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Chroniques calaisiennes : « Ils n’ont pas traversé tout ça pour venir s’échouer à Calais »

Béatrice tient un hôtel meublé à Calais. Pendant un temps, elle y a accueilli des migrants avant de devoir y renoncer.

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Publié le 29 avril 2016 à 17h18, modifié le 22 juin 2016 à 15h07

Temps de Lecture 2 min.

Dans « la Jungle » de Calais.

BĂ©atrice (les prĂ©noms ont Ă©tĂ© changĂ©s) se trouve derrière le comptoir de l’hĂ´tel meublĂ© qu’elle tient avec son mari. De vieux habituĂ©s traĂ®nent au bar, bière pour certains, cafĂ© pour les autres, en ce milieu de matinĂ©e grise. Une porte sur le cĂ´tĂ© gauche mène Ă  la dizaine de chambres – 350 euros le mois, avec un coin repas et des toilettes –, « quasiment toutes louĂ©es Â». Certains, des hommes en majoritĂ©, « sont lĂ  depuis longtemps Â», une quinzaine d’annĂ©es pour l’un. « On est comme leur famille. (…) Pour leur anniversaire on leur achète un petit quelque chose Â», dit BĂ©atrice.

Elle a acceptĂ© de parler mais pas son mari, qui se tient au fond de la salle Ă  manger, et qui n’a pas envie d’avoir Ă  faire Ă  des journalistes, ni d’avoir « des ennuis Â». Ils ont travaillĂ© un temps avec le centre d’accueil des migrants Jules-Ferry, ouvert dĂ©but 2015, et gĂ©rĂ© par l’association La Vie active. Le centre, qui jouxte la « Jungle Â» et hĂ©berge quelque quatre cents femmes et enfants, distribuant aussi 2 500 repas par jour, leur envoyait pour quelques nuits « des gars prĂŞts Ă  repartir chez eux Â».

BĂ©atrice Ă©voque avec une admiration sincère mĂŞlĂ©e d’étonnement « des jeunes, des gens vraiment instruits, des avocats, des Ă©tudiants en mĂ©decine Â». Mais elle et son mari ont arrĂŞtĂ©, ils perdaient de la clientèle. « Il y a des gens dans la misère ici. Ils ont l’impression qu’on aide plus les migrants. Â» Elle tempère aussitĂ´t son propos : « Ce n’est qu’une impression… parce qu’il faut y dormir dans les tentes. Â» Et puis les migrants « n’ont pas traversĂ© tout ça pour venir s’échouer Ă  Calais… Se sentir rejetĂ© comme ça partout. (…) MĂŞme le climat est hostile Â», explique-t-elle avec un sourire.

« Restaurants et bars de fortune Â»

Mathieu, un jeune bĂ©nĂ©vole activiste, prend part Ă  la conversation et rappelle que la zone qui a Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e en mars, la partie sud de la « Jungle Â», Ă©tait « la partie la plus vivante, avec quelques restaurants et des bars de fortune Â». « Ils ont du mĂ©rite quand mĂŞme d’avoir construit tout ça avec trois fois rien, enchaĂ®ne BĂ©atrice. Ils ont apportĂ© leur savoir-faire. Â» Pour elle, les migrants Ă©vitent de sortir trop dans la ville, par crainte d’être « embĂŞtĂ©s Â».

Quand il y avait encore un squat dans le quartier, avant le printemps 2015, les gens n’allaient plus au supermarchĂ© de peur d’attraper la gale, « le truc des rejetĂ©s Â», affirme Mathieu. Chez BĂ©atrice et son mari, les migrants pouvaient venir boire un cafĂ©, un thĂ©. Mais, lĂ  encore, ils ont arrĂŞtĂ© pour ne pas perdre la clientèle. « Pourtant, les gens sont accueillants dans le Nord… Â», tient-elle Ă  rappeler.

Elle voit bien que les gens s’aventurent beaucoup moins sur Calais, « avec tout ce qu’on entend et voit Ă  la tĂ©lĂ© Â». Ils ont reçu rĂ©cemment des « personnes d’Amiens Â» tout Ă©tonnĂ©es de ne « rien voir Â», sous-entendu des migrants, comme s’ils « s’attendaient Ă  en voir plein les rues Â». La journĂ©e agitĂ©e du 23 janvier en faveur des migrants dans les rues de Calais, qui avait dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© – un habitant excĂ©dĂ© avait mĂŞme sorti son fusil et menacĂ© les manifestants –, est dans toutes les mĂ©moires et avait tournĂ© en boucle dans les mĂ©dias. « Les gens pensent que c’est comme ça tous les jours Â», se dĂ©sole BĂ©atrice.

« On n’est pas racistes. On a pas mal voyagĂ©, au SĂ©nĂ©gal. (…) On a vu la misère dans laquelle certains vivent. (…) Mais les Calaisiens, ce ne sont pas des voyageurs Â», prĂ©cise-t-elle, qui est originaire d’une ville Ă  quarante kilomètres de Calais oĂą elle dit « avoir Ă©chouĂ© Â». Trente ans qu’ils tiennent l’hĂ´tel. BientĂ´t la retraite ? « Pour quoi faire ? Â», demande BĂ©atrice, derrière le bar.

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