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Libération
Reportage

A Lyon, Macron dans les habits de candidat

Fraîchement accueilli par les opposants à la loi travail, le ministre de l'Economie a profité de son déplacement dans la ville de Gérard Collomb pour prononcer un discours aux allures de programme présidentiel.
par Maïté Darnault, à Lyon
publié le 2 juin 2016 à 18h34

L'appel à la manifestation du 2 juin avait un invité tout particulier à Lyon : le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, en tournée dans la métropole rhodanienne auprès des acteurs industriels. Le matin, la visite officielle a débuté dans une usine de chimie de l'agglomération, où près de 1 500 manifestants ont convergé. Le défilé mêlait syndicats, grévistes et membres de Nuit debout, rejoints en route par des cheminots. Parmi eux, Frédéric, 51 ans, est venu protester «encore et toujours contre la loi El Khomri» : «Aujourd'hui, on est en tee-shirt mais on a besoin d'avoir une vie digne. Ces lois vont appauvrir la population, étrangler les gens. Même si on travaille, on n'aura pas d'argent pour se payer un costard.» Pas question pour Macron d'exposer le sien au crachin persistant, à la rencontre des troupes bloquées devant l'entrée. Il a, par contre, été proposé aux représentants CGT et FO du cortège d'être reçus sur le site par le ministre. Ils ont préféré décliner l'invitation. Vers midi, poussant un portail ouvert, une centaine de manifestants ont tenté de pénétrer dans l'usine. La police s'est chargée de les chasser illico et a dispersé l'attroupement avec quelques lacrymos.

La foule était tout aussi nombreuse mais plus disciplinée à l’hôtel de ville de Lyon, pour la seconde étape du programme. Sous les lustres monumentaux, une assemblée d’entrepreneurs, au dress-code parfaitement raccord avec celui de l’homme au costume, a réservé une standing-ovation au ministre de l’Economie. Le maire (PS) de la ville, Gérard Collomb, s’est chargé de chauffer l’assistance. Egalement président de la métropole, l’élu s’était déclaré il y a quelques semaines au micro de Bourdin, sur RMC, en faveur du mouvement politique lancé par le benjamin du gouvernement, En marche. L’invitant dans la foulée à venir à Lyon, au cœur de la vallée de la Chimie, et surtout en terre acquise à la social-démocratie.

«Les femmes et les hommes de progrès»

«Vous avez un langage neuf, des idées qui correspondent à la société d'aujourd'hui. Vous ne vous contentez pas de ressasser les dogmes périmés d'hier, vous voulez rassembler plutôt que diviser», s'est délecté Gérard Collomb, terminant son discours par un tutoiement qui n'a, semble-t-il, pas indisposé le ministre de l'Economie : «La venue de beaucoup ici aujourd'hui est un acte de confiance. C'est à toi maintenant, cher Emmanuel, de montrer que tu es à même de répondre à cette espérance.» Macron lui a succédé à la tribune sous l'œil bienveillant d'une assemblée acquis à sa cause : «Gérard Collomb a tout dit de ma journée à Lyon, me voilà contraint d'improviser sur le reste.»

Le reste, c'est un exposé fluide, prononcé sans aucune note, qui ressemble beaucoup plus à un discours de campagne qu'à un devoir de ministre. Un discours de candidat ? «Un discours de convictions», répond-il du tac au tac quand on lui pose la question. L'occasion, minimise-t-il, de «partager [sa] lecture» de la France d'aujourd'hui. Une vision qu'il a développée en quatre axes : l'innovation, l'éducation, la réduction des inégalités sociales et territoriales, et le rôle de l'Europe, «qui se détricote sous nos yeux», a-t-il déclaré avant d'enjoindre son auditoire à «rassembler les femmes et les hommes de progrès, ne rien accepter des logiques du passé, […] de la violence, de la brutalité, de l'injustice du monde qui nous entoure». Et de conclure, l'air habité : «C'est peut-être un rêve fou, impossible, […] mais ce grand changement nécessaire à notre pays, je suis persuadé que nous réussirons à le faire ensemble.» Reste à déterminer qui, exactement, ce «nous» pourrait englober.

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