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A ciao bonsoir

Yann Barthès tire son irrévérence de Canal+

Après l’avoir incarné douze ans, l’animateur star présente ce jeudi son dernier «Petit Journal», qui continuera sans lui à la rentrée.
par Jérôme Lefilliâtre
publié le 22 juin 2016 à 19h41

Mine de rien, il a gentiment savonné la planche du nouveau Canal + version Bolloré. Chaque soir depuis quelques jours, Yann Barthès diffuse de vieilles séquences du Petit Journal et tient le décompte à l'antenne : «J -7 avant la dernière, J -6, J -5…» Le Petit Journal s'arrête ? Eh bien non, sauf revirement intempestif du «Bollo's band» - ce qui n'est pas à exclure. Officiellement, l'émission continuera à la rentrée, avec un nouveau producteur (exit Bangumi, la société de Barthès et de son acolyte, Laurent Bon) et un nouvel animateur. Il s'agira sans doute de Cyrille Eldin, l'acteur-humoriste qui s'amuse au micro avec les politiques. D'après ce qu'on a réussi à gratter au sommet de la chaîne, elle devrait être diffusée sur Canal +, et non D8. En clair ou en crypté ? Apparemment, ce n'est pas tranché. La direction dévoilera lundi les grilles de rentrée.

Ce jeudi, ce n'est donc pas la dernière du Petit Journal, mais la dernière de Barthès au Petit Journal. Difficile d'imaginer l'un sans l'autre.

Rentré à Canal + comme stagiaire dans les années 90, le présentateur de 41 ans n'était jamais apparu à la télé avant d'incarner ce programme pendant douze ans, et n'en a animé aucun autre. Lancé en 2004, ce n'est au départ qu'une pastille du Grand Journal, conduite en voix off par Barthès. D'abord divisé en deux parties, l'une d'actu et l'autre people, il s'épaissit au fil du temps, jusqu'à devenir une émission autonome en 2011 (c'est à ce moment que Barthès et Bon créent Bangumi). Progressivement, le Petit Journal se resserre autour de la politique, qu'il aborde avec humour et impertinence, sa marque de fabrique. «Ils ont inventé une écriture», nous disait récemment, admiratif, le journaliste Jean-Michel Aphatie, qui les a côtoyés à Canal +. En plaçant ses yeux et ses oreilles dans l'envers du décor politique, l'émission - qui a aussi des défauts, dont celui de niveler les idées - parvient à décrypter la communication des gouvernants et à montrer tous les aspects de leurs personnalités.

La stature de Barthès, ex-chroniqueur devenu superstar de la télé, s'affirme en même temps que l'émission, qui va se frotter à l'actualité internationale (là aussi, cependant, il y a à redire). Le grand timide, qui n'a pas souhaité s'exprimer pour cet article, ne se contente plus depuis longtemps de lancer des sujets et de lire des textes écrits à la virgule près. Désormais, il se sent assez à l'aise pour jouer à l'antenne, multipliant les gestes et les mimiques, se mettant lui-même en scène pour accélérer le rythme de l'émission. A cet égard, il est l'animateur français qui a le plus réussi à s'approcher du style des late shows ultra-personnifiés qui font fureur aux Etats-Unis.

Dès lors, il n'était plus inconcevable que TF1, bien aidée dans sa quête de renouveau par les fuites bolloréennes de Canal +, veuille l'attirer sur ses antennes. A la rentrée, Barthès aura deux émissions. La première, une hebdomadaire de seconde partie de soirée sur TF1, s'inspirera de ces late shows américains, «avec des people et des live», selon un proche de Barthès. La seconde sera diffusée chaque soir de la semaine aux alentours de 19 heures sur TMC, l'une des petites chaînes gratuites du groupe. Provisoirement intitulée «le Quotidien», elle consistera, d'après la même source, en un «show d'actualité d'une heure avec encore plus de reporters et d'enquêtes que dans le Petit Journal». A ce jeu-là, il est possible qu'on se demande en septembre où est la copie et où est l'original.

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