A première vue, l’égalité femmes hommes semble respectée au Brésil. Le pays a même élu une femme deux fois à la présidence : Dilma Rousseff (suspendue de ses fonctions depuis le 12 mai). Mais la réalité, à en croire les chiffres de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), semble bien plus mitigée.

Le salaire des femmes représente seulement 68 % de celui des hommes (un chiffre qui tombe à 35 % pour les femmes noires ou métisses) ; en 2010, les femmes étaient déclarées “chef de famille” dans 22 millions de foyers, soit 38,7 % de la population (en 2000, ce nombre était inférieur de moitié) ; de 2000 à 2010, le salaire minimal moyen des hommes est passé de 1 450 à 1 510 reis (+ 4,1 %), alors que celui des femmes est passé de 925 à 1 115 reis (+ 20 %) ; 71 % des personnes qui gagnent moins de 25 % du salaire minimal sont des femmes ; les femmes consacrent environ 22 heures par semaine aux tâches ménagères, contre 9 heures 30 pour les hommes ; en 2005, 20 % des femmes vivant à São Paulo étaient sans emploi ; le Brésil compte le plus grand nombre d’employées de maison au monde (soit 7,2 millions de femmes, dont 56,7 % sont noires) ; en 2014, le nombre de femmes entrepreneurs a augmenté de 49 % ; dans 70 % des entreprises brésiliennes, il n’y a aucune femme au sein de la direction ; seuls 2,6 % des conseils d’administration comptent une femme.

Performante et… belle

Je suis française et mon pays n’est pas exactement un exemple d’égalité femmes hommes. En travaillant dans un milieu macho, j’ai dû m’habituer aux blagues sexistes, mais plusieurs choses ont tout de même attiré mon attention en arrivant au Brésil. La première est la notion de “chef de famille”. Le patriarcat régit la société brésilienne, ce qui transparaît dans la vie professionnelle des femmes. Les patrons sont vus comme des figures paternelles par leurs équipes.

Au Brésil, il est courant d’entendre qu’un travail “n’est pas pour les femmes”. De plus, ce qui est perçu comme une qualité pour les uns apparaît comme un défaut pour les autres. Il est normal, par exemple, pour un homme d’être direct et d’aller droit au but, mais une femme qui se comporte ainsi sera jugée agressive.

Les apparences sont essentielles au Brésil, et ce d’autant plus pour les femmes, qui consacrent beaucoup de temps à se faire belles tous les jours. Malheureusement, elles sont bien plus souvent jugées sur leur physique que sur leurs compétences. D’une manière générale, une femme qui occupe un poste à responsabilités doit non seulement être performante, mais aussi belle.

Sexisme ordinaire

Récemment, le principal hebdomadaire brésilien, Veja, a publié un article sur l’épouse du président intérimaire, Michel Temer. Sur la photo, Marcela Temer est radieuse et porte une robe sans décolleté ainsi qu’une étole sur les épaules. Le cliché n’est pas problématique en soi, mais le titre de l’article – “Marcela Temer : belle, modeste et femme au foyer” – a rendu fous les Brésiliens, qui n’ont pas manqué de le faire savoir sur les réseaux sociaux. Depuis, de nombreuses Brésiliennes n’ont de cesse de se moquer de cette formule. Lors de déplacements pour affaires au Brésil, j’ai plusieurs fois été confrontée au sexisme. Il m’est arrivé d’inviter des collaborateurs au restaurant, mais ils ne m’ont pas laissée payer car j’étais une femme, alors même que j’avais lancé l’invitation et que c’était un dîner professionnel.

En 2010, les Brésiliens ont élu pour la première fois une présidente, Dilma Rousseff, ce qui semble à première vue une grande avancée. Mais à mon avis, le fait qu’elle est une femme n’est pas sans lien avec la procédure de destitution dont elle fait actuellement l’objet.

Timides progrès

Le Brésil est une société profondément patriarcale, bien que le nombre de femmes désignées comme “chef de famille” ait augmenté ces dernières années, ce qui est peut-être dû au nombre élevé de mères célibataires. De plus, la nouvelle loi qui prévoit un congé paternité de 20 jours permet aux hommes de mieux s’occuper de leurs enfants et de consacrer plus de temps aux tâches ménagères.

Par ailleurs, la hausse du nombre de femmes entrepreneurs révèle l’émancipation des femmes au Brésil (+ 49 % en 2014). Enfin, les réseaux professionnels destinés aux femmes se sont développés au sein du pays depuis quelques années, avec des organisations comme PWN (Professional Woman ‘s Network), Para Mulheres Na Ciência (Pour les femmes scientifiques), Network of Executive Women (Réseau de femmes d’affaires) et Portal Mulher Executiva (Portail des femmes d’affaires). Voir les femmes s’unir dans la lutte pour plus de parité donne au pays de belles perspectives d’avenir.