Des routes « intelligentes », plus résistantes, capables de s'éclairer et se dégivrer elles-mêmes, de guider les futurs véhicules autonomes et même... de fournir de l'énergie : bien que confrontés à un marché déprimé en France, les géants du BTP - Eurovia (Vinci), Colas (Bouygues) et Eiffage - travaillent d'arrache-pied pour donner vie à ces innovations.
L'élan est venu de l'Union européenne et son programme « Forever Open Road », décliné en France avec la « route de cinquième génération (R5G) » promue par l'Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux). Il prône des solutions pour assurer un « état de surface optimal » des routes dans toutes les situations climatiques, encourage la conception de matériaux recyclables capables de « s'auto-diagnostiquer » et « s'auto-réparer ». Des prototypes de routes « communicantes » voient le jour : « Smartvia », mise au point par Eurovia, est truffée de capteurs évaluant l'endommagement de la chaussée en mesurant température, pression, humidité et déformation. Et ce, afin de « prévenir des dégradations avancées, tout en évitant des opérations lourdes d'auscultation ». L'obstacle, pour passer à l'échelle industrielle, est plutôt d'ordre financier. Entre capteurs et station de transmission des données, équiper une portion de route « représentative de l'équipement » coûte entre 50.000 et 100.000 euros. Eurovia gère aujourd'hui Smartvia dans le cadre de contrats de recherche... en attendant de pouvoir facturer ces services aux collectivités.
Colas, lui, teste les capteurs développés par sa filiale Aximum sur l'autoroute A63 qu'il construit dans les Landes. Demain, ces données, croisées avec d'autres (météo, trafic, etc.), guideront les voitures sans conducteur. Elles devront toutefois être traitées et sécurisées. « Toutes ces innovations vont générer de nouveaux emplois, assure Pascal Tebibel, directeur prospective chez Colas. Mais il faudra former davantage de gens à la gestion de l'open data. » Lancé en octobre à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le consortium « So mobility » (Cisco, CDC, Bouygues Immobilier, Engie, Transdev, Colas) développe, lui, des applications sur smartphone donnant accès aux places inoccupées de parkings d'hôtels ou de centres commerciaux. « Dans une dizaine d'années, lorsqu'on construira un parking, il sera fait pour recharger les voitures électriques. La recharge par induction, sans contact, c'est le Graal, mais on n'a pas encore la solution technique », rapporte Pascal Tebibel. De son côté, Eiffage met au point un revêtement plus sûr en conditions extrêmes, rafraîchi en été et réchauffé en hiver par la géothermie.
Soutenue par le ministère de l'Environnement, qui a fixé l'objectif de 1.000 kilomètres d'ici à cinq ans, la route solaire développée par Colas - avec des dalles « Wattway » collées sur la chaussée, résistant au trafic automobile et produisant de l'énergie - suscite admiration et circonspection. Développée depuis cinq ans avec l'Institut national de l'énergie solaire (Ines), elle sera testée sur plusieurs dizaines de chantiers en France en 2016 et 2017. Le premier site pilote de Mouilleron-le-Captif (Vendée), où 50 m² doivent produire 6.300 kWh/an, a été inauguré le 2 juin. Colas espère lancer des offres commerciales en 2018. Aux sceptiques qui pointent la fragilité des cellules photovoltaïques, Pascal Tebibel répond que ces dalles résistent au passage d'« un million de poids lourds » et dureront « quinze ans, comme une route classique ». Leur recyclage, lui, est « en cours d'amélioration ». Également en phase de recherche : une chaussée auto-réparatrice, recyclable, en bitume composé de micro-algues... « Les technologies économiquement viables, sociétalement acceptables, qui rendront un service, s'imposeront. Les autres seront abandonnées », prédit Hervé Dumont, directeur technique du pôle route d'Eiffage.
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