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Le divorce, ce Brexit de nos vies amoureuses

Pour le meilleur ou pour le pire, un mariage sur deux aboutit au divorce. AlloMarlène explique pourquoi et comment « se séparer avec élégance et respect » ?

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Publié le 22 juin 2016 à 14h00, modifié le 23 juin 2016 à 08h37

Temps de Lecture 4 min.

Le divorce, banqueroute du couple marié

Les Britanniques sont appelés, jeