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Le cartable de la mariée

Plus de 700 millions de femmes ont été mariées de force alors qu’elles étaient enfant.  En Inde, au Royaume-Uni, en Afrique, des hommes et des femmes luttent contre ces pratiques.

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Publié le 09 juin 2015 à 23h56, modifié le 12 juin 2015 à 20h55

Temps de Lecture 17 min.

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Elle se souviendra toujours de cet instant où sa vie a basculé, où ses parents sont soudain devenus ses ennemis et où l’adolescente joyeuse qu’elle était s’est muée, aux yeux de toute la famille, en une rebelle insolente doublée d’une dévoyée. Elle avait tout juste 14 ans, elle rentrait de l’école, le cartable sur le dos, son uniforme de collégienne anglaise un peu froissé, et s’était installée dans le salon de la maison de Derby, au Royaume-Uni, pour faire ses devoirs. C’est alors que sa mère, toujours drapée dans son sari traditionnel, l’a priée de s’asseoir à ses côtés sur le canapé et lui a montré la photo d’un groupe d’hommes, des Indiens, en pointant l’index sur l’un d’eux. « C’est l’homme que tu vas épouser. »

Au fond d’elle, Jasvinder Sanghera se doutait bien que ce moment arriverait un jour. Elle avait observé la même scène, quatre fois auparavant, pour ses sœurs aînées auxquelles la mère avait présenté leur « promis » sur une photo. Et les quatre jeunes filles avaient été mariées dans la foulée. Elles étaient parties un beau matin en Inde, plus exactement dans le Penjab, où devait se dérouler la cérémonie, et en étaient revenues avec un époux. Violent et autocrate. C’est du moins ce que Jasvinder avait deviné en captant, au cours de visites chez ses sœurs, des larmes et des traces de coups ainsi que les remarques courroucées de sa mère : « Cessez vos jérémiades ! Ne me faites pas honte. Les hommes sont comme ça. Le devoir d’une femme est de prendre soin de son mari. »

Jasvinder ne pouvait raisonnablement espérer échapper à ce sort. Dans la communauté indienne de Derby, la coutume ne souffre pas d’exception. Pourtant, l’annonce de sa mère lui fit l’effet d’une gifle. Ah non ! Il n’en était pas question. Elle ne se marierait pas comme ça. Elle était née en Angleterre, en 1965, et entendait choisir librement sa vie comme les Occidentales. Et ce n’est pas parce que sa mère, née dans un village du Penjab, avait elle-même été contrainte de se marier à 15 ans au veuf de sa sœur aînée – un sikh – et de le rejoindre en Angleterre où il travaillait dans une fonderie qu’elle devrait partager ce sort. Elle a jeté un œil sur le cliché, trouvé l’homme « petit », bien plus âgé qu’elle, puis a regardé sa mère qui a éclaté de rire avant de ranger la photo. Cela lui semblait irréel.

« Inutile de lutter »

Mais le projet s’est vite confirmé. Les allusions ont été de plus en plus fréquentes, la photo de l’homme a été posée sur la cheminée du salon si bien que Jasvinder se trouvait tous les jours nez à nez avec cet étranger en rentrant de l’école. Et la mère, excitée, a commencé à remplir le coffre du trousseau destiné à accompagner la jeune fille chez sa belle-famille. Une robe rouge de mariée, étincelante, a même été achetée et Jasvinder, de plus en plus anxieuse, en a perdu le sommeil. Sa mère s’est fâchée. Son père s’en est mêlé : « Inutile de lutter. Nous devons tous en passer par là. » La jeune fille a paniqué. Le compte à rebours avait commencé et elle ne savait vers qui se tourner. Ses professeurs ? Impossible. Ses parents lui avaient toujours imposé d’ériger un mur hermétique entre « l’extérieur » et la famille.

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