Les sujets du bac de philosophie 2016 expliqués par la pop culture

Plus besoin de se replonger dans le « Discours de la Méthode » du soporifique Descartes ou d’essayer de se remémorer « l’allégorie de la caverne » du poussiéreux Platon. Pour répondre aux sujets sur lesquels les futurs bacheliers de 2016 ont planché, « Vanity Fair » a ressorti son plus bel encrier et ses meilleures références ciné et télé. La philosophie devient ainsi un véritable jeu d’enfants. Alors, à vos stylos, vous avez quatre heures.
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Le désir est-il par nature illimité ? (Série L)

Notes de la rédaction : Voilà une question des plus ardentes, idéale pour convoquer toutes les nymphomanes, mégalomanes (et plein d’autres noms en -manes) qui pullulent dans le 7ème Art.

Thèse : Bien sûr que oui, le désir est illimité puisqu’il doit par nature (il est nécessaire ici de bien montrer que l’on n’a pas oublié l’expression « par nature ») ne jamais être atteint. Qui de mieux placé pour l’expliquer que le trop libertin Vicomte de Valmont des Liaisons Dangereuses adapté au cinéma par Stephen Frears ? L’aristocrate – aussi bon chasseur que séducteur – ne court jamais un seul lièvre à la fois. Et quand il atteint l’une de ses cibles, subitement, elle ne l’intéresse plus. Demandez à la larmoyante Madame de Tourvel, à qui il a fait la cour des jours et des nuits durant, assurant même à sa BFF, la Marquise de Merteuil, qu'il la désirait plus que n’importe quelle autre. Mais une fois que la Tourvel oublie sa soi-disant dévotion (mais aussi son entière fidélité à son époux, il faut le préciser), cède et tombe dans les bras du vicomte, voilà que ce dernier la délaisse. Goujat ? Pas vraiment, car ce qui l’animait, ce n’était pas son amour mais tout simplement son désir. « Un sentiment des plus naturels », ajouterait alors l’un de ses proches confrères, le Casanova du fil éponyme de Fellini, qui, lui aussi, désire toujours plus le désir que le sujet du désir lui-même. Le(s) désir(s) sont l’essence même de l’Homme. Toute la vie, c’est ce qui nous fait avancer. C’est notre destin !

Antithèse : Et puis non, le désir n’est pas vraiment illimité puisqu’il se limite souvent à ce que l’on connaît. Pour le comprendre, il suffit de frapper à la porte des Groseille, la famille « beauf » de La Vie est un long fleuve tranquille d’Étienne Chatiliez. Quand les Le Quesnoy – les bourgeois – leurs donnent de l’argent pour acheter leur silence, ils décident de le dépenser dans des plaisirs simples. Des petites choses qui n’étaient jusqu’alors pour eux que de l’ordre du désir mais qu’ils considéraient malgré tout comme atteignables. Au lieu d’aller faire ses courses à pied, Madame Groseille choisit donc simplement de prendre un taxi. Le grand luxe. Car dans la spirale des désirs, on voit rarement plus loin que le bout de son nez. Il ne faut pas en effet confondre le désir avec le fantasme ou le rêve qui, quant à eux, touchent à ce que l’on ne perçoit pas, à ce qui n’est pas dans notre réalité palpable.

Synthèse : Mais attention, il faut mieux chercher à limiter ses désirs que l’on croit pourtant illimités (oui, il faut encore et toujours rappeler l’intitulé du sujet). Si on les écoute tous, sans les maîtriser, on déraille… C’est là que le sulfureux duo de L’Empire des sensdu Japonais Nagisa Oshima intervient. Sada Abe, ancienne prostituée, et Kichizo, son nouveau patron, décident de répondre au moindre de leurs désirs et donc de s’envoyer en l’air 24h/24… sans limites justement. Mais à force de croire que rien ne les arrête, Sada étrangle Kichizo parce qu’il le « désirait », tout simplement, et lui coupe même le pénis… mais ça, c’est un détail. Le mot de la fin sera d’ailleurs attribué à la tristement célèbre Emma Bovary qui peut, mieux que personne en témoigner : quand on a des désirs démesurés, on y laisse souvent sa peau

Travailler moins, est-ce vivre mieux ? (Série S)

Notes de la rédaction : Voilà une problématique qui devrait en faire rêver plus d’un, même s’il n’est jamais question, dans cette sacro-sainte discipline qu’est la philosophie, de farniente et de cocotiers. Mais aussi en faire rager certains, à commencer par un ancien président de la Ve République qui voulait, encore et toujours, « travailler plus »…

