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Violence conjugale: "Ils n'arrivent pas tes flics! Ils n'arriveront jamais!"

Photo d'illustration.
Photo d'illustration. © Sipa press
Vanessa Boy-Landry , Mis à jour le

Ce dont témoigne Julia, jeune Parisienne de 17 ans, est révoltant. Alors que sa mère était en danger sous les coups de son père, la police a mis 49 minutes pour répondre à l'appel à l'aide de la jeune fille, et ne s'est pas déplacée jusqu'au domicile familial. Depuis que la lycéenne a raconté son histoire sur Twitter, après le drame, plusieurs victimes de violences conjugales ont aussi témoigné de l'inaction de la police. Contactée par la chargée de mission de la ministre des Droits des femmes, qui a repéré son récit, la lycéenne espère que cette médiatisation fera bouger les choses. Interview.

Paris Match. Une violente dispute entre vos parents a éclaté hier soir. Que s'est-il passé?
Julia.Quand je suis rentrée à la maison hier soir, mes parents se disputaient. Rien d'extraordinaire, le conflit dure depuis des années. Dix minutes plus tard, depuis ma chambre, j'entends ma mère crier. Quand j'arrive dans le salon, je vois mon père en train de la frapper. C'était la première fois qu'il était violent. J'ai essayé de les séparer. J'ai menacé mon père d'appeler la police. Il s'est alors cogné la tête contre un mur pour faire croire qu'il avait été frappé. Il disait qu'il allait aussi appeler la police et traitait ma mère de folle. C'est à ce moment que je suis allée m'enfermer dans la chambre d'une de mes sœurs et que j'ai fait le 17. J'ai vérifié sur mon téléphone, il était 22h21.

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Quand j'ai dit "Faites vite!", l'agent de police m'a répondu "On fait ce qu'on peut!" 

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Que se passe-t-il à ce moment-là?
La police a mis 5 minutes avant de prendre mon appel. Après leur avoir expliqué ce qui se passait et donné mon adresse, j'ai été redirigée, probablement vers le commissariat de mon arrondissement. Là, je suis tombée sur un jeune homme qui m'a redemandé le motif de mon appel ainsi que mon adresse. Le policier, qui n'avait pas l'air de très bonne humeur, me demande de parler moins vite. A ce moment précis, j'entendais ma mère crier dans la pièce d'à côté et je ne savais pas ce qui se passait. Une de mes sœurs criait aussi. Quand j'ai dit "Faites vite!", l'agent m'a répondu "On fait ce qu'on peut!" Il devait être 22h30 quand j'ai raccroché. J'ai dit à mes trois sœurs de rester dans la chambre et je suis retournée dans le salon pour à nouveau m'interposer entre mes parents. Ma mère n'avait pas une attitude rationnelle, elle essayait de le raisonner alors qu'il avait bu. Mon père m'a violemment poussée contre l'angle d'une porte. Ma mère a reçu quatre coups. Moi, trois.

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Si vous ne portez pas plainte, on ne peut rien faire. Si vous le ne faites pas, ça va recommencer

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Et aucune nouvelle de la police?
Près d'une demi-heure plus tard, mon père a dit: "Tu vois, ils n'arrivent pas tes flics, ils n'arriveront jamais!" J'ai finalement réussi à le mettre dehors, en veillant à lui prendre ses clés de voiture parce qu'il était saoul. Je suis restée avec ma mère en pleurs. Elle avait un bleu sur la joue et une fracture à l'avant-bras. Je lui disais qu'elle devait porter plainte ou divorcer. Mais la situation est délicate pour elle. Ce n'est que 15 minutes plus tard que le commissariat a appelé. On m'a demandé si les choses s'étaient calmées. J'ai répondu que mon père avait quitté les lieux et que nous n'étions plus en danger. Puis ils ont demandé si ma mère voulait porter plainte. Quand j'ai répondu que non, on m'a dit: "Si vous ne portez pas plainte, on ne peut rien faire. Si vous ne le faites pas, ça va recommencer." Moi je n'attendais pas d'eux qu'ils me parlent de démarches administratives, mais qu'ils interviennent dans les 49 minutes, tant qu'il était possible d'agir.

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Quand vous racontez votre histoire sur Twitter, après le drame, elle fait immédiatement le buzz…
J'étais révoltée. J'ai simplement posté mon histoire. Elle a été tellement retweetée que j'ai été contactée par le "Huffington Post". Puis quand j'ai remercié pour les retweets qui avaient permis cela, les gens ont compris que ça marchait et j'ai reçu de nombreux témoignages. Des histoires similaires où la police n'est jamais venue. Le fait que je raconte mon histoire a incité plein d'autres personnes à dire ce qu'elles n'avaient jamais osé révéler. Le buzz a été tel que j'ai été contactée par la chargée de mission de Laurence Rossignol, la ministre des Droits des femmes. Elle m'a posé un tas de questions pour savoir ce qui s'était passé. Elle a parlé d'un "dysfonctionnement". Elle doit me recontacter quand elle en saura plus. Le but, aujourd'hui, n'est pas qu'elle me dise que cela n'aurait pas dû se passer comme ça. Le but est que cela ne se reproduise plus nulle part. Il n'y a pas toujours des gens comme moi qui peuvent réagir. Avec des enfants très jeunes, ça aurait pu être catastrophique.

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Vos parents savent-ils que vous médiatisez votre histoire?
Ils ne vont pas tarder à le savoir. Je ne crains pas leur réaction. Aujourd'hui ils sont tous les deux au travail et ce soir ils vont se retrouver dans la même pièce et je ne sais pas comment ça va se passer. C'est d'autant plus difficile que notre entourage ne perçoit pas les difficultés. Mon père qui était un super papa quand j'étais jeune ne va pas bien depuis plusieurs années. Mais ça ne se voit pas: il a une très bonne image sociale, c'est un bon orateur, il a un job important. En général, les gens l'adorent. C'est d'autant plus difficile de témoigner sur sa violence et ses accès de colère que l'on ne nous croit pas. Je passe mon bac dans deux jours, dans quelques mois je pars étudier à l'étranger et je vais laisser trois enfants et ma mère avec lui. Aujourd'hui, j'ai peur pour elle.

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