SNCF : comment le gouvernement a cédé aux cheminots

Pour tenter de sauver sa loi El Khomri et l'Euro, le gouvernement a décidé de lâcher face aux grévistes. Et tant pis pour l'addition.

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François Hollande et son ministre des Transports, Alain Vidalies, n'ont pas voulu prendre le risque d'attiser les grèves.
François Hollande et son ministre des Transports, Alain Vidalies, n'ont pas voulu prendre le risque d'attiser les grèves. © AFP

Temps de lecture : 4 min

L'Euro de football échappera-t-il aux grèves dans les transports ? Le gouvernement n'a en tout cas pas ménagé ses efforts ces dernières semaines pour préserver cette vitrine pour la France, ainsi que la loi El Khomri. Arcbouté sur sa réforme du Code du travail, l'exécutif a entrepris de céder à toutes les revendications catégorielles afin d'éviter un blocage total du pays et de préserver les chances de voir son texte un jour appliqué. Avec une augmentation de salaire de plus de 5 % accordée aux contrôleurs aériens, le ministre des Transports Alain Vidalies s'est ainsi épargné une perturbation dans les aéroports qui aurait pu avoir lieu du 3 au 6 juin, juste avant le débat de la compétition.

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La direction de la SNCF court-circuitée

À la SNCF, rien n'est encore gagné. Mais, là encore, le ministre des Transports n'a pas ménagé ses efforts pour obtenir la fin de la grève. Alain Vidalies a tordu le bras à la direction de l'établissement public en négociant en direct avec les syndicats réformistes (CFDT et Unsa) le nouvel accord d'entreprise sur l'organisation du travail. En un week-end, fin mai, les espoirs de Guillaume Pépy, son président, de revoir l'organisation du travail pour renforcer la compétitivité de l'entreprise – alors que se négociait parallèlement le premier accord de branche du transport ferroviaire (fret et transport de passagers) – se sont évaporés. Fin 2015, il avait pourtant affiché son souhait de « renégocier la façon de faire les trente-cinq heures ».

Les cheminots ont notamment obtenu du gouvernement le maintien d'une mesure hautement symbolique qu'ils appellent, dans leur jargon, le 19/6. Ce dispositif leur accorde un jour de carence en plus de leur repos hebdomadaire lorsqu'ils terminent leur dernier jour de travail après 19 heures, que cela soit prévu sur le planning ou lié à un retard de train. La direction espérait économiser des dizaines de millions d'euros en rognant sur cet avantage. Des dérogations pourront bien être négociées à ce principe « dès lors que les conditions économiques locales ou sectorielles » le justifient, mais elles devront s'accompagner de compensations. Sur le travail de nuit, le gouvernement a même amélioré le droit actuel.


À l'issue d'une dernière séance de discussions de 19 heures lundi avec la direction de l'entreprise, ce compromis a finalement été finalisé avec la direction, contrainte et forcée. La CFDT et l'Unsa sont prêtes à le signer. Mais tout dépendra de la CGT. S'ils mêlaient leur voix à SUD-Rail, l'organisation plus radicalement opposée à un compromis, les deux syndicats seraient en mesure de s'y opposer, puisqu'ils atteindraient à eux seuls plus de 50 % des voix.

Mardi, la CGT a ouvert une porte. Dans son communiqué, elle a reconnu que « les évolutions du texte définitif lors de cette séance de négociations amènent la future réglementation sur l'aménagement du temps de travail applicable aux cheminots de la SNCF au niveau » actuel. Elle a toutefois décidé de laisser sa base décider sur le terrain de la poursuite, ou non, de la grève mercredi, malgré la pression mise par le gouvernement, qui prévient qu'il n'y aura plus de négociation. Mais ce pourrait bien être son baroud d'honneur, avant de rentrer dans le rang.

Le contribuable sollicité

Seule consolation pour la SNCF, l'entreprise devrait regagner – un peu – de compétitivité par rapport à ses concurrents dans le fret de marchandises. Et ce, grâce aux concessions obtenues en termes de nombre de jours de congé par les salariés des entreprises privées dans la convention collective qui pourrait être signée d'ici à mercredi. Selon la direction de la SNCF elle-même, l'écart serait alors réduit « de plus de la moitié ». Une nécessité impérieuse alors que la concurrence doit être ouverte à partir de 2020 sur les grandes lignes passagers, puis à partir de 2026 pour les TER.

Il n'en reste pas moins que l'immixtion du gouvernement à la SNCF pour sauver sa loi El Khomri et l'Euro devrait coûter au contribuable. Pour compenser le quasi-maintien du statu quo sur l'organisation du travail, la direction de l'entreprise réclame désormais des mesures de compensation à l'État pour faire supporter les frais liés à son énorme dette de 50 milliards d'euros, en grande partie liée au développement de l'exceptionnel réseau français.

Et ce n'est peut-être pas fini. Un préavis de grève a d'ores et déjà été déposé à la RATP à partir du 10 juin par SUD-Rail pour protester contre la loi travail et réclamer une augmentation générale des salaires. À Air France, trois syndicats de pilotes menacent de ne pas voler du 11 au 14 juin...

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Commentaires (107)

  • Albretcht

    Merci pour cette mise au point.

  • Roger11

    Dommage que vous citiez la célèbre rumeur de la phrase attribuée à Marie-Antoinette par J. J. Rousseau, car tous les historiens sérieux savent que si cette reine d'origine autrichienne avait fait connaître les croissants (viennoiserie) aux français, en revanche elle n'a jamais parlé de leur donner de la brioche, faute de pain... D'ailleurs cette phrase figurait déjà dans certaines gazettes un siècle plus tôt : le rôle des médias était déjà lourd à l'époque !
    Sinon, je partage entièrement votre indignation face à l'arrogance des "nantis", qui ne sont pas toujours ceux auxquels on pense...

  • Clicoeur

    Si Hollande s'était occupé de sa loi "travail" dès le début de son quinquennat, nous n'en serions pas là avec les syndicats qui menacent de saboter l'organisation de l'Euro 2016. Au lieu de ça, les Français ont eu droit au "mariage pour tous". Vive les mariés !