Mémoire

Pourquoi apprend-on mieux en dormant ?

Des chercheurs français ont enfin découvert comment deux structures cérébrales communiquent durant le sommeil pour « consolider » les souvenirs.

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Apprendre en dormant, ça marche : vous tentez de retenir quelques répliques d’une pièce de théâtre en vain avant de vous coucher, mais le lendemain, vous les connaissez par cœur. De nombreuses études scientifiques ont ainsi montré depuis plusieurs années que le cerveau « rejoue » la nuit ce qu’il a appris la journée afin de consolider les souvenirs. Mais comment les informations sont-elles enregistrées à long terme ? Michaël Zugaro et ses collègues, du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS, Inserm, Collège de France), à Paris, l’ont enfin mis en évidence, chez des rats. Ils ont même réussi à reproduire les effets d’une bonne nuit de sommeil en stimulant électriquement leur cerveau.

L’hippocampe est une structure au centre du cerveau, en forme de croissant, où se forment initialement les souvenirs. Mais plusieurs théories sur la mémoire supposent que pour imprimer des traces mnésiques durables, stockées à long terme, il est nécessaire que l’hippocampe échange des informations avec le cortex, la couche externe du cerveau. Et ce transfert aurait lieu pendant le sommeil. Restait à le prouver.

Un dialogue d'ondes cérébrales

Pour ce faire, les neurobiologistes français ont enregistré l’activité électrique de l’hippocampe et du cortex préfrontal médian (qui reçoit des connexions directes de l’hippocampe) de rats pendant leur sommeil profond (caractérisé par des ondes lentes). Ils ont observé que quand l’hippocampe émettait des ondulations, le cortex « répondait » environ 140 millisecondes après par des ondes dites delta et des trains d'impulsions électriques appelés « fuseaux du sommeil ».

Pour déterminer si ce dialogue entre les deux structures intervenait dans l’enregistrement des souvenirs à long terme, les chercheurs ont entraîné les rats à mémoriser deux objets identiques situés dans deux coins d’une boîte rectangulaire. Les animaux restaient dans la boîte 3 ou 20 minutes. Le lendemain, un objet était déplacé à un autre coin de la boîte avant que les rats ne l’explorent. Quand ces derniers étaient restés 20 minutes dans la boîte la veille, ils passaient alors plus de temps autour de l’objet déplacé, preuve qu’ils avaient noté le changement. Ceux qui n’étaient restés que 3 minutes, en revanche, n'avaient pas mémorisé les objets. Et les rongeurs qui se souvenaient de l’environnement manifestaient durant leur sommeil un dialogue électrique entre l'hippocampe et le cortex bien plus important que celui des rongeurs n'ayant passé que 3 minutes dans la boîte.

Michaël Zugaro et ses collègues ont alors mis au point un dispositif de stimulation par des électrodes pour provoquer des ondes delta et des fuseaux du sommeil dans le cortex préfrontal des rats endormis environ 140 millisecondes après l'émission d'ondulations par l'hippocampe. Ils ont ainsi stimulé le cerveau des rongueurs restés seulement 3 minutes dans la boîte. Résultat : le lendemain, ces derniers ont réussi le test et se sont souvenus de l’emplacement des objets, comme s’ils avaient exploré l'environnement plus longtemps la veille.

Les chercheurs ont aussi constaté que l’activité de certains neurones corticaux change au moment de la stimulation électrique pendant le sommeil, quand le couplage entre hippocampe et cortex intervient. Les neurones corticaux s’activent ensuite davantage quand les rats tournent autour de l’objet déplacé.

Favoriser le dialogue de l'hippocampe et du cortex qui se déroule lors du sommeil serait ainsi un moyen de consolider un souvenir en mémoire à long terme. Mais le chemin est encore long avant de pouvoir vous aider à mémoriser votre pièce de théâtre… En attendant, le meilleur moyen reste de bien dormir !

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Bénédicte Salthun-Lassalle

Bénédicte Salthun-Lassalle est docteure en neurosciences et rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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Références

N. Maingret, G. Girardeau, R. Todorova, M. Goutierre et M. Zugaro, Hippocampo-cortical coupling mediates memory consolidation during sleep, Nature Neuroscience, en ligne le 16 mai 2016.

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