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Les nouvelles mafias de la Chinafrique

Prostitution, trafic d’ivoire et de drogue, arnaques bancaires et téléphoniques… Les triades chinoises sont actives sur le continent, mais Pékin a décidé de faire le ménage.

Publié le 13 juin 2016 à 11h14, modifié le 13 juin 2016 à 12h42 Temps de Lecture 3 min.

Deux jeunes prostitutées à Nairobi, au Kenya, en juin 2015.

L’arnaque est bien rodée. Quelqu’un se faisant passer pour un officier de police vous appelle et vous demande de transférer d’urgence de l’argent pour libérer un membre de votre famille en prison ou pour payer les frais d’hôpital d’un parent blessé. Les Chinois sont particulièrement victimes de cette arnaque et chaque année près d’un demi-million de cas sont recensés dans le pays pour des fraudes estimées à près de deux milliards de dollars.

En remontant le fil de ces arnaques téléphoniques, on découvre bien plus que des petits malins, mais de véritables filières du crime organisé qui, depuis deux ans, ont délaissé l’Asie du Sud-Est (la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines) pour s’installer plus loin, en Afrique.

Cybercrime et arnaques téléphoniques

Le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud sont les trois pays où l’on retrouve selon la police chinoise le plus de triades, les mafias chinoises. Longtemps cantonnées au trafic de drogue, d’ivoire et à la prostitution, elles se sont lancées ces dernières années dans le cybercrime et les arnaques téléphoniques. Moins risquées mais tout aussi lucratives.

En 2015, soixante-dix Chinois de République populaire et de Taïwan étaient arrêtés à Nairobi. Ils étaient installés dans une villa équipée comme un véritable centre de télécommunications, tout près des bureaux des Nations unies. La technologie installée leur permettait de modifier les numéros appelant pour faire croire à un appel de la police, du tribunal ou d’une banque chinoise. L’enquête a été menée conjointement par la police kényane et chinoise.

L’an dernier toujours, quatre-vingt seize Chinois, là encore venus du continent et de Taïwan, étaient arrêtés en Egypte où ils utilisaient le même modus operandi. En remontant cette filière du crime téléphonique, la police a retrouvé deux gangs installés au Kenya et qui transféraient ensuite les fonds vers Taïwan.

Groupes mafieux taïwanais

C’est cette implication de groupes mafieux taïwanais qui a jeté une lumière trouble sur ces enquêtes, le mois dernier, quand plusieurs criminels furent arrêtés au Kenya accusé de mener des opérations similaires. La justice chinoise a immédiatement demandé leur extradition. Coup de tonnerre diplomatique avec Taïwan. La République de Chine n’est reconnue que par vingt-deux Etats dans le monde, dont trois seulement en Afrique, et s’est donc retrouvée de facto ignorée des procédures de justice car Taïwan n’a pas de représentation diplomatique officielle à Nairobi.

Pékin en a évidemment profité pour affaiblir encore plus la position taïwanaise sur le continent et taper sur une nouvelle présidence taïwanaise résolument indépendantiste. Les officiers de la police chinoise déployés à Nairobi pour lutter contre ces réseaux mafieux ont donc ratissé large et obtenu leur extradition vers la Chine et plus précisément Canton, lieu de leur dernier embarquement pour le continent.

Une quarantaine de Taïwanais ont ainsi été expulsés vers la Chine continentale et la police affirme avoir saisi six ordinateurs portables, quatorze téléphones portables, des routeurs informatiques et de nombreux équipements de brouillage électronique. Les procès doivent s’ouvrir ce mois-ci à huis clos. L’agence de presse officielle Chine Nouvelle a fait ses choux gras des aveux forcés d’un accusé taïwanais. L’homme, prénommé Jian, raconte comment il se faisait passer pour un policier chinois afin d’obtenir de l’argent de ses victimes. Il avait été arrêté en 2014 au Kenya et expulsé.

Imbroglio politico-judiciaire

L’affaire a évidemment pris un tour diplomatique et met en lumière les opérations de plus en plus en plus nombreuses que mène la police chinoise en Afrique. Taïwan parle d’une « violation des droits de l’homme », mais dans l’opposition au nouveau gouvernement démocrate certains reconnaissent cependant que le laxisme de la justice taïwanaise face à ces arnaques téléphoniques a ouvert la voie à cet imbroglio politico-judiciaire.

Un journal taïwanais, The China Post, révèle ainsi qu’entre janvier et juin 2015 plus de 4,7 milliards d’appels frauduleux ont visé des ressortissants chinois et plus de six mille Taïwanais ont été inculpés d’arnaques téléphoniques. Une grande partie d’entre eux opèrent depuis le continent africain agissant le plus loin possible des policiers chinois et taïwanais sans grand risque de se faire arrêter.

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Pour le quotidien, cette affaire porte un coup sérieux à l’image de Taïwan. « Le seul moyen, selon The China Post, serait de durcir la législation et d’enquêter en Afrique et partout où agissent ces groupes mafieux. A Taïwan, les peines sont très faibles lorsqu’ils sont jugés, tandis qu’en Chine ils risquent jusqu’à dix ans de prison. » « Même les criminels ont des droits », s’insurge un diplomate taïwanais en poste à Nairobi qui regrette que, pour l’exemple, les droits élémentaires des accusés ne soient pas respectés. On risque peut-être ainsi de voir de plus en plus d’enquêteurs chinois et taïwanais infiltrer les triades opérant en Afrique.

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