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FRANCE

Un spot de sensibilisation sur la prostitution diffusé dans la fan-zone parisienne

La campagne de la mairie de Paris prend la forme d’un clip vidéo diffusé dans la fan zone et de 1 200 affiches réparties dans la capitale.
Capture d'écran via Zeromacho

Alors que l'Euro de football débute ce vendredi dans la capitale, la mairie de Paris a lancé une campagne visant à sensibiliser les supporters au sujet du tourisme sexuel lors de grands événements sportifs. Cette campagne sera diffusée tout au long de la compétition, dans la fan zone et dans les alentours des stades de la capitale, mais aussi dans le reste de la France.

Cette initiative de la mairie s'appuie sur deux supports. D'une part un clip vidéo, réalisé par l'association Zeromacho, qui s'oppose à la prostitution, montre un supporter de foot sortir d'une maison close, alcoolisé et visiblement content de lui, avant d'être la cible de jets de ballons. Le spot se termine sur la phrase « Des hommes disent NON à la prostitution », également traduite en anglais. Il sera diffusé dans la fan zone située au Champ de Mars avant chaque retransmission de match et sur les réseaux sociaux.

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D'autre part, trois affiches ont été créées par l'association Le Mouvement du Nid, qui agit « sur les causes et les conséquences de la prostitution ». Elles présentent le portrait de trois femmes prostituées, accompagnés du message « Le prix d'une passe n'est pas celui que tu crois ». Ces visuels seront diffusés sous la forme de 1 200 affiches et 120 000 cartes postales, en français et en anglais.

— Helene Bidard (@Helenebidard)9 juin 2016

« L'objectif premier est de faire de la sensibilisation auprès du grand public sur les réalités de la prostitution », nous a expliqué Hélène Bidard, adjointe à la maire de Paris, en charge de l'égalité hommes-femmes, de la lutte contre les discriminations et des droits humains. « Parmi les prostituées, 90 pour cent sont d'origine étrangère. Elles sont souvent victimes de réseaux de traite et de proxénétisme. Les clients doivent savoir ce qui se cache derrière la vie de ces personnes. »

En plus de montrer que la prostitution est « une pratique archaïque », la campagne vise également, selon Hélène Bidard, à « faire connaître la loi de 2016 et à responsabiliser les clients ». Depuis la promulgation de la loi du 13 avril 2016, l'achat d'actes sexuels est en effet puni en France par une contravention de 1 500 euros.

Cette campagne fait écho à une idée tenace, qui ressurgit à chaque grand événement sportif : celle du lien entre supporters et prostitution. « Nous, on agit toute l'année sur cette question-là », nous a précisé l'adjointe à la maire. « L'Euro est un moment où il y a beaucoup de monde qui souhaite faire la fête, y compris des touristes. Nous voulons que cette fête soit préservée du sexisme et des violences sexuelles, dont la prostitution est une forme extrême. »

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Le 21 avril dernier, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a publié un communiqué dans lequel il appelait à prendre des mesures « pour prévenir le recours à grande échelle à la prostitution » lors de l'Euro 2016.

« Les grands évènements sportifs précédents ont montré que quelques-uns [des supporters] sont des clients habituels ou occasionnels de la prostitution et que d'autres, plus jeunes, s'initient à l'occasion de ces événements, lorsque faire la fête légitime tous les débordements », expliquait le HCE. « Les réseaux prostitutionnels, eux, sont capables d'anticiper longtemps à l'avance ces événements sportifs, qui sont pour eux l'occasion de profits gigantesques et alimentent une traite mondiale d'êtres humains (femmes originaires de pays pauvres dans leur immense majorité). »

Un lien qui n'est pas clairement identifié

Mais les chiffres avancés sur la prostitution lors des précédents rendez-vous sportifs n'ont pas pu être avérés. Le lien entre les deux n'est pas formellement identifié. Dans un article publié en mai dernier qui analysait ce phénomène, VICE Sport expliquait que cette relation entre supporters et prostitution avait atteint un paroxysme médiatique en 2006, lors de la Coupe du monde en Allemagne. L'image avait été alimentée par l'ouverture de maisons closes dans le pays qui avait légalisé la prostitution quatre ans auparavant.

À lire : Avant l'Euro, le retour du mythe des supporters clients de prostituées

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Mais le site rappelait que ces maisons closes avaient finalement été peu fréquentées, comme le rapportait un reportage du New York Times dans le « sex club » Artemis, à Berlin, où aucune hausse d'activité notable n'avait été observée.

Quatre ans plus tard, au moment de la Coupe du monde en Afrique du Sud, des journaux ont relayé une information du même type : 40 000 « esclaves sexuelles » devaient arriver dans le pays. Cependant, le Fonds des Nations unies a publié après la compétition une étude qui affirmait qu'« il n'y [avait] pas eu de hausse significative du nombre de clients par prostituées durant la période de la Coupe du monde ».

Interrogée par VICE Sports, la porte-parole du Syndicat du travail sexuel (Strass) en France, Morgane Merteuil, lançait : « Répétez un mensonge, il deviendra vrai. » « C'est un grand mythe qu'on nous ressort à chaque fois, quelque chose qui est une invention », ajoutait-elle. Elle assurait plutôt observer lors de ces grands rassemblements sportifs une « hausse de la répression envers les prostituées », ainsi que des risques plus importants de violence envers les travailleuses du sexe.

De son côté, Hélène Bidard nous a signalé que la prostitution est « une activité qui fait partie des formes de criminalité les plus lucratives ». « Elle est cependant très difficile à quantifier », a-t-elle ajouté. Le HCE reconnaît aussi que le phénomène n'est pas « mesuré scientifiquement » et que son appréciation repose sur « des faits empiriques relayés par la presse, les réseaux associatifs, [leurs] homologues institutionnels » observant que les réseaux de prostitution enregistrent une activité plus intense dans ces moments-là, a expliqué Romain Sabathier, secrétaire général, à TV5 Monde. Hausse imputable surtout au fait qu'il y a plus de monde dans un lieu donné.

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Mise en garde contre les violences sexistes

Dans son communiqué, le HCE met ainsi en garde en premier lieu contre le sexisme et les violences sexistes qui peuvent émailler les grands rassemblements populaires. Il appelle les autorités organisatrices « à prévenir les dérives inacceptables qui ont pu être constatées lors de grands événements sportifs ou populaires de même type (coupes du monde de football, fête de la bière de Munich, fêtes de Bayonne, festival de rock de Stockholm, etc.) ».

Le sociologue Nicolas Hourcade expliquait à VICE Sport que le communiqué du HCE tentait de sensibiliser « pas tant parce qu'il est question de foot que parce qu'il va y avoir de grands rassemblements de population ».

En tant qu'événement international, l'Euro est pour les autorités et les associations une occasion de sensibiliser le public à grande échelle sur des sujets tels que les violences ou le sexisme. TV5 Monde rappelle ainsi qu'une autre campagne a été lancée à l'occasion de l'Euro. Intitulée « Je ne supporte pas les bleus », une vidéo mise en ligne par l'association Elle's IMAGINE'nt vise à éveiller les consciences sur les violences conjugales.


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