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« Femmes incomplètes », « sang impur », « complot mondial »… L’inquiétante dérive turque

Obsédé par le contrôle, auto-investi d’une mission moralisatrice, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne rate pas une occasion de s’immiscer dans l’intimité de la population.

Par  (Istanbul, correspondante)

Publié le 10 juin 2016 à 16h30, modifié le 11 juin 2016 à 07h44

Temps de Lecture 4 min.

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Des femmes turques protestent contre les propos d’Erdogan, le 6 juin à Ankara.

Lettre d’Istanbul

Les femmes turques pensaient avoir tout entendu, depuis l’interdiction de rire en public « au nom de la décence », proférée en août 2014 par l’ancien vice-premier ministre turc, Bülent Arinc, jusqu’aux exhortations incessantes du président, Recep Tayyip Erdogan, à ce que chacune d’elle, en âge de procréer, mette au monde « au moins trois enfants ».

Coutumier des déclarations sexistes – l’égalité entre les hommes et les femmes est « contre-nature », avait-il dit en novembre 2014 − le président turc a dépassé toutes les attentes, dimanche 5 juin, en qualifiant d’« incomplète » la femme dépourvue de descendance.

« Les femmes qui refusent d’être mères, celles qui refusent de rester à la maison pour entretenir le foyer sont sans doute très compétentes dans les milieux d’affaires mais, malgré cela, ces femmes sont incomplètes. En se servant du travail comme prétexte, elles refusent d’être des femmes. Rejeter la maternité c’est renoncer à l’humanité », a déclaré Recep Tayyip Erdogan en inaugurant les nouveaux locaux de l’Association des femmes turques et de la démocratie (KADEM), financée par le gouvernement. L’auditoire, largement féminin, n’a pas bronché.

« La voie indiquée par notre cher prophète »

Les femmes émancipées n’ont pas tardé à réagir. Le même jour, dans la soirée, des centaines d’entre elles ont protesté à Eskisehir, à Ankara, à Istanbul, avec, pour certaines, une banderole entre les mains sur laquelle on pouvait lire : « La femme est entière, ceux qui disent le contraire ont l’esprit incomplet ».

« Ce discours est la goutte d’eau de trop », s’insurge Fatma Ayhan, militante de l’association des femmes républicaines, section de Manisa (ouest de la Turquie). Selon elle, « ni l’Etat, ni la religion ne peuvent imposer à la femme ce qu’elle doit faire avec son corps, combien d’enfants elle doit avoir ou comment elle doit accoucher. Tout ceci est un pur produit du discours masculin dominant ».

Une large partie de la gent féminine s’est sentie insultée par la remarque du président. Mais M. Erdogan n’en a cure. Obsédé par le contrôle, auto-investi d’une mission moralisatrice, il ne rate pas une occasion de s’immiscer dans l’intimité de la population.

Quelques jours avant sa sortie sur la femme « incomplète », il avait estimé que le planning familial et la contraception n’étaient pas faits pour les musulmans. « Je le dis clairement, (…) nous allons accroître notre descendance. On nous parle de contraception, de planning familial mais aucune famille musulmane ne peut avoir une telle mentalité. Nous suivrons la voie indiquée par Dieu et par notre cher prophète. »

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