Loi Travail : au FN aussi, c'est la cacophonie
Si la confusion a régné mercredi matin autour de l'interdiction de la manifestation de jeudi contre la loi Travail, la position du Front national sur le sujet n'est pas beaucoup plus claire. Marine Le Pen y a vu une "atteinte grave à la démocratie" alors qu'elle réclamait elle-même l'interdiction de ces manifestations le mois dernier. Sur le fond, les désaccords sont publics entre la direction et les députés.
La position du Front national sur la loi Travail? Ce n'est pas beaucoup plus simple à comprendre que les annonces gouvernementales … Une illustration de plus en a été donnée mercredi matin après la décision de la préfecture de police d'interdire la manifestation parisienne de jeudi (qui a finalement été autorisée). Indignée, Marine Le Pen a été l'une des premières dirigeantes politiques à réagir dans la matinée.
L'interdiction des manifestations contre la #LoiTravail est une démission face aux casseurs et une atteinte grave à la démocratie. MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) June 22, 2016
Officiellement opposée au projet de loi du gouvernement, Marine Le Pen accuse régulièrement le gouvernement lorsqu'interviennent les débordements de casseurs, des "organisations fascistes d'extrême gauche" selon la présidente frontiste. Mais c'est précisément en raison de ces violences que Marine Le Pen réclamait il y a tout juste un mois l'interdiction de toutes les manifestations en période d'état d'urgence. "En situation d’état d’urgence, il n’y a pas de manifestation. Nous sommes la risée du monde", avait-elle déclaré sur Europe 1.
"Le point de divergence" de Marion Maréchal-Le Pen avec Marine Le Pen
Cette contradiction ne se limite pas à la présidente du FN. Le secrétaire général Nicolas Bay partageait lui aussi l'avis de Marine Le Pen le 21 mai sur France Inter : "Il est invraisemblable de voir des manifestations, y compris des manifestations violentes, sur notre sol alors qu'on est en état d'urgence." Mais mercredi matin, il s'en prenait au "sectarisme" du gouvernement, qui "restreint les libertés individuelles" en France. A l'inverse, les deux députés frontistes soutenaient jusque-là la volonté de l'exécutif d'interdire la manifestation. Gilbert Collard le confirmait vendredi dernier et Marion Maréchal-Le Pen a été jusqu'à reconnaître le même jour "un point de divergence" avec Marine Le Pen sur cette question. "Parce que quand on en est à 350 policiers blessés, il ne faut quand même pas oublier que ce sont les Français qui vont payer la note au final", justifiait-elle sur France Info .
Au-delà de cet épisode autour de la manifestation, c'est sur le texte en lui-même que le FN a eu du mal à faire dégager une position commune. Son électorat semble pourtant aller dans un seul sens : une enquête Opinion Way indiquait la semaine dernière que 71% des sympathisants FN souhaitait le retrait du projet de loi. Soit plus que la moyenne des Français (64%). Le 12 juin sur France 3, Marine Le Pen prenait d'ailleurs appui sur les "sondages" pour demander le retrait de la loi El Khomri. Son vice-président, Florian Philippot, est sur la même ligne quand il dénonce une loi Travail imposée par Bruxelles et qui "précarise les travailleurs".
Au Sénat, des amendements retirés en catimini
Mais là encore, les parlementaires FN n'étaient pas forcément d'accord avec un rejet en bloc du projet de loi. Pour preuve, les deux députés ont d'abord tenté d'amender le texte en première lecture, avant le recours par Manuel Valls du 49-3, en défendant par exemple le relèvement des seuils sociaux. Loin de la diatribe anti-libérale de leur parti, ils partageaient ainsi les revendications des petits patrons - l'un des électorats clé pour le FN en vue de 2017 - en faveur de plus de flexibilité. La première version du texte posait ainsi "de bonnes questions", aux yeux de Marion Maréchal-Le Pen.
Au Sénat, le scénario a failli se répéter la semaine dernière, pour l'arrivée du texte dans la Haute assemblée . Les mêmes amendements que ceux de l'Assemblée y ont été déposés puis retirés peu après en catimini. Le sénateur FN David Rachline a justifié cette décision en évoquant des amendements issus de "l'imagination de [ses] assistants parlementaires" qui se sont révélés "rarement pertinents". Mais des sources frontistes citées par l'AFP et Le Canard enchaîné ont indiqué que c'était Marine Le Pen elle-même qui a exigé leur retrait. L'hebdomadaire satirique précise mercredi que les deux députés "frondeurs", Gilbert Collard et Marion Maréchal-Le Pen, avaient néanmoins l'intention de redéposer leurs amendements lors de la deuxième lecture prévue à l'Assemblée en juillet. Ce qui a valu un dernier recadrage de la présidente du FN, qui leur a envoyé un SMS : "Par souci de cohésion politique et de contexte, je vous demande de ne pas déposer les amendements." Cette fois, sa nièce et le médiatique avocat devraient bien suivre cette consigne.
Source: leJDD.fr
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