Lancôme cède aux pressions de Pékin et s’autocensure

Lancôme cède aux pressions de Pékin et s’autocensure

Lancôme, filiale du groupe français L’Oréal, a brutalement laissé tomber une chanteuse hongkongaise pro-démocratie après une campagne sur les réseaux sociaux chinois.

Par Pierre Haski
· Publié le · Mis à jour le
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C’est le genre de situations que redoutent toutes les entreprises étrangères implantées en Chine : se retrouver au cœur d’une polémique qui enflamme les réseaux sociaux instrumentalisés par le pouvoir chinois. Et c’est exactement ce que vit depuis deux jours la marque Lancôme, filiale du groupe L’Oréal, pour qui le marché chinois est devenu central.

Denise Ho, chanteuse pro-démocratie

Au cœur de la tempête, l’association de Lancôme avec Denise Ho, une jeune chanteuse de Hong Kong, qui devait se produire en concert pour son sponsor.

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Mais Denise Ho n’est pas n’importe qui : elle s’est clairement engagée aux côtés du mouvement démocratique hongkongais, devenu la bête noire de Pékin, et a même été arrêtée lors de la « Révolution des parapluies », il y a deux ans, lorsque la jeunesse du territoire autonome chinois réclamait le droit d’élire directement ses dirigeants. Elle a également rencontré le dalaï-lama, une véritable « trahison » pour Pékin.

L'interpellation de Denise Ho en dcembre 2014
L’interpellation de Denise Ho en décembre 2014 - EYEPRESS/SIPA

Une brève campagne sur Weibo, le « Twitter chinois », relayée par le quotidien nationaliste Global Times, publié par le Parti communiste chinois, a eu raison de Lancôme. Egalement visée, la marque américaine Listerine qui a diffusé une pub avec le visage de la chanteuse.

Traduction : « Listerine et L’Oréal dénoncés pour leurs liens avec la star de Hong Kong Denise Ho. »

« Raisons de sécurité »

Le groupe français a d’abord déclaré que Denise Ho ne le représentait pas, avant d’annuler le concert prévu le 19 juin, en invoquant des « raisons de sécurité ».

Le communiqu de Lancme Hong Kong annulant le concert
Le communiqué de Lancôme Hong Kong annulant le concert « pour raisons de sécurité » - Capture

Depuis, ce sont les Hongkongais qui sont furieux et accusent Lancôme d’avoir trahi ses principes au profit du marché de Chine continentale, plus important. Des mots d’ordre de boycottage circulent sur les réseaux sociaux du territoire.

A commencer par Denise Ho elle-même qui a publié lundi un communiqué sur sa page Facebook, qui ne mâche pas ses mots :

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« Quand une marque mondiale comme Lancôme en est réduite à s’agenouiller devant un pouvoir hégémonique et intimidant, nous devons affronter le problème en face car cela signifie que les valeurs universelles ont été gravement dénaturées. Les individus, les entreprises et la société en sont tous victimes. Cela affecte chacun d’une manière profonde et grave. Je dis cela respectueusement : en plus de réaliser des profits, les entreprises ont une responsabilité sociale. Mon engagement avec Lancôme était de nature purement musicale. Toutefois, cette coopération a été rompue brutalement et de manière unilatérale, en invoquant des raisons étranges et ambiguës qui ont enragé nombre d’entre nous. »

La marque française réalise à ses dépens la tension qui règne entre Hong Kong, l’ancienne colonie britannique redevenue chinoise en 1997, et le gouvernement central de Pékin. Les Hongkongais vivent très mal l’érosion de leur autonomie et le refus de Pékin de leur permettre d’élire leurs dirigeants, toujours choisis, de facto, par le gouvernement central.

S’excuser pour vendre

Lancôme n’est pas la première marque étrangère prise dans ce genre de tourbillon, et qui, pour sauver le marché chinois, devenu dans le cas du groupe L’Oréal son premier au monde, cède aux injonctions politiques de Pékin.

On se souviendra de Fiat qui avait fait conduire une de ses voitures sur le toit du monde à Richard Gere, connu pour son soutien au dalaï-lama, de Dior qui avait dû désavouer Sharon Stone après des commentaires sur la Chine, ou encore de Citroën qui avait déformé le visage de Mao pour sa pub en Espagne !

Une pub de Citron pour laquelle le constructeur franais a d s'excuser
Une pub de Citroën pour laquelle le constructeur français a dû s’excuser - Capture

 

Pierre Haski
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