements de fuite massifs.

«Tremplin» pour carrière de hauts fonctionnaires

Ceux qui quittent le cabinet, d'ailleurs, que deviennent-ils ? Pour la plupart, ils retrouvent une position confortable. «Au départ, les cabinets, c'est pour les jeunes recrues de l'ENA. C'est un tremplin pour une carrière pour le privé ou la haute fonction publique», explique Monique Dagnaud, qui décrit «un système de sélection des élites à la française».

Accès aux grandes administrations, au Conseil d'Etat, voire à un ministère pour Emmanuel Macron ou Audrey Azoulay, les anciens conseillers de François Hollande ont en effet trouvé de bonnes positions. «C'est un moyen de récompenser ceux qui se sont dévoués», assure Françoise Dreyfus. «Passer par les cabinets ministériels, c'est un moyen d'accéder à des postes plus prestigieux. Si vous êtes nommé au tour extérieur dans un grand corps comme le Conseil d'Etat, vous avez un fauteuil à vie qui vous permet d'avoir d'autres postes tout en gardant l'assurance d'un emploi».

Quelques membres du cabinet sont aussi partis vers le privé à la fin de leur expérience élyséenne, même si cela reste très minoritaire. Ils ne sont que 7 sur 52 à avoir sauté le pas, comme Laurence Boone, conseillère économique et financière de François Hollande, qui retourne dans le privé en rejoignant l’assureur AXA comme chef économiste ou Jean-Jacques Barbéris, conseiller aux affaires économiques et financières, devenu depuis mai 2016 chargé des relations avec les banques centrales et les fonds souverains chez Amundi (filiale du Crédit agricole).

Parcourez la dernière composition en date du cabinet de François Hollande

Mise à jour le 10 juin :  Jean-Pierre Hugues, 65 ans, a été choisi pour être le nouveau directeur de cabinet de l'Elysée. Cet énarque issu de la promotion Voltaire, qui était directeur de la Ligue de football professionnel (LFP) et ancien préfet, correspond tout à fait au profil-type du membre de cabinet sous François Hollande, que nous avions établi il y a en mai 2016.

Mise à jour 13 juin : Ariane Amson devient conseillère justice.

(1) Monique Dagnaud est auteure de le modèle californien, Comment l'esprit collaboratif change le monde (Odile Jacob, 2016).

(2) Françoise Dreyfus est auteure de l'Invention de la bureaucratie. Servir l'Etat en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis XVIII-XX siècles (la Découverte, 2000).

Vous pouvez consulter l'intégralité des données que nous avons récoltées à la sueur de notre front sur notre compte Github.

Pour aller plus loin :

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