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Le patron d’EDF voudrait parler davantage français sur ses chantiers

Avec des métiers en tension, la filière électrique s’est tournée vers de la main-d’œuvre étrangère. Le nombre de salariés envoyés par des industriels étrangers en France a augmenté de 27 % en 2015.

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Sur le chantier du terminal méthanier de Dunkerque, EDF a fait appel à un grand nombre de travailleurs étrangers (59 % des 1.200 salariés en 2013).

Par Véronique Le Billon

Publié le 15 juin 2016 à 17:23

« Je dois vous dire que quand je visite certains chantiers et que j’essaie de parler avec certains des opérateurs et que j’ai du mal à communiquer dans ma langue avec eux, c’est quelque chose que je regrette. » Le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, qui s’exprimait ainsi devant les sénateurs fin avril, a une certaine légitimité pour évoquer ce sujet : l’électricien public est maître d’œuvre des plus grands chantiers industriels de ces dernières années en France, avec la construction de l’EPR de Flamanville (Manche) et celle du terminal méthanier de Dunkerque (Nord), qui va entrer en service ces prochains mois.

Fin 2013, un chiffre y avait fait grand bruit : en octobre de cette année-là, 59 % des 1.200 salariés du chantier du terminal étaient étrangers – Européens pour la plupart. Une situation liée au code des marchés publics, qui impose des appels d’offres européens, avait répondu EDF.

La faute au dispositif des travailleurs détachés, critiquent les syndicats. « Leurs employeurs ne paient pas les mêmes cotisations sociales pour financer notre sécurité sociale, ce qui leur permet de répondre aux appels d’offres avec des prix de main-d’œuvre inférieurs de 25 % », pointait ainsi la CGT d’EDF début 2014. A Flamanville, où se côtoient en ce moment 3.700 salariés (hors EDF), 18 % sont étrangers, indique l’électricien.

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Difficultés de recrutement

Pour Jean-Bernard Lévy, le recours à une main-d’œuvre étrangère est directement lié à une inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi. « Il y a un déficit évident dans l’enseignement professionnel, qui ne nous permet pas de disposer de toute la main-d’œuvre qualifiée dont nous aurions besoin, notamment en ce qui concerne les soudeurs, les robinetiers, les monteurs électriques. Ce qui nous oblige souvent – et je le regrette – à nous tourner vers de la main-d’œuvre étrangère », a-t-il expliqué aux sénateurs.

Il y a un déficit évident dans l’enseignement professionnel.

C’est ce que pointait la Cour des comptes cet hiver dans son rapport sur « La maintenance des centrales nucléaires » : « Près des deux-tiers des entreprises de la filière connaissent des difficultés de recrutement en personnel qualifié dans plusieurs segments industriels, notamment techniques, comme la tuyauterie-soudage ou encore la robinetterie, mais aussi dans les bureaux d’étude. » EDF reçoit moins de 40 candidatures par offre d’emploi sur ces compétences (contre 200 à 300 sur des postes d’ingénieurs), ce qui porte la signature d’un métier en tension.

Défaut d’anticipation de l’Etat

« Des évolutions sont nécessaires pour qu’on puisse davantage parler le français sur nos chantiers », a jugé Jean-Bernard Lévy devant les sénateurs. EDF, qui sous-traite 80 % de ses activités de maintenance sur les centrales nucléaires, a réinternalisé les postes de robinetiers, pour sécuriser ses besoins. Et il a mené quelques initiatives pour donner de la visibilité à ses sous-traitants (communication des futurs appels d’offres, contrats cadres avec ses partenaires stratégiques…).

Alors qu’a démarré le programme de « Grand carénage » d’EDF, qui doit faire passer le volume d’investissements de maintenance sur ses centrales de 3 milliards d’euros par an à 4,2 milliards pendant une dizaine d’années, « la mobilisation des acteurs n’est pas à la hauteur des enjeux en matière de recrutement et de formation », estime toutefois la Cour des comptes, qui pointe le défaut d’anticipation des politiques publiques. « L’Etat peine à se mobiliser, notamment en matière de formation professionnelle », jugent les magistrats.

Véronique Le Billon

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