Coignard - Voyage en absurdie fiscale

Le rapport, à première vue, concerne un sujet rébarbatif : il s'intéresse à la taxation des produits alimentaires. Son contenu, pourtant, révèle des pépites qui illustrent l'effroyable créativité bureaucratique de l'administration française. La commission des Finances de l'Assemblée nationale en examinait mercredi les conclusions, issues d'une mission d'information démarrée il y a six mois.

Pourquoi la margarine est-elle taxée à 20 % et le beurre, à 5,5 % ? Mystère. De même, les tablettes de chocolat sont soumises à des taux de TVA différents selon leur teneur en cacao pur. Mais le comble de l'ineptie est atteint avec le célèbre rocher craquant vendu dans toutes les bonnes confiseries : « Si vous mangez, mes chers collègues, un rocher dont la longueur est inférieure à 5 cm et le poids inférieur à 20 g, vous contribuez à un taux de TVA de 5,5 %, ironise la présidente de la mission d'information, Véronique Louwagie (Les Républicains). En revanche, si vous consommez un rocher d'une hauteur supérieure à 5 cm et d'un poids supérieur à 20 g, vous êtes un meilleur citoyen car vous acquittez une TVA de 20 %. » Le roi Ubu n'aurait pas inventé mieux !

Ce n'est pas tout : concernant les produits alimentaires, « plus d'une vingtaine de taxes s'ajoutent à la TVA », poursuit la députée. Celles-ci concernent les farines, les céréales, ou encore les huiles végétales, sur lesquelles s'abattent pas moins de sept taxes différentes selon qu'elles sont produites à partir d'arachide, de colza, d'olives… Plus affligeant encore, c'est l'huile d'olive, celle dont les qualités environnementales, diététiques et nutritionnelles sont les plus avérées, qui écope de l'addition la plus lourde. Pour fabriquer le moindre biscuit, il faut donc calculer sa teneur en huile et en farine afin de ne pas échapper aux services fiscaux, puis remplir un formulaire et l'envoyer au bureau des douanes. C'est beau, la modernité !

Encore une exception française !

« Cette accumulation historique de taxes n'a pas sa pareille en Europe », observe le rapporteur de la mission, Razzy Hammadi (PS), qui souligne que quatre d'entre elles ont un rendement inférieur à dix millions d'euros. « On peut les qualifier de micro-taxes, mais présentant une maxi-complexité. »

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Ce rapport, qui propose d'indispensables simplifications, rejoindra-t-il tous ceux qui ont déjà été rédigés, par l'Inspection générale des finances ou par la Cour des comptes, sur les taxes à faible rendement – parfois moins élevé que le coût de recouvrement –, qui sont presque au nombre de deux cents en France, contre trois en Allemagne et zéro au Royaume-Uni ? C'est à craindre. Après que François Hollande et Manuel Valls se sont engagés, il y a plus de deux ans, à ce que plus d'une centaine d'entre elles disparaissent, neuf seulement ont été supprimées.

La réforme, décidément, est un rude combat, même quand elle concerne les rochers au chocolat !