Peut-on imaginer des services sans humains ?

Peut-on imaginer des services sans humains ?

Progrès de la robotisation, intelligence artificielle, digitalisation... Les technologies impactent le secteur des services et en accélèrent la mutation. Tout en posant la question de la place des hommes et femmes qui exercent ces métiers de relation humaine par excellence.

L'automatisation du 21ème siècle a des impacts majeurs sur nos économies, et sur les métiers de service en particulier.

L’utilisation des automates et robots se démocratise à une vitesse inédite. Dans les banques, la grande distribution, les transports en commun ou les administrations, le libre-service automatique a connu un essor spectaculaire. Les algorithmes décident d'ores et déjà des services, des achats ou des trajets qui nous sont conseillés. Et leur prix, autrefois dissuasif, a diminué de 27%[1] : à 18 000€, le robot polyvalent et apprenant Baxter devient aujourd’hui accessible à des organisations telles que les PME.

Ces automates sont non seulement plus nombreux, ils ont aussi développé des compétences jusqu’alors propres aux humains. Certains scientifiques estiment que les humains seront moins intelligents que les robots dans moins de 20 ans . Désormais dotés d’une intelligence artificielle, d'une capacité d’auto-apprentissage et de la maîtrise du langage, les robots pourront s'adapter à leur environnement avec une polyvalence inégalée.

Tous les secteurs d'activité et tous les métiers, même les plus qualifiés, sont potentiellement concernés. Dans le secteur des services, les robots sont déjà largement présents, de la finance au transport en passant par la logistique. Et s'ils sont encore imparfaits, les premiers robots spécialisés dans la relation client - robots-hôtes, robots-vendeurs - font beaucoup parler d'eux. Dans le domaine de la santé, on estime que 60% des hôpitaux mondiaux auront intégré des systèmes d'intelligence artificielle d'ici 2025 et qu'en retour 70% des patients auront un accès plus facile, moins cher et plus qualitatif aux soins.[2] Comme toute nouveauté, l'automatisation porte en elle de formidables opportunités. Nous le savons, le potentiel de ces technologies reste à explorer.

Le champ des possibles technologiques est immense. A nous de définir le champ du souhaitable pour l'humain, en répondant principalement à trois questions majeures.

Le premier défi est celui de l'emploi. Il est central et essentiel, et particulièrement difficile à anticiper. Aux Etats-Unis, on parle par exemple, suivant les études, de 5 millions[3], 9 millions[4] ou encore 70 millions[5] d'emplois perdus d'ici 2025... Cet horizon est-il à 10 ans ? 50 ans ? ou au-delà ? Il est difficile de le prédire.  La responsabilité des entreprises en la matière est double : innover pour inventer les produits et services créateurs de valeur et d’emplois dans le futur, et accompagner leurs collaborateurs dans ces transformations. Dans le secteur des services, ces évolutions technologiques sont aussi une opportunité pour les entreprises de recentrer les compétences de leurs collaborateurs sur ce qui est le propre de nos métiers : la relation humaine.

L'automatisation va également avoir des impacts sur notre travail au quotidien en permettant la complémentarité entre les hommes et les robots. Sur les plateformes pétrolières, dans la santé ou dans le domaine des services aux particuliers, les robots pourront libérer les employés des tâches les plus pénibles ou à moindre valeur ajoutée, pour se concentrer sur celles à plus forte valeur humaine. Cette évolution posera cependant des questions inédites aux employeurs. Comment combattre la solitude des collaborateurs travaillant dans des milieux fortement automatisés, alors même que le bien-être et la performance au travail sont fortement liés aux interactions entre collègues[6]? Faudra-t-il inventer de nouveaux mécanismes de reconnaissance pour des collaborateurs qui se compareront désormais aux performances de super-machines ?

