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Musiques Africaine-Américaine

Afropunk, un autre visage de l’Amérique noire à Paris

Le festival Afropunk, qui se déroule chaque été à Brooklyn depuis 2005, s’est exporté pour la seconde année consécutive pendant trois jours au Trianon à Paris. Un public bigarré, animé par la même envie de sortir des clichés, a apprécié le clou du spectacle : un concert du slammeur américain Saul Williams, emblématique du mouvement.

Au festival Afropunk , le 5 juin 2016 au Trianon à Paris.
Au festival Afropunk , le 5 juin 2016 au Trianon à Paris. RFI/Sabine Cessou
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Afropunk, un festival qui tire son nom du documentaire éponyme de James Spooner, sorti en 2003, a cherché à construire un pont entre la communauté noire américaine et la contre-culture punk (voyou), née dans les années 1960 avec les groupes « garage » aux Etats-Unis. Le festival propose une gentille fusion des genres, pour attirer un public divers. Pour sortir de la confidentialité, il a programmé par le passé des têtes d’affiches telles que Lauryn Hill, Lenny Kravitz et Grace Jones à Brooklyn, ou encore Keziah Jones, qui s’est servi de sa guitare comme d’une percussion, pour la première édition d’Afropunk à Paris en 2015. Une première expérience européenne concluante.

Le Trianon, ancien théâtre et belle salle de concert du XVIIIe arrondissement de Paris, a de nouveau affiché complet du 3 au 5 juin. Les spectateurs sont venus de Paris, mais aussi de New York, Londres et Berlin, pour ne pas manquer ce rendez-vous alternatif et branché. Le programme était pointu et global, avec des artistes tels que Mashayabuhqe KaMamba, issu d’une avant-garde sud-africaine méconnue, mais aussi Féfé, Petite Noir, Afrotonix ou le groupe soul The Suffers, venu de Houston, Texas.

Saul Williams, artiste de légende

Clou du spectacle : un concert rare de Saul Williams, icône américaine du slam et emblème du mouvement afropunk. Sa musique, un mélange d’influences, brasse les messages critiques. Il s’est lancé dans un projet dénommé « MartyrLoserKing », en référence moqueuse à Martin Luther King. Des images sous-titrées par les messages tirés de ses chansons ont défilé pendant son passage sur scène, pour rendre hommage aux héros multicolores et internationaux des années 1960 : Mohammed Ali, James Baldwin, Janis Joplin, John Lennon, Simone de Beauvoir et Marguerite Duras, ponctué par un « mthrfck the King » sous l’image de David Bowie, ou encore « mthrfck religious thought » sous une image d’un Indien d’Amérique. En véritable électron libre, Saul Williams a passé un bon moment à chanter dans la fosse, au beau milieu du public, lui faisant l’effet d’une pile électrique.

Son vieil ami Lamine Badian Kouyaté, créateur de mode malien et fondateur en 1990 à Paris de la marque Xuly-Bët, n’a pas raté ce grand moment. Il se reconnaît dans ce festival auquel il a participé en 2015, à Paris et Brooklyn, pour y vendre des tuniques en wax imprimées du mot Afropunk en grosses lettres dorées. « Je l’ai fait par affinité et pour participer à un effort de guerre, explique le créateur, auprès d’un public qui s’est reconnu dans notre touche afro dans le monde nouveau ».

Il s’agit pour lui d’écouter la « voix de toute une jeunesse américaine qui essaie d’exister en dehors des codes habituels et des clichés, avec un sens de la fusion des influences qui va au-delà de la couleur. » Le côté punk consiste à s’assumer comme individu libre d’être lui-même, hors des conventions, tout en rejoignant le côté rebelle d’un mouvement qui se veut désormais positif. « Ouvert à l’autre, prêt à diffuser des messages contre la haine, le racisme et le sexisme, note Lamine Badian Kouyaté, Afropunk attire du coup un public blanc, qui se retrouve dedans. »

Le look et l’esprit, plus que la musique

Thibus, styliste d’origine béninoise, musicien dans le groupe « d’afrobeat vaudoun » Monkuti, arborait une veste de costume en wax rose et un pantalon de bazin blanc, avec de grosses lunettes des années 1970 aux montures translucides. « Je voulais découvrir cet événement en vrai, et l’énergie était bien celle que l’on m’avait décrite, dit-il. Chacun vient avec sa sauce au niveau du style, ce qui m’incite à revenir à la mode « ethnique », pour mélanger les éléments traditionnels et modernes, par exemple un boubou avec une paire de baskets ».

L’artiste conférencier sénégalais Kemi Bassène, basé à Paris et intéressé par la jonction entre les arts contemporains d’Afrique et d’Inde, s’est régalé au Trianon. Interviewé par la sœur d’Angela Davis pour le catalogue d’Afropunk, il partage volontiers ses réflexions : « On ne vient pas à Afropunk pour la musique, dit-il, mais l’esthétique et le côté récréatif d’une communauté qui se rassure sur son appartenance à un univers contemporain, un rythme et une scène d’habitude réservés aux Blancs. Le festival repose sur une grosse revendication : à partir du moment où les Noirs ont perdu le rock à Memphis (avec Elvis Presley, ndlr), tous les mouvements dérivés ont été récupérés. Afropunk, c’est une façon de jouer sur plusieurs tableaux : la libération des corps et une reconnaissance des Noirs différente de l’afrocentrisme, plutôt tourné vers le passé. Le festival rejoint l’afro-futurisme, avec une imagination et un caractère utopique qui deviennent plus importants que le savoir… »

Matthew Morgan, l’un des deux organisateurs du festival, ne peut que confirmer : « Il y a des nuances dans la culture entre New York et Paris, certes, mais je vois le même degré d’amour, la même volonté d’être ensemble, les mêmes bonnes vibrations ». Une bonne bouffée d’air, dans ce nouveau millénaire… 

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