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Le Burkina Faso face aux menaces de radicalisation religieuse

Depuis l’attentat de Ouagadougou le 15 janvier et la multiplication des attaques au nord du pays, le modèle de tolérance burkinabé est malmené.

Par  (contributrice Le Monde Afrique, Ouagadougou)

Publié le 22 juin 2016 à 11h58, modifié le 22 juin 2016 à 11h17

Temps de Lecture 3 min.

Célébration de l’Aïd Al-Adha à Ouagadouou, en septembre 2015.

« On est ensemble. » A Ouagadougou, la petite phrase résonne comme un mantra. Devenue un tic de langage, elle est l’expression d’une tradition qui fait la fierté du « pays des hommes intègres » : sa tolérance, y compris religieuse. Ici, musulmans, catholiques et protestants ne vivent pas seulement à côté mais ensemble.

Or, depuis l’attentat du 15 janvier et la multiplication des attaques au nord du pays, le modèle est malmené. Pour éviter l’embrasement, le gouvernement burkinabé et l’ambassade du Danemark ont élaboré il y a deux ans un projet pilote destiné à la recherche sur la lutte contre l’extrémisme violent. Et d’après la dernière enquête menée cette année et rendue publique le 9 juin, la menace est désormais élevée.

« Les tensions entre les communautés religieuses et à l’intérieur d’elles, les frustrations engendrées par la perception d’un Etat ayant une préférence religieuse et, surtout, la montée en puissance des pratiques conservatrices ostentatoires témoignent d’une certaine radicalisation sur le plan religieux », souligne le professeur Augustin Loada, ancien ministre et politologue burkinabé.

Des prédicateurs qui inquiètent

Aussi le Burkina Faso s’inquiète-t-il du discours des prédicateurs étrangers, de plus en plus nombreux à venir séjourner sur son sol. Selon le ministère de l’intérieur, ils seraient 425 à avoir voyagé au Burkina Faso depuis 2013. « Ces derniers temps, il y a une multiplication de groupes de prêcheurs sillonnant la sous-région. […] Ils viennent faire deux ou trois semaines de prêche au Burkina Faso. La tendance commence à nous inquiéter », insiste Simon Compaoré, le ministre de l’intérieur.

Renforcement du contrôle des visas, mesures de reconduite à la frontière : la police burkinabée assure serrer la vis mais admet disposer de peu d’éléments sur les antécédents de ces prédicateurs. « Sur ces 425 religieux, très peu sont dangereux mais certains sont connus pour leurs discours radicaux, précise une source sécuritaire. Les hommes qui nous inquiètent sont surtout ceux venant de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), car ils n’ont pas besoin de visa pour entrer dans le pays. »

A Dori, grande ville burkinabée proche de la frontière malienne et réputée pour son importante communauté musulmane, on parle peu de ces prêcheurs et des discours qu’ils tiennent. Car, dans cette commune sahélienne comme ailleurs au Burkina Faso, le discours religieux reste un tabou. « Les Burkinabés considèrent que l’extrémisme violent est un problème qui vient d’ailleurs, ils ferment les yeux alors que tout le monde sait que nous sommes exposés », explique Oumarou Cissé, président de l’association de développement local Nodde Nooto (A2N).

Les actions de sensibilisation du grand imam de Dori au sujet de l’extrémisme ont permis aux autres imams de refuser la prise de parole publique de certains prêcheurs intolérants dans leurs mosquées. Mais le problème s’est déplacé dans la rue. « A Dori, il n’est pas rare de trouver des étrangers, assis au coin des mosquées, en train de prêcher auprès de quelques badauds, parfois avec de l’argent en main », décrit Oumarou Cissé.

Une frontière trop poreuse

Si la situation préoccupe tant les autorités, c’est que, ces derniers mois, l’existence de cellules dormantes, composées de personnes suspectées de faciliter l’action de groupes terroristes, s’est confirmée. En témoignent les récents coups de filet des forces de sécurité burkinabées. Depuis le début du mois de juin, une vingtaine de personnes ont été arrêtées, suspectées d’avoir un lien avec une entreprise terroriste. La grande majorité serait de nationalité étrangère. « Mais il y a aussi des Burkinabés, qui, lorsqu’ils ont été arrêtés, ont avoué avoir participé à des attaques contre la force onusienne Minusma, au Mali. A l’inverse, les autorités maliennes ont déféré d’autres Burkinabés qui auraient agi chez nous », explique une source sécuritaire.

La frontière entre le Burkina Faso et le Mali est connue pour sa porosité. Ces derniers mois, les attaques de postes perpétrées au nord du Burkina Faso se sont multipliées. Début juin, Roch Marc Christian Kaboré, le président du Burkina Faso, a réclamé qu’une partie de son contingent – le plus conséquent de la Minusma avec près de 1 700 hommes – soit redéployée près de sa frontière. Un mois plus tôt, le Burkina avait déjà annoncé vouloir rapatrier son contingent de 850 hommes déployé au Darfour.

Pour protéger son territoire, les autorités burkinabées multiplient les actions « coups de poing ». Malgré cette détermination, certains dénoncent une absence de stratégie globale, nécessaire pour combattre de manière durable et efficace l’extrémisme violent. « Il n’est pas tolérable que trois ou quatre ans après l’apparition des premiers symptômes, nous soyons toujours encore en train de naviguer à vue, dénonce notre source. Aucun comité interministériel ne réunit l’ensemble des acteurs concernés par la lutte antiterroriste (…) En matière de justice, aucun magistrat spécialisé. Ça n’est pas normal. »

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