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Analyse

Le mode opératoire de la tuerie de Tel-Aviv alarme Israël

Deux jeunes Palestiniens déguisés en juifs traditionalistes ont ouvert le feu dans un quartier animé de Tel-Aviv mercredi soir, tuant quatre personnes.
par Nissim Behar, à Tel-Aviv
publié le 9 juin 2016 à 8h41

Quatre morts et une quinzaine de blessés plus ou moins graves. Tel est le bilan de tuerie perpétrée mercredi soir lorsque deux jeunes Palestiniens originaires du village de Yatta (Cisjordanie) ont arrosé avec des mitraillettes artisanales les terrasses du Sarona market de Tel-Aviv, un nouveau centre commercial où défilent environ vingt mille personnes par jour.

Toutes les tables étaient occupées et les terroristes, qui portaient des costumes noirs et une kippa sur la tête, ont tiré à bout portant. L’un d’entre eux a été gravement blessé et l’autre, arrêté au terme d’une course-poursuite dans les rues de la ville où les passants fuyaient en hurlant.

De retour de Moscou où il venait de rencontrer Vladimir Poutine,  Benyamin Netanyahou a immédiatement réuni ses principaux conseillers en sécurité avant de convoquer un cabinet restreint de la défense pour jeudi matin. Car cette tuerie dépasse de très loin les faits constatés jusqu’à présent dans le cadre de l'«intifada des couteaux» en cours depuis huit mois.

Certes, le 1er janvier 2016, un Arabe israélien inspiré par la propagande de Daech avait déjà ouvert le feu avec sa mitraillette Carl Gustav sur une terrasse de Tel-Aviv, faisant un mort. Mais cette fois, l'attentat est plus sérieux. «Ce modus operandi dénote une préparation et une organisation différentes de celle des poignardeurs qui se font abattre sur place au moment où ils tentent de frapper l'un de nos soldats dans le cadre de l'"intifada des couteaux". Les tueurs de Tel-Aviv ne sont pas passés à l'action sur un coup de tête et c'est peut-être le signe annonciateur que des évènements plus graves se préparent», estime Gil E., un ancien officier du Shabak (la Sûreté générale) devenue consultant en sécurité. Il poursuit : «Durant la deuxième intifada (2000-2004), nous avions déjà découvert en Cisjordanie des uniformes neufs de Tsahal [l'armée israélienne] ainsi que des tenues permettant à des terroristes de se travestir en religieux. Mais personne n'était jamais passé à l'acte jusqu'à mercredi soir. Cette fois, les deux terroristes – deux cousins - étaient  d'ailleurs tellement bien déguisés que la plupart des témoins les ont pris pour des juifs observants [et non pour des orthodoxes, leur costume étant différent]. Alors que les Israéliens ont tendance à se méfier, ils n'ont intrigué personne lorsqu'ils se sont présentés devant les clients qu'ils allaient attaquer».

Inquiétant également pour les services de sécurité de l’Etat hébreu, le fait que deux jeunes hommes déterminés et armés aient réussir à s’infiltrer jusqu’au cœur de leur pays en dépit de la «barrière de sécurité» érigée à partir de 2002 en Cisjordanie pour empêcher de tels faits: le Sarona market jouxte les installations de la Kol Israël (la radio publique), plusieurs immeubles ministériels et le siège de l’état-major de l’armée,

Au titre de premières représailles, l’armée israélienne a levé l’autorisation accordée à certains Palestiniens de Cisjordanie de visiter leur famille vivant en Israël à l’occasion du ramadan. Mais sur le fond, cette mesure cosmétique ne changera pas grand-chose. La tuerie de Tel-Aviv démontre qu’en dépit de toutes les mesures sécuritaires prises par l’Etat hébreu, ceux qui décident de commettre un attentat en Israël y parviennent toujours.

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