“Effrénés, irréfléchis, impitoyables, xénophobes” : la chroniqueuse du Guardian Polly Toynbee n’a pas trouvé de mots plus durs pour qualifier les partisans du Brexit. Selon elle, ce camp diffuse des mensonges dans l’espoir que les Britanniques votent pour quitter l’Union européenne (UE). Exemple : une affiche électorale affirme : “La Turquie (population : 76 millions d’habitants) rejoint l’UE, votez pour la sortie, reprenons le pouvoir”. Or l’information est fausse, “la Turquie ne rejoint pas du tout l’UE”, explique la journaliste. Mais le camp en faveur du Brexit “pense avec dédain que les électeurs ne font pas la différence entre faits et mensonges”. Voilà “la nouvelle politique qui joue sur l’identité et les émotions”.

“Virus de négativité”

Autre exemple : les propos de Boris Johnson, l’une des figures de proue de la campagne pour le Brexit. L’ancien maire de Londres a comparé les ambitions de l’Union à celles d’Adolf Hitler ; il a également rejeté le plaidoyer en faveur de l’UE de Barack Obama en soulignant que le président des Etats-Unis était en partie kényan, laissant entendre que ses racines expliqueraient peut-être “son aversion pour l’empire britannique”. Dans les deux cas, M. Johnson a fait preuve de “paranoïa populiste”, fustige la chroniqueuse.

De l’autre côté, “les anti-Brexit font preuve d’une négativité hostile”, observe James Delingpole dans The Spectator : “Leur tendance à présenter le Brexit comme quelque chose qui devrait faire peur aux Britanniques, l’accumulation d’avertissements [contre le Brexit] venant d’autorités prétendues neutres comme le gouverneur de la Banque d’Angleterre, des tweets mesquins, des articles méprisants […], on dirait qu’ils sont tous infectés par un virus qui a aspiré leur joie de vivre, leur sens du fair-play et leur légèreté.”

Or cette négativité “n’a pas de sens”, poursuit le journaliste, puisque le camp contre le Brexit est “le grand favori, et bénéficie du soutien de l’élite mondiale (Obama, Christine Lagarde, Goldman Sachs, la BBC). Il aurait donc pu se permettre d’être magnanime, joyeux et poli.” [Selon un sondage du 12 juin, le camp en faveur du Brexit a cependant pris le dessus, avec 45 %, contre 43 % pour ceux qui sont hostiles au Brexit et 12 % d’indécis.]

“Obsession maladive”

Chaque argument contre le Brexit est dénoncé par le camp adverse comme une information diffusée dans le cadre d’un complot, observe Nick Cohen. Dans The Guardian, le journaliste note que, le camp favorable au Brexit balaie ces arguments comme “des mensonges, des propos de personnes corrompues, voire des preuves d’une obsession maladive d’induire en erreur la population”. Exemple : quand l’Institut britannique d’études budgétaires a averti que le Brexit mènerait à plus d’austérité, le camp favorable au Brexit a dénoncé l’institut comme “une boîte de propagande de la Commission européenne”.

“Ceux qui mènent campagne contre le Brexit ne comprennent pas nos peurs”, déplore le Daily Express. Le tabloïd conservateur et très hostile à l’UE regrette qu’une porte-parole du Parti travailliste ait récemment qualifié un électeur nationaliste en faveur du Brexit d’“horrible raciste”. Elle a eu tort, estime le journal : “Alors que les élites profitent des bénéfices de l’afflux de main-d’œuvre bon marché [notamment d’Europe de l’Est], elles méprisent les Britanniques dont les quartiers et les moyens d’existence ont été brisés par la politique de frontières ouvertes. C’est scandaleux de dénigrer ceux qui ne sont pas d’accord avec cette politique en les qualifiant de racistes. Vouloir récupérer le contrôle de nos frontières et de notre pays en votant pour la sortie n’a rien à voir avec l’intolérance.”

“Infantile et hystérique”

Dans The Spectator, Alex Massie écrit que choisir entre les deux camps, c’est “choisir entre un cauchemar exagéré [la campagne contre le Brexit] et un rêve peut-être impossible [la campagne pour]”. Cela expliquerait que “la campagne anti-Brexit est en grande partie infantile, hystérique et condescendante, mais que la campagne pro-Brexit l’est aussi”, conclut le journaliste.