"La dette chinoise inquiète pour trois raisons. Tout d'abord la dette privée non financière dépasse 198% du PIB. C'est l'un des niveaux les plus élevés au monde. Ensuite, cette dette augmente rapidement. En 2008, elle ne représentait 'que' 116,8% du PIB. Enfin, la dette publique risque de croître de manière exponentielle si la situation économique se détériore, car beaucoup de prêts à risque sont garantis par le gouvernement."

"Pour prendre la tête de la course à la croissance, le maire de Chongqing a convaincu les grandes entreprises comme Hewlett-Packard ou Foxconn d'installer des unités de production sur son territoire. Cette entrée massive d'entreprises étrangères - facilitée par la mise en place de zones d'exemption d'impôt - a permis à Chongqing d'investir d'énormes quantités d'argent dans les infrastructures.

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Pour financer tout cela, la ville a mis en place une 'plateforme' de dette publique de grande envergure, articulée autour de huit grandes sociétés d'investissement. Celles-ci ont utilisé toutes les ressources publiques possibles pour contracter des crédits en tout genre. Avec ce système, l'investissement a pu profiter d'un effet de levier considérable (100000000 yuans de dépenses publiques permettant par exemple d'obtenir 900000000 yuans de crédits).

Ce système permet aussi d'enlever la pression liée au remboursement du capital et des intérêts car on peut s'appuyer sur la hausse de la valeur des actifs afin de persuader les banques d'apporter un soutien financier continu. Ce Meccano financier a largement été utilisé dans les autres provinces chinoises."

"Avant 2008, il y avait en Chine de bonnes opportunités d'investissement, c'est-à-dire des projets dont le rendement était suffisant pour couvrir les coûts. Ces investissements venaient pour la plupart du secteur privé, et l'endettement qu'ils généraient était raisonnable.

Mais, depuis 2008, la dette finance de plus en plus des entreprises zombies ou des projets inefficaces gérés par le gouvernement. Selon des travaux récents, le rendement des investissements en Chine est tombé à 4%, contre 12% il y a dix ans. Et le taux de surcapacités a atteint 33%. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises ne peuvent pas rembourser leurs dettes. Le gouvernement continue de les financer, de peur que la machine économique ne s'effondre."

"Avoir des réserves de change importantes peut servir en cas de crise de change. Cependant, les réserves de la Chine ne sont pas suffisantes. En l'espace d'un an, la Chine a perdu 800 milliards de dollars de réserves. A un tel rythme, elle tombera en moins de douze mois au-dessous du seuil recommandé par le FMI. Par ailleurs, le vrai problème de la Chine n'a rien à voir avec les réserves. C'est son faible retour sur investissements qui ne permet pas de couvrir le coût du capital".

"La Chine a de fortes chances de suivre la route tracée par le Japon il y a vingt-trois ans. Le secteur privé, qui représente deux tiers des investissements, est condamné à réduire ses dépenses afin d'économiser et de rembourser ses dettes. Le gouvernement tentera de compenser la chute de la demande, mais ses efforts seront de moins en moins efficaces. La croissance économique de la Chine va faiblir, passant des 6,5% actuels à 3,5% à la fin de la prochaine décennie."

Prévisionniste hors pair, Liu Haiying dirige Haiying Economic Counseling, une société de conseil basée à Shanghai.

"Les Dettes de la Chine" est le deuxième ouvrage de Liu Haiying consacré à l'empire du Milieu. Edition Nuvis, 2016.