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Politique

Président, du bon usage de l'impopularité

C'est une certitude, le prochain président de la République sera très vite impopulaire. D'où une nécessaire réflexion sur les réformes qui seront possibles sans provoquer de graves troubles sociaux...
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Jamais, en France, la classe politique n'a été aussi peu populaire
L'impopularité guette tout futur occupant de l'Elysée
THIERRY ZOCCOLAN / AFP

C'est une nouvelle règle non écrite de la Vème République : l'impopularité est devenue le lot de tous les gouvernants. Ce phénomène n'est pas né avec le quinquennat car, depuis 1958, tous les Présidents ont connu des hauts et des bas dans l'opinion. Le passage du mandat de sept à cinq ans l’a cependant amplifié au point de le rendre structurel. La popularité actuelle de Jacques Chirac n'efface pas le rejet massif qu'il suscitait en 2007 au terme de douze années de présidence. Nicolas Sarkozy, moins de six mois après son élection, plongeait dans une impopularité qui le poursuivit jusqu'à sa défaite en 2012. François Hollande, lui, passait dans le rouge dès juillet 2012, battant depuis, mois après mois, tous les records de défiance établis par ses prédécesseurs.

Ce constat devrait conduire les candidats à la présidentielle de 2017 à s'interroger sur la marge de manœuvre que leur laissera l'opinion. Nombre de postulants de la droite expliquent qu'ils échapperont au fléau de l'impopularité, d'abord en annonçant clairement les réformes qu'ils feront, ensuite en les mettant vraiment en oeuvre. C'est oublier que François Hollande fit ce qu'il avait promis dans les deux premières années de sa présidence. Cela ne l'empêcha pas d'être désavoué par les Français au bout de deux mois. Le rejet qu'il inspire n'est donc pas né en 2014 lorsqu'il changea - heureusement - de politique. Faut-il rappeler, d'ailleurs, que le mandat, selon la Constitution, n'est pas impératif. Le Président n'est jamais tenu de mener la politique sur laquelle il s'est fait élire. Si, comme c'est le plus probable, l'élu de 2017 n'est pas François Hollande, il connaîtra donc très vite, lui aussi, la sanction de l'opinion. L'impopularité est la chose la plus sure qui guette le futur occupant de l'Elysée. La situation du pays est telle que, quoiqu'il entreprenne, il sera critiqué.

Anticiper pour agir sans troubles sociaux

Ce triste sort n'est pas lié à la seule personne de François Hollande et à sa manière de mal gouverner. Il vient également d'un peuple français paradoxal : il dit oui aux réformes dans les sondages et se braque contre les gouvernants dès qu'ils s'emploient à les réaliser. Plus que jamais, en outre, l'élection présidentielle se fera par défaut. Jamais la classe politique n'a été aussi peu populaire. Jamais, à onze mois d'une présidentielle, les candidats probables n'ont été aussi peu désirés. Dans toutes les hypothèses, 2017 verra s'installer à l'Elysée un Président mal élu qui ne connaîtra, en outre, un état de grâce que de quelques semaines.

La certitude de ce contexte difficile devrait peser sur les réformes qui seront proposées. Toutes celles jugées aujourd'hui nécessaires seront, à coup sûr, impopulaires et, donc, très vite condamnées par l'opinion. Comment, en outre, ne pas plonger le pays dans des crises sociales à répétition ? La tempête soulevée par la loi El Khomri, qui ne contient rien de révolutionnaire, montre combien il sera difficile de revenir sur les 35 heures, revisiter le droit du travail, les conditions de licenciement, etc. La légitimité née de la démocratie représentative est aussitôt remise en cause par la démocratie d'opinion et par les forces sociales. La droite pense avoir trouvé une parade en disant qu'elle agira vite, donc par ordonnances. Le pari est loin d'être gagné quand on voit que les Français ne supportent plus guère le seul usage du 49.3. Le recours au référendum pourrait permettre de contourner cette difficulté mais son usage est délicat et également périlleux.

Gouverner, c'est anticiper. Les présidentiables devraient donc réfléchir en priorité à des réformes fortes, efficaces, qui seront certes impopulaires mais ne jetteront pas les Français dans la rue. L'impopularité ne conduit pas à l'impuissance ou au blocage du pays si on l'accepte et que l'on ruse avec ses conséquences. Il est évident, par exemple, qu'une grande réforme de la fiscalité sur les revenus du capital serait aussitôt condamnée par une majorité de Français dans les sondages. Le slogan est tout prêt : une fiscalité pour les riches ! Mais les verrait-on descendre en masse dans la rue si le taux d'imposition sur les bénéfices était ramené dans la moyenne européenne ? Où si l'impôt sur la fortune était supprimé? Ou si les prélèvements sociaux sur les revenus du capital étaient ramenés au niveau des mêmes prélèvements sur les revenus du travail ? Evidemment, non. L'impopularité du pouvoir en serait accrue mais sans troubles sociaux. Une réforme coûteuse dans l'opinion mais pas dans la rue. Mais une réforme utile.

Risquer l' impopularité pour la défense de l'intérêt général

Comme l'a écrit Jean Peyrelevade dans Les Echos en février dernier, « notre pays refuse d'admettre que l'accumulation de capital productif est la clé de la croissance. Comment faire monter en gamme notre industrie sans innover, sans intensifier nos dépenses de recherche et de développement, donc sans investir ? » Mais comment avoir des investisseurs lorsque la fiscalité sur les revenus du capital est dissuasive?

La France, dans ce domaine, est devenue championne d'Europe : cette fiscalité sur les revenus du capital y représente, en effet, 10% du PIB, soit 200 milliards d'euros ! Elle est de 6% en Allemagne, 6,5% en Espagne. Seule l'Italie agit comme nous. « Cette surtaxation relative, écrit encore Jean Peyrelevade, de l'ordre de 50%, est comme un appel explicite à la délocalisation. Nous n'aimons pas le capital ? Qu'il s'en aille ailleurs ! » Les choses se sont sérieusement aggravées depuis 2012 avec une invention exclusivement française : l'alignement de la progressivité de l'impôt sur les revenus du capital sur celle de l'impôt sur les revenus du travail. Une progressivité qui a fait exploser l'impôt sur le capital et réduit à zéro le taux de rendement du capital. Bref, un non sens économique.

Cette réforme ne plairait guère, évidemment, aux idéologues qui traquent le capital mais elle aurait pour résultat de doper l'investissement dans notre pays et, par conséquent, de contribuer fortement à la création d'emplois et à la baisse du chômage sans troubles sociaux. Si la défense de l'intérêt général a encore un sens dans ce pays, elle est nécessaire sans autre risque que l'impopularité qui, de toutes façons, est promise au futur hôte de l'Elysée. Du bon usage de l'impopularité, espérons que les présidentiables se pencheront sur ce sujet.

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