Thèse : Alors oui, travailler moins, c’est peut-être vivre mieux… Mais un peu de bon sens, tout ça ressemble trop à une utopie pour être vrai. Au risque de brusquer les plus naïfs d’entre nous, la vie ne ressemble pas à un film de Jacques Demy (et en effet, c’est bien malheureux). Il faudrait vivre dans Les Demoiselles de Rochefort pour se permettre de « travailler moins ». Delphine et Solange – les sœurs jumelles nées sous les signes des gémeaux – ne sont en effet pas les dernières quand il s’agit de se tourner les pouces… Vous n’allez pas me dire que donner deux heures de cours de musique et de danse dans la semaine, c’est un vrai métier. Mais le principal, c’est que Catherine Deneuve et Françoise Dorléac – sœurs dans la vraie vie – avaient toujours le sourire. Dans le Rochefort rose poudré du réalisateur nantais, on ne travaille pas, mais on chante, on danse et on vit mieux… C’est le principal. Car le travail peut parfois asservir. Demandez à ce bon vieux Charlie Chaplin qui, dans Les Temps modernes, devient une machine à force de trop visser, dévisser, etc. Le travail est alors un moyen d’annihiler les foules. Alors bien évidemment, quand on n’a pas besoin de se lever tous les matins, on a l’impression qu’on mène la belle vie – sans soucis, sans problèmes, chantait Sacha Distel – mais très rapidement, on s’ennuie. Ashley Abbott et Sharon Newman des Feux de l’Amour vous le diront mieux que personne : entre leurs brunchs au country club et quelques séances shopping, elles pensaient ne jamais s’ennuyer, mais elles se sont trompées. À force de ne pas travailler, elles se sont tout simplement inventé des problèmes pour avoir la même vie que le prolétaire du coin de la rue. Leur programme à elles pour rythmer le quotidien : chutes dans l’escalier en rafale et mariages ratés à foison.

Antithèse : Et si, a contrario, le travail était finalement une promesse de vie meilleure puisqu’il serait tout simplement un gage de liberté. Il a d’ailleurs aidé des millions de femmes à s’affranchir au cours du siècle dernier. Pour seule preuve, il suffit d’appeler Joy – cette jeune mère célibataire incarnée par Jennifer Lawrence dans le film de David O. Russell – qui a réussi à rompre la morosité de son quotidien en montant sa petite entreprise, qui ne connaîtra jamais la crise. En contre-exemple, il ne faut pas aller chercher beaucoup plus loin : la mère de Joy, quant à elle, passe ses journées à regarder des soap-operas à la télé. Alors certes, elle ne fait rien… mais elle est vraiment très malheureuse. « Il faut vraiment peu pour être heureux », disait l'ours Baloo. Mais pourtant, l’accomplissement de soi passerait par la notion de travail, et ça devrait ravir Pierre Gattaz.

Synthèse : Mais attention, même quand on essaie de travailler moins, on est toujours rattrapé par le dur labeur puisqu’il est l’une des valeurs fondatrices de notre société. Les gais-lurons aux cheveux longs et pantalons pattes d’eph’ de Hair de Milos Forman s’en sont vite aperçu. Alors qu’ils pensaient pouvoir chanter et jouer de la guitare dans Central Park toute la sainte journée, Claude (John Savage) et Berger (Treat Williams) ont dû se plier à la contrainte et s’engager pour la guerre du Vietnam.

Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’Histoire ? (Série ES)

Notes de la rédaction : Cette question – très décevante – ne mérite pas les plus grandes envolées de la pensée mais doit être malgré tout traitée avec attention. On ne plaisante pas avec l’Histoire. Aussi, ce sujet ne nécessite pas un plan classique (thèse-antithèse-synthèse) : enfin une bonne occasion pour laisser parler sa créativité.

Premier argument : La réponse peut paraître ridicule – et il n’est pas vraiment conseillé de la mettre dans une copie – mais commençons par le commencement… On étudie l’Histoire pour ne pas être inculte, ignorant et complètement idiot, et pour éviter de ressembler à Nabilla qui est persuadée qu’une Guerre mondiale s’est déroulée en 1978 ou encore à Jessica des Marseillais de W9 qui n’a jamais entendu parler de Nelson Mandela.

Deuxième argument (plus sérieux cette fois) : On a vraiment intérêt à étudier l’Histoire pour tout simplement ne pas reproduire les erreurs du passé dans le présent. Et ceux qui ne l’ont jamais vraiment compris, ce sont les scientifiques qui travaillaient à Jurassic Park. En 1993, ils ouvrent un premier parc d’attractions mais un soir de tempête, le système de sécurité est coupé, les gros dinos s’échappent de leurs enclos et terrorisent les visiteurs. Vingt deux années (et deux volets) plus tard, le parc est devenu une affaire juteuse – et s'appelle Jurassic World – mais les nouveaux propriétaires n’ont visiblement pas regardé la première version de Steven Spielberg. Encore une fois, le système de sécurité est coupé et les dinos – encore plus féroces qu’avant – se font la malle… À vouloir ne pas s’éclairer du passé, on s’expose donc à de nombreux dangers… mais aussi à la lassitude du spectateur.

Troisième argument : Mais a-t-on vraiment besoin d’étudier l’Histoire pour la connaître ? Pas la peine de passer des heures à regarder Stéphane Bern à la télé puisque l’Histoire ne serait qu’un long cycle qui se répéterait sans cesse. N’en parlez pas à Phil Connors (Bill Murray), dans Un Jour sans fin de Harold Ramis, qui chaque matin doit revivre la journée du 2 février. Si ça, ce n’est pas la preuve ultime que tout est un éternel recommencement…

Quatrième argument : Mais attention, il ne faut pas trop regarder vers le passé. Car autrement, on n’appelle ça la « nostalgie », l’une des plus grosses tares de l’humanité. Si on ne sait pas s’imprégner de présent, on passe pour un vieux crouton, du genre Johnny Depp dans Dark Shadows de Tim Burton qui ne sait pas se servir d’une brosse à dents ou encore Hibernatus (Louis de Funès) qui n'a jamais vu une voiture cabriolet. Dans le genre looser, on n’a rarement fait pire (et il n’y pas a pas meilleure conclusion qu’une réflexion bien personnelle…).