Il fut un temps où nous avions un ministre des Finances. En ce temps-là, si un représentant de la Knesset avait émis l’idée de réduire la semaine de travail et d’augmenter le nombre de jours de congés, le ministre l’aurait immédiatement renvoyé. Le problème est que nous n’avons plus de ministre des Finances aujourd’hui. Moshe Kahlon [qui a en réalité bel et bien le portefeuille des Finances] est peut-être ministre du Logement ou des Œuvres sociales, mais en tout cas il n’est pas ministre des Finances.

Moshe Kahlon est le ministre du “j’ai-de-l’argent”. Il défend de belles idées populistes. Pas de méchantes réformes ou de sévères économies. Cet homme est obnubilé par l’idée de trouver comment donner plus, comment redistribuer plus, comment “faire quelque chose qui profite aux citoyens”. Sa cote de popularité l’intéresse nettement plus que le bien de l’économie. C’est pourquoi on peut parier qu’il sera favorable à l’idée de faire du dimanche un jour non travaillé, d’abord une fois par mois pendant sept mois, puis à terme tous les dimanches.

Les Israéliens applaudissent des deux mains. Dans leur esprit, ils pourront travailler moins et profiter de davantage de temps de loisir tout en gagnant autant. Mais est-ce seulement possible ? Dans une nation populiste comme la nôtre, oui. Les lois économiques ne font manifestement pas le poids face à de parfaites billevesées.

Un non-sens économique

L’initiateur de ce projet, Eli Cohen, du parti de centre droit Koulanou, nous explique que les Israéliens travaillent plus que la moyenne des autres pays occidentaux. C’est vrai, mais ce qu’il ne dit pas c’est que notre productivité est environ 25 % plus faible que celle de ces mêmes pays. Résultat, leur PIB par employé est supérieur au nôtre, de même que leur PIB par habitant, leur niveau de vie et leurs salaires.

Les partisans de la réduction du temps de travail ne devraient pas oublier que l’augmentation des jours de congés fera immédiatement reculer le niveau de production, ce qui se traduira par une baisse des salaires. Certes, les salariés des pays occidentaux travaillent en moyenne 41 heures par semaine, contre 43 en Israël, mais il y a aussi des pays industrialisés où la semaine de travail est plus longue. Aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Irlande, par exemple, les employés travaillent en moyenne 48 heures hebdomadaires, et même 50 en Suisse. Or tout le monde cherche à imiter la Suisse.

Cohen nous induit en erreur lorsqu’il affirme que le dimanche non travaillé est une pratique courante dans le reste du monde. C’est vrai, mais il omet de dire que le vendredi est un jour ouvré partout ailleurs et pas en Israël. En d’autres termes, les pays occidentaux comptent deux jours de repos par semaine, mais nous devrions passer à trois. Cela n’a aucun sens.

Levée de boucliers

Les industriels sont fermement opposés à cette idée parce qu’ils comprennent qu’un jour de travail en moins fera baisser leur production et que s’ils veulent continuer à travailler le dimanche, ils devront payer leurs salariés le double. Résultat, ils perdront en compétitivité, exporteront moins et devront augmenter leurs prix. Même Roi Cohen, président de Lahav (une association de petites entreprises et de travailleurs indépendants), est hostile à ce projet. Aucun autre pays au monde n’envisage une telle réforme. Quant à la proposition de rallonger les journées de travail de quinze minutes, c’est “une farce”, explique-t-il.

Un simple calcul suffit à démontrer qu’un quart d’heure de travail supplémentaire par jour n’aura aucun effet sur la production. Pire, Avi Nissenkorn, président de la Histadrout [principal syndicat de travailleurs en Israël], s’est déjà prononcé contre ces quinze minutes supplémentaires (mais pour le dimanche non travaillé). Il a déclaré :

 
Nous continuerons à refuser toute augmentation du temps de travail quotidien et nous n’hésiterons pas à ouvrir un large débat sur la question.”

Element inconnu

Au final, les seuls qui profiteront des jours de congés supplémentaires seront les ronds-de-cuir de la fonction publique, des municipalités et de l’administration, qui pourront fermer le dimanche et se contenteront d’un faire un peu moins pour le public et le secteur privé. Après tout, personne ne mesure leur productivité.

Si malgré tout cela cette proposition est présentée à la Knesset, il ne fait aucun doute que les parlementaires – foncièrement populistes – s’empresseront de l’adopter. Mais pourquoi blâmer les députés ? Après tout, c’était à Moshe Kahlon de retirer ce projet dès le départ. Pour cela, il aurait fallu qu’il soit ministre des Finances.