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TribuneÉcologie et spiritualité

Un an après sa parution, l’encyclique écologique du pape a secoué les chrétiens

L’encyclique « Laudato Si’ » du pape François sur le changement climatique, publiée il y a un an, a connu un grand succès chez les catholiques mais aussi bien au-delà. L’auteur de cette tribune revient sur la radicalité du message du souverain pontife qui, liant crise écologique et crise sociale en une « complexe crise socioenvironnementale », appelle à un changement de société.

Martin de Lalaubie est journaliste à la revue Projet. Il a aussi réalisé le webdocumentaire Jeunes et engages, portraits d’une Église qui (se) bouge.


Pour sa première encyclique intitulée Laudato si’, le pape François a frappé fort en offrant à l’Église catholique son premier texte sur les changements climatiques. Six mois avant la COP21, il nous rappelait que les religions avaient leur pierre à apporter dans ce contexte d’urgence.

Ce souffle a d’abord reçu un large écho au sein de l’Église, davantage que les textes pontificaux précédents, et notamment chez ceux qui portaient ces problématiques sans trouver grande audience. Quelle meilleure légitimité pour les catholiques que le successeur de Saint-Pierre en personne ? Car les questions écologiques ne sont pas neuves pour les catholiques, mais personne jusque-là n’avait réussi à en faire une préoccupation centrale. Avec le pape François, l’Église n’intervient plus en apesanteur au-dessus de la société ou seulement dans la vie privée des personnes. Au contraire, en s’adressant à « chaque personne qui habite cette planète », elle nous invite tous, catholiques ou non, à s’inscrire dans un mouvement global et radical de changement.

La dynamique de la COP21 a vite permis de se tester dans la mise en pratique de Laudato si’. À l’image du pape qui s’inspire des autres religions (patriarche Bartholomée, sage soufi…), c’est ensemble que les différentes religions se sont retrouvées à Saint-Denis à la veille de l’ouverture de la conférence climat. D’abord pour une grande célébration interreligieuse dans la Basilique afin d’accueillir les pèlerins du monde entier. Puis pour remettre à Nicolas Hulot et Christiana Figueres une pétition signée par « 1,8 million de Terriens » pour plus de justice climatique, ce qui a permis à une délégation d’être reçue à l’Élysée quelques jours plus tard. On peut se dire qu’un certain nombre de ces évènements « religieux » pendant la COP auraient eu lieu même sans Laudato si’, mais on ne peut douter de l’élan donné aux communautés catholiques.

François endosse une véritable fonction politique qui interpelle chrétiens et au-delà

La COP passée, la mise en pratique de Laudato si’ continue d’animer les catholiques. Il y a ceux qui ont déjà mis le pied à l’étrier sans attendre le pape et qui trouvent dans ce texte un bel encouragement. À l’image des Scouts et Guides de France qui depuis plusieurs années ont lancé le programme éducatif Halp, habiter autrement la planète, et qui entendent depuis le Vatican que « nous sommes devant un défi éducatif » car « l’existence de lois et de normes n’est pas suffisante à long terme pour limiter les mauvais comportements ». Ou comme le CCFD-Terre solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement), qui se bat depuis 50 ans contre les causes structurelles de la faim par plus de solidarité internationale et qui voit le pape approuver leur constat qu’« il y a, en effet, une vraie “dette écologique”, particulièrement entre le Nord et le Sud, liée à des déséquilibres commerciaux ».

François invite les hommes à « écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ». 

Il y a aussi tout ceux qui se mettent en mouvement grâce à leur découverte du texte. Toutes ces paroisses qui demandent encore, un an après sa sortie, des conférences sur l’encyclique. Ces communautés religieuses qui se réunissent pour interroger leur mode de vie communautaire à la lumière de Laudato si’. Ces camps de jeunes avec pour fil rouge la lettre du pape. Les évêques de France qui financent un poste spécialement pour accompagner la réception et la mise en pratique de l’encyclique du national au plus local, avec pour support un site dédié à cette dynamique. Et il y a ceux qui, tout simplement, l’ont lue et ne regardent plus leur environnement de la même manière.

Si l’encyclique a autant touché au sein de son Église, c’est aussi parce que le pape est très écouté en dehors. Nous étions habitués à un pape légitime dans sa fonction hiérarchique mais cantonné à une image quasi « folklorique » pour l’extérieur. Le pape François a complètement renversé cette représentation, interpellant bien au-delà d’un auditoire acquis par coutume. N’y cherchons aucun symbole, mais il est intéressant de voir que les trois quotidiens généralistes français — Le Monde, Libération et Le Figaro — lui ont offert leur une pour la publication de Laudato si’. Et comment le pape pourrait-il ne pas toucher nombre de militants écolos quand il appelle à « une certaine décroissance », critique « les forces invisibles du marché », condamne « les combustibles fossiles très polluants » ? François endosse une véritable fonction politique qui interpelle chrétiens et au-delà, allant même jusqu’à rassembler certaines personnes qui ne s’adressaient que méfiance mutuelle.

« Ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité »

Le pape ne fait pas que rassembler. Il nous offre aussi et surtout une nouvelle approche socioécologique pour un changement radical de société en pointant le lien entre crise sociale et crise environnementale. « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. » On ne peut pas se soucier de l’environnement sans s’engager pour plus de justice sociale et inversement, nous dit le pape. Et pour nous mettre en mouvement, il nous invite à « écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ».

Ce « tout est lié » est le fondement du concept « d’écologie intégrale », pivot de toute sa réflexion. Oui, nous devons agir en faveur de notre planète menacée. Mais ça ne pourra pas se faire sans s’attaquer aux inégalités, sans promouvoir un cadre de vie sain pour toutes les classes sociales, sans défendre la richesse des différentes cultures, sans s’attaquer au « paradigme technocratique dominant ». L’« écologie intégrale » nous ouvre à de multiples dimensions : environnementale, économique, sociale, culturelle, spirituelle ; car face à ces crises, « ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité […] le sens de notre propre passage sur cette terre ».

Laudato si’, cette encyclique historique, n’a qu’un an. L’écho favorable qu’elle a trouvé dans et au-delà de l’Église ne doit pas cesser de porter. Continuons à la diffuser, à nous l’approprier, pour « avancer dans [cette] révolution culturelle courageuse » à laquelle nous appelle le pape avec « urgence ».

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