La somme de 500 000 euros, c’est ce que faisait rentrer la perception de la redevance d’occupation du domaine public dans les caisses de la ville de Marseille. Par une délibération du 12 décembre 2012, le conseil municipal avait, en effet, prévu que les quelque 15 000 plaques professionnelles apposées sur les façades de la ville donneraient lieu au paiement d’un droit de stationnement de 41,74 euros par an. Une redevance d’occupation qui concernait toutes les professions réglementées « à plaque » : notaires, médecins, vétérinaires, dentistes, psy et… avocats !
Droit d’usage
C‘est justement un avocat publiciste, bien versé en matière de domaine public, qui attaque la délibération. Alain de Belenet explique dans la presse locale que la ville a délibérément contourné le régime légal de la taxation des publicités et enseignes, qui exclut de taxation « les supports relatifs à la localisation des professions réglementées » (CGCT, art. L2333-7). La cour administrative d’appel de Marseille lui a donné raison, en rappelant le régime du droit d’usage du domaine public, défini aux articles L.2122-1 et L.2125-3 du CG3P.
D’une part, l’occupation ou l’utilisation du domaine public n’est soumise à la délivrance d’une autorisation que lorsqu’elle correspond à un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous. D’autre part, l’occupation ou l’utilisation du domaine public, dans les limites ne dépassant pas le droit d’usage appartenant à tous, qui n’est soumise à la délivrance d’aucune autorisation, ne peut être assujettie au paiement d’une redevance.
Légère saillie
Se penchant sur la plaque professionnelle de l’avocat requérant, la cour constate, à grand renfort de photographies, que la plaque professionnelle litigieuse est fixée parallèlement à la façade de l’immeuble sur un support en plexiglas, lui-même chevillé sur le mur nu du bâtiment. Et si elle fait légèrement saillie sur la voie publique, elle n’affecte en aucune façon la circulation des piétons. Ainsi, eu égard aux dimensions de l’objet et à la configuration des lieux, la présence de cette plaque ne saurait, « dans les circonstances de l’espèce », être regardée comme excédant le droit d’usage appartenant à tous et caractérisant un usage privatif du domaine public. La délibération litigieuse assujettissant une telle plaque au paiement d’une redevance est donc illégale.
Cet arrêt est à rapprocher de la jurisprudence dite de la « taxe kebab » : la ville d’Avignon n’avait pu assujettir les banques au paiement d’une redevance à raison de la présence des distributeurs de billets. Mais, soulignent aussi nos confrères de « La Marseillaise », elle pourrait avoir des conséquences peu sympathiques pour les « simples riverains » : la ville de Marseille cherche également à encadrer la pratique consistant à végétaliser « son bout de trottoir »… Et là, on dépasserait le « droit d’usage »…
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