Philippe Doucet (PS) : "Il faut sauver Heetch"

INTERVIEW. L'élu défend farouchement l'application attaquée devant la justice et vilipendée par les taxis. Et veut sauver la start-up via un amendement.

Propos recueillis par

Au siège de Heetch.
Au siège de Heetch. © Julien Faure

Temps de lecture : 4 min

L'audience à la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris, ce mercredi matin à 9 heures, était très attendue par les taxis parisiens. Après la condamnation de l'américain Uber pour son service Uberpop, allaient-ils réussir à avoir la peau de Heetch ? L'audience a finalement été renvoyée aux 8 et 9 décembre prochains. La petite start-up française, qui se présente comme du ride sharing (autopartage), était attaquée par le procureur de la République pour exercice illégal de l'activité de taxi et mise en œuvre de pratiques commerciales trompeuses.

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Similaire à celle d'Uber, l'appli met en relation des chauffeurs particuliers et des clients. Mais ses fondateurs, Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, se défendent de tout exercice illégal de l'activité de taxi. Sur Heetch, le prix affiché n'est qu'une suggestion : le client peut donner ce qu'il veut (même s'il est noté par le chauffeur). Autre argument de ses avocats, le service n'est ouvert que de 20 heures à 6 heures, à l'heure où les taxis manquent. Enfin, ses chauffeurs sont plafonnés à 6 000 euros de revenus annuels, soit, selon une étude de l'Ademe, le seul coût d'amortissement d'un véhicule.

LIRE notre article Comment la start-up française Heetch ubérise Uber

Le député PS Philippe Doucet, défenseur de la loi travail et réputé proche de Manuel Valls, était présent mercredi matin devant le tribunal correctionnel pour soutenir Heetch. L'élu d'Argenteuil-Bezons a même transmis au tribunal un témoignage écrit.

Le Point.fr : Pourquoi êtes-vous venu ce matin afficher votre soutien à Heetch lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris ?

Philippe Doucet : Pour au moins deux raisons. D'abord, ce refus permanent de l'économie collaborative est un combat d'arrière-garde. Il faut bien sûr la réguler mais pas la refuser. Ensuite, Heetch est un bon moyen de lutte contre l'assignation à résidence de nombreux jeunes de banlieue. Quand vous êtes une jeune fille d'Argenteuil, où il n'y a que deux arrêts de Noctiliens, vous ne pouvez pas sortir la nuit à Paris parce que vous n'en avez pas les moyens. Heetch, c'est donc une façon de pouvoir sortir, mais surtout de pouvoir rentrer. Et en plus, c'est rassurant pour les parents, car ils peuvent avoir le numéro de portable du chauffeur. Enfin, Heetch fournit un petit boulot aux jeunes qui conduisent les voitures. Cela peut leur permettre de payer une partie de leurs études, qui sont de plus en plus chères. Vous avez rarement des cours le vendredi et le samedi soir ! Heetch joue aussi le rôle de capitaine de soirée à l'heure où les jeunes boivent de plus en plus d'alcool.

Ne s'agit-il pas d'une concurrence déloyale pour les taxis ?

Non, ce n'est pas un marché pris aux taxis, car les jeunes qui utilisent Heetch n'ont pas les moyens de se les payer. Les chauffeurs de l'application touchent maximum 600 euros par mois. Que va-t-il se passer si on l'interdit ? Tout cela se fera de façon sauvage sur Facebook. Il faut voir la puissance de l'économie collaborative. Mieux vaut que ce soit fait au grand jour avec Heetch. Je vois déjà la montée en puissance de l'économie grise dans les banlieues. Il y a de plus en plus de jeunes qui réparent les voitures de leurs copains hors des garages. Regardez Leboncoin, qui est devenue une brocante permanente à grande échelle. Cette révolution-là, elle va atteindre les transports, qu'on le veuille ou non. On aura besoin de plus de mobilité, notamment en Ile-de-France, c'est le sens de l'histoire.

Mais c'est le parquet qui poursuit Heetch, c'est donc bien que le gouvernement l'assimile à l'exercice illégal de l'activité de taxi !

Il y a eu une énorme pression des taxis qui font un lobbying d'enfer. Mais on est plusieurs députés à réfléchir à une solution pour sauver Heetch. On va voir si on peut déposer des amendements et dans quel véhicule législatif. Il faut encore qu'on trouve le biais juridique. On n'a pas encore eu le temps de se pencher précisément sur la question. On vient de gagner six mois avec le report d'audience à décembre. On sait qu'on a l'oreille de Macron. Le problème, c'est que le ministre de l'Intérieur défend les taxis. Pour l'instant, il faut laisser le camarade Cazeneuve gérer ses problèmes de fan-zones et de loi travail.

Vous êtes en décalage total sur le sujet avec la gauche, voire avec votre groupe parlementaire...

Détrompez-vous. Nous sommes d'ailleurs plusieurs à réfléchir à signer un appel sur le sujet, avec Pascal Terrasse, Christophe Caresche, Luc Bélot, Anne-Christine Lang. On a parlé du sujet la semaine dernière en réunion de groupe. Laurent Grandguillaume a présenté son travail [il prépare une nouvelle loi sur les taxis et les VTC, NDLR]. Christophe Caresche est monté au créneau pour dire qu'on ne pouvait pas continuer comme ça. Il faut qu'on crée un rapport de force.

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Commentaires (7)

  • Alex_555

    Parce que dans économie collaborative, il y a "collaboratif"...

  • phlr

    ... Mais d’autres formes les remplaceront même s’ils tentent de s’accrocher au radeau qu’ils croyaient insubmersible. Eux ne me feront pas pleurer beaucoup. D’ailleurs, dans quelques années, les voitures n’auront plus de chauffeur du tout, uniquement des passagers… La Sncf disparaitra aussi un jour, écrasée par la concurrence sur son propre réseau et sa piètre performance ou par d’autres formes de transport moins chères, moins capitalistiques moins impactantes pour l’environnement, plus flexibles. L’aéronautique peut-être aussi plus tard ?

    Cela s’appelle le progrès et l'émulation par la concurrence. Ca fait des millénaires que c’est ainsi. Toutes les professions sont concernées un jour où l’autre. Au lieu de se plaindre, de gémir, de pleurer, de manifester, de hurler, de casser, … construisons le progrès plutôt que de le subir !

  • Djill

    Il y a plus de 35 ans, je "covoiturais" des jeunes comme moi (à l'epoque... ). Le service, gratuit, s'appellait AlloStop.
    Il ne s'agissait que de partager les frais.
    Je demandais 15 francs à mon passager (ou à ma passagère mais plus rare... ) pour un Lyon-Lille (par la route car le péage était trop cher). Étais-je en infraction ?