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Les aliments de l'été, une véritable pharmacie

Ils sont frais, colorés, aux goûts et aux nutriments variés... La profusion d'aliments offerts à notre appétit et à notre gourmandise sur les marchés estivaux est notre alliée: l'alimentation est à la base de la - bonne ou mauvaise - santé.

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Par Claude Vincent

Publié le 10 juin 2016 à 01:01

«Que l'aliment soit ta première médecine!» Ainsi parlait Hippocrate à ses étudiants il y a 2500 ans. Une injonction toujours valable aujourd'hui, à laquelle on pourrait ajouter: «Et que l'étal du marché soit ta pharmacie.» La période estivale est le moment rêvé pour mieux prendre conscience de ses mauvaises habitudes alimentaires et s'interroger - agréablement et sans stress - sur la manière de les faire évoluer pour être en meilleure forme et prévenir, sans en attendre de miracles, certaines pathologies.

De la fin du printemps au début de l'automne l'offre de produits, en particulier de fruits et de légumes, explose. «Il y a tout au long des marchés de Provence/qui sentent le matin la mer et le Midi/des parfums de fenouil, melons et céleris...», chantait Gilbert Bécaud, ode à une joie de vivre indissociable d'une bonne santé. Variés, frais, colorés et odorants, locaux et bio de préférence, ces produits écrivent à ciel ouvert leur propre pharmacopée. Une véritable somme. «Dans un aliment, on va trouver de quinze à plusieurs centaines de molécules utiles différentes. Il y en a près de 800 dans le chocolat, révèle ainsi le nutritionniste Jean-Michel Cohen (1). Si vous mangez quinze aliments différents par jour, vous allez fournir à votre corps au moins 225 types de micronutriments. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut diversifier la nourriture. Et en variant les aliments, vous évitez de surdoser ou sous-doser tel ou tel nutriment.»» Jean-Michel Cohen va ainsi vanter les choux - blanc, vert, rouge, frisé (kale) - «de puissants antioxydants» ou encore le poivron qu'il classe «dans le top 3 pour la vitamine C, après le persil et le kiwi».

Interroger des spécialistes de la diététique et de l'alimentation, c'est ouvrir grand les vannes! Un exemple en appelle vite un autre. Pour l'un, ce sera le raisin et son resvératrol (polyphénol), un antioxydant qui accroît la résistance des vaisseaux et aux propriétés antivieillissement de la peau, et la mangue pour sa vitamine E (problèmes menstruels, système immunitaire...); pour un deuxième, la richesse de l'abricot en magnésium et en potassium (crampes, articulations), en vitamines A (vue, peau...) et C (tonus); un troisième citera le curcuma (associé au poivre), le piment, les herbes et les aromates, également excellents exhausteurs de saveurs utiles pour limiter l'usage de gras, fixateur de goût.

Tous les médecins qui se penchent sur notre assiette sont convaincus du rôle fondamental de l'alimentation. «Elle est responsable de 20% des cancers», assure ainsi David Khayat, cancérologue de la Pitié-Salpêtrière, qui rappelle les trois principes de base: «Ne pas manger la même chose tous les jours, faire de l'exercice pour éviter l'embonpoint responsable de cancers et de problèmes cardiovasculaires, et manger des fruits et légumes de saison», explique-t-il. Ainsi, boire du jus d'orange toute l'année serait une hérésie. «Cela augmente les risques de cancer de la peau. L'été, préférez-lui le jus de grenade, qui protège contre les cancers du sein ou de la prostate.» Autre aliment star, la tomate, plébiscitée par tous les spécialistes pour sa concentration en lycopène, ce pigment rouge qui colore également la pastèque, la papaye, la goyave ou le pamplemousse rose. Il est associé à un effet protecteur contre certains cancers, la réduction des risques de maladies cardiovasculaire, du diabète, de l'ostéoporose... «Prenez une ratatouille, un vrai plat d'été: tomates - cuites, elles ont plus de lycopène biodisponible -, courgettes, aubergine, poivron, ail et oignon, aromates et épices... Tout est bon et chaque ingrédient apporte ses bienfaits au bol alimentaire: eau, fibres, sels minéraux, vitamines, etc.», détaille David Khayat, qui prône le «flexivégétarisme». C'est-à-dire beaucoup de fruits et légumes, mais aussi un peu de viande, de poisson (comme la sardine, riche en oméga-3), des fibres (céréales complètes, par exemple) «qui accélèrent le transit, ce qui limite le temps de contact des polluants avec l'intestin». Et mieux vaut également limiter la cuisson à la flamme (barbecue) et à très haute température: le wok peut atteindre 350 °C! À l'asiatique - une à deux minutes maximum - ça passe, mais «à la française», où légumes, viande et crevettes cuisent parfois de nombreuses minutes dans ce creuset, c'est l'alerte rouge avec production de fumées et d'hydrocarbures (comme les cigarettes) et d'acrylamide, très cancérigènes.

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Pour autant, pas question de manger triste. Avec sa fille Cécile, une jeune chef, le célèbre cancérologue vient de publier La Cuisine anticancer, 120 recettes des quatre saisons (2). Histoire de montrer que manger sain, c'est aussi manger bon, festif et pas forcément compliqué: salades de courgettes et tomates rôties au miel; soufflé framboise-chocolat; salade tiède de kale, gâteau chocolat-betterave... Loin des régimes «diététiques» contraignants et frustrants. «Diététique vient du grec diaita, littéralement art de vivre», rappelle le docteur Michel Chast, autre adepte du bien-être «gourmand» et coauteur de Réinventer son alimentation en 300 recettes, avec Guy Martin (3). Le chef doublement étoilé du Grand Véfour nous concocte un gaspacho à la tomate et au melon blanc relevé d'estragon (diabète, goutte...), un bouillon de petits pois froid au gingembre (maladies digestives), un ragoût de morilles à la tomate (obésité)...

Booster son moral avec du poisson

«Régime est trop souvent synonyme de frustration et ce n'est pas bien. Les questions à se poser sont: est-ce que je me sens en forme, suis-je heureux et ai-je de l'appétit, est-ce que j'assimile bien?» indique Michel Chast. «Après, si je n'ai pas la pêche, je peux prendre du poisson pour me booster le moral grâce aux oméga-3 ainsi que des bananes, de l'ananas ou des cerises pour le magnésium; si je suis fatigué, une boisson détox, par exemple quelques gouttes de citron dans de l'eau tiède, ce qu'on fait en Asie. Cela nettoie le foie, comme le fenouil ou le radis noir qui drainent les reins; les fraises peuvent donner plus d'éclat à la peau, dans l'Antiquité on se faisait des masques à la fraise des bois; l'ail est antibiotique et dépuratif», énumère le médecin. Dans son ouvrage, il pointe également les aliments déconseillés pour certaines pathologies. «Tout est affaire d'équilibre: manger trois fruits par jour c'est bien, mais dix, ça commence à faire beaucoup! Et il faut tenir compte des goûts, des habitudes, du travail, de la biologie, de l'hérédité de chacun», rappelle- t-il. Le «terrain» - stress, hérédité, aliments toxiques, pollution - n'est en effet pas le même pour tous. «S'il existe de grands principes fondamentaux, il est souvent nécessaire de personnaliser notre façon de nous nourrir. Et pour bien s'alimenter, il faut comprendre ce qui est bon et ce qui est néfaste», prévient ainsi le docteur Michel Lallement, chirurgien cancérologue, qui propose des bilans nutritionnels complets à ses patients (4). Mais «il est tout à fait possible de manger sainement sans renoncer à notre patrimoine gastronomique», ajoute-t-il.

Toutes les cultures se sont souvent, intuitivement et au fil de l'expérience, constituées un corpus de plats et de recettes pour s'alimenter sainement, à base de produits locaux. À commencer par le réputé régime crétois, riche en polyphénols, en vitamines C et E, et réputé pour prévenir de nombreuses maladies, cardiovasculaires en particulier. Les Niçois, avec leur fameuse salade - tomate, oeuf, cébette (petits oignons frais), févettes, filets d'anchois, olives noires, poivron vert, ail frotté sur l'assiette, huile d'olive, basilic... - n'ont rien à leur envier. «Des peuples ont disparu du fait d'une mauvaise alimentation, prévient David Khayat. Notre problème, c'est la «westernisation», l'adoption du mode d'alimentation nord-américain: sucré, salé, gras et peu varié. L'Américain moyen ne consomme qu'entre 50 et 100 produits différents par an. En France, nous avons la chance d'en disposer de plusieurs centaines.» Alors, cet été, (re)découvrons les trésors que les marchés de Provence et d'ailleurs offrent autant à notre santé qu'à notre gourmandise.

La sardine pour l'oméga-3

Un poisson riche en acides gras polyinsaturés, dits «essentiels» et bons pour le cerveau, qui ne sont pas produits par l'organisme. Outre du sélénium (anticancer, notamment de la prostate) et du phosphore, la sardine renferme de la vitamine D pour la croissance, de la B3 pour la formation de l'ADN, et de la B12 (acide folique), essentielle pour le système nerveux, les globules rouges... Ses arêtes sont une source de calcium, d'où l'intérêt de manger les sardines en entier! Et ses tissus sont moins contaminés par les métaux lourds que ceux du thon rouge ou de l'espadon...

L'ail pour l'allicine

Un super aliment: minéraux, manganèse, phosphore, sélénium et un taux record de vitamine C (31,2 mg/100 g)... À poids égal, ses propriétés antioxydantes sont très supérieures à celles des autres fruits et légumes. Le broyage ou la mastication libère des composés soufrés, dont l'allicine, aux propriétés antibactériennes et antifongiques. Il diminue les risques de cancer colorectal, de l'estomac, de la prostate, du sein... À consommer cru, haché et épluché, ou poché. Ôter le germe pour une meilleure digestion.

L'abricot pour la vitamine A

Un super fruit, à consommer frais (et mûr), cuit, sec, en confiture, en marmelade. Énergétique, il est riche en oligoéléments, en particulier en potassium, qui évite les crampeset les palpitations, en fibres qui facilitent le transit intestinal et en bêtacarotène transformé par l'organisme en vitamine A («rétinol») qui joue un rôle important dans la vision nocturne,la régulation du système immunitaire, la prévention de certains cancers... Ne pas abuser de ses amandes crues: elles contiennent un composé (amygdaline) converti en cyanure par la digestion.

La tomate pour le lycopène

Pilier du régime méditerranéen, gorgée d'eau et pauvre en calories, la tomate (une solanacée) est très riche en lycopène, ce pigment qui lui donne sa couleur rouge caractéristique. Un puissant antioxydant aux propriétés anticancer (prostate et sein, notamment). On accorde aussi des vertus cosmétiques (peau) à la tomate. Chauffées, ses cellules éclatent et libèrent plus de lycopène. D'où l'intérêt de la cuire (épluchée, elle est plus digeste) et de la consommer en sauce. Pour cette raison, des nutritionnistes conseillent même le ketchup, malgré sa teneur en sucre!

Les fruits «rouges», pour l'acide ellagique

Framboise, cassis, mûre, groseilles, fraise, myrtilles (mais aussi la grenade ou la noix): tous ont des taux importants de ce polyphénol antioxydant, un détoxifiant également réputé pour prévenir le cancer, en luttant contre la prolifération des cellules cancéreuses, et pour protéger des maladies cardiovasculaires. Des études montreraient aussi un effet bénéfique sur la peau. L'acide ellagique résiste bien à la chaleur et à la congélation.

L'oeuf, pour le «bon» cholestérol

Il est riche en vitamines A, B et D, en potassium et en lutéine (santé des yeux), nourrissant et rassasiant: un gros oeuf c'est 6 à 7 grammes de protéines (albumine, dans le blanc) pour 70 à 80 calories seulement. Le vitellus (le jaune) contient du «bon» cholestérol (HDL) - il draine le cholestérol présent dans les artères et le sang vers le foie - et faciliterait l'absorption des caroténoïdes (antioxydants et anticancer) des légumes. Brouillé et mélangé à une salade, il est un bon substitut - partiel - à l'huile. Ne pas en abuser.

Le kale, pour la glucoraphanine

Ce composé, en quantité dans le chou kale (ou chou frisé), se transforme en un puissant anticancéreux et antioxydant (sulforaphane) quand on le mâche. On redécouvre les vertus de ce cocktail de vitamines et de minéraux (surtout consommé cru) longtemps utilisé en Europe avant d'être délaissé. 100 grammes, c'est 1,5 fois la dose journalière nécessaire de vitamine C et 0,2 fois celle de calcium (utile pour les végétariens). Beaucoup de vitamine K aussi (anticoagulant). Les autres choux sont tout aussi précieux: blanc, vert, rouge, brocoli, de Bruxelles!

La betterave, pour la lutéine

La betterave potagère, un beau légume racine de la même famille que le quinoa, riche en vitamine B9, en manganèse, en potassium et en fibres (transit intestinal). Elle garde l'essentiel de ses propriétés à la cuisson. Les Romains soignaient le foie et les maux de tête au jus de betterave (blanche). Puissant antioxydant, détoxifiante, elle a une action réparatrice sur la peau. Ses fanes vertes, comestibles mais rarement consommées - elles peuvent l'être comme les épinards ou les bettes - contiennent de la lutéine et de la zéaxanthine, des caroténoïdes qui filtrent la lumière bleue et sont donc intéressants pour la bonne santé des yeux (cataracte, DMLA).

Par Claude Vincent

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