Enfin, d'un point de vue éthique, il me semble nécessaire de réfléchir dès maintenant à ce que l’on pourra confier sans dommage à des robots. Accueillir des visiteurs? Garder des enfants? Prendre soin des personnes âgées ou handicapées? Ces personnes en seront-elles mieux assistées au quotidien? Cette perte de contact humain aura-t-elle au contraire un impact négatif pour des populations souvent déjà isolées et fragiles? Il faudra sans doute sans cesse réaffirmer que la qualité de vie se construit d'abord et avant tout dans le contact humain.

C'est à nous qu'il appartient de découvrir dans quelle mesure les nouvelles technologies seront bénéfiques à tous et motrices pour nos économies. Tout dépendra de l’éthique que nous nous imposerons : à nous d'affirmer que ces évolutions devront toujours avoir pour finalité le bien des femmes et des hommes.

[1] http://money.cnn.com/2016/01/15/news/economy/smart-robots-stealing-jobs-davos/index.html

[2] http://www.forbes.com/sites/reenitadas/2016/03/30/top-5-technologies-disrupting-healthcare-by-2020/#7f4175962528

[3] http://money.cnn.com/2016/01/15/news/economy/smart-robots-stealing-jobs-davos/index.html

[4] The Future Of Jobs, 2025: Working Side By Side With Robots

[5] Carl Benedikt Frey and Michael Osborne in their paper The Future of Employment: How susceptible are jobs to computerisation?

[6] http://www.qualityoflifeobserver.com/content/make-friends-work-your-well-being-depends-it

Fabrice Fernandez

✔ Program / Project Manager ✔ Coach&Mentor ✔ P&L

7y

Cela s'appelle la servuction automatisée. La servuction est un concept marketing élaboré par Pierre Eiglier et Eric Langeard, professeurs de Marketing à l’IAE d’Aix-en-Provence et chercheurs associés au Marketing Science Institute à Cambridge, dans leur ouvrage « Servuction : le marketing des services » qui a été publié en 1987...

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Xavier CHAUMONT

Head of IT Architecture, Supply Chain and Manufacturing at Stellantis

7y

Bonne question : où placer les robots sur l'échelle qui va de "la faible valeur ajoutée" à "la forte valeur humaine" ?

Michele Dewerpe

Consultante en Leadership Trilingue chez Ways

7y

Passionnant! Il y a un gros cabinet d'avocats américain qui a investi cette année sur un robot pour remplacer le job d'analyste ! Hyper plus efficace pour collecter la data nécessaire ... À mon avis le mieux c'est de ne pas avoir d'avis et se tenir prêts, et surtout nos enfants qui seront aux 1ères lignes de cette "évolution" ;-)

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Christophe Thiébault

Sociologue - Consultant en Stratégie et Management de territoire - Prospective ruralités et Evaluation de politiques publiques

7y

Quel type de relations humaines peut-il y avoir dans le travail, si l'intelligence et donc la décision est "remise aux robots" et au calcul d'algorithmes. Le problème n'est pas celui de la mutation du travail ou des services; le problème est d'accepter politiquement à l'échelle des 11 milliards d'humains attendus à l'horizon 2025 que le travail humain est fini aussi bien dans sa force que dans son intelligence et qu'il nous faut définitivement acter son remplacement. Est-ce une bonne ou mauvaise chose ? Peu importe finalement si nous entrons à l'échelle de la mondialisation dans une société où nous aurons le loisir de choisir l'éducation, les sciences, la contemplation, les solidarités du vivant, les expressions artistiques, les relations authentiques, le don et le désintérêt, les conquêtes de l'esprit et de l'espace. C'est donc une réponse politique unanime que nous devons chercher face au remplacement des humains par les machines. Et accessoirement se poser la question de savoir par quoi remplacer l'économie et son rapport travail/consommation par la redistribution égalitaire à l'échelle de l'humanité de toutes les productions qui seront crées par les robots. Je crois que l'intelligence des inventeurs de l'I.A n'a pas encore perçu cette fin de l'histoire. Les politiques comme les apprentis sorciers devraient commencer à y réfléchir très sérieusement.

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