Pour ne rien manquer de Pour La Science, inscrivez-vous à nos newsletters (gratuites)
En février 2016, l’Organisation mondiale de la santé déclarait l’état d’urgence de santé publique à propos du virus Zika, tandis qu’on estimait à 1,5 million le nombre de personnes infectées au Brésil. À l’approche des jeux olympiques d’été 2016 à Rio, l’inquiétude reste grande et la question d’un vaccin se fait pressante. Félix Rey et son équipe de l’Institut Pasteur à Paris, avec d’autres collègues du CNRS, de l’Imperial College de Londres et de l’Université de Vienne en Autriche, ont mis en évidence un anticorps à la fois efficace contre Zika et contre un autre fléau des pays tropicaux : la dengue. Cette découverte ouvre la voie à la fabrication d’un vaccin efficace contre les deux virus.
Zika et la dengue appartiennent au genre des Flavivirus, des « virus à ARN », principalement transmis par les moustiques dans les zones tropicales. Le virus Zika, auparavant considéré comme peu dangereux, a été identifié comme responsable de l'épidémie de microcéphalies chez les fœtus et de syndromes de Guillain-Barré, notamment au Brésil.
Les chercheurs ont découvert que des anticorps provenant de patients infectés par le virus de la dengue et dirigés contre un antigène du virus Zika (une molécule reconnaissable par le système immunitaire) permettaient de neutraliser ce dernier (on parle d’anticorps neutralisants). L’équipe s’est intéressée à deux protéines structurales du virus, prM et E, impliquées dans son processus de maturation à l’intérieur de la cellule infectée. Au cours du développement du virus, prM est découpée et perd un grand fragment. Ce procédé, nécessaire pour rendre les nouvelles particules virales infectieuses, provoque la réorganisation de la protéine E à la surface de l’enveloppe virale. Ce changement expose un site antigénique de la protéine E auparavant inaccessible, appelé épitope de la boucle de fusion ou FLE (Fusion-loop epitope), qui permet la fusion du virus avec la membrane de la cellule. La protéine E est la cible principale des anticorps neutralisants mais ces derniers sont inefficaces sur le site antigénique FLE en raison de sa grande variabilité. Pire, ils améliorent le potentiel infectieux du virus en favorisant son entrée dans la cellule.
La plupart des anticorps isolés chez les patients infectés par la dengue ciblent l’antigène FLE, mais certains ciblent un autre site facilement accessible à la surface de la protéine E, qui est stable et conservé, car il est indispensable au bon fonctionnement du virus. Ces anticorps neutralisants à large spectre, appelés EDE pour E-dimer Epitope, neutralisent efficacement le virus de la dengue.
Les chercheurs ont étudié la structure du complexe formé par l’anticorps EDE et l’antigène par cristallographie pour déterminer le site de fixation des anticorps sur le virus Zika. Ils ont réalisé que ce site était le même pour Zika que pour la dengue.
Un vaccin contre la dengue, Dengvaxia, vient d’être autorisé dans certains pays. Fondé sur l’antigène FLE, son efficacité est toutefois relative : il serait plus efficace chez les individus ayant déjà été infecté par la dengue. Pire, il accentuerait le potentiel infectieux chez les enfants de moins de neuf ans.
Les résultats de cette nouvelle étude permettent d’envisager la fabrication d’un vaccin universel dirigé contre l’antigène commun et capable de protéger à la fois contre Zika et la dengue.

Références
Félix Rey et al., Structural basis of potent Zika–dengue virus antibody cross-neutralization, Nature, 23 juin 2016
Gavin Screaton et al., Dengue virus sero-cross-reactivity drives antibody- dependent enhancement of infection with zika virus, Nature Immunology, 23 juin 2016
Comment Zika s’attaque aux neurones, pourlascience.fr, 14 avril 2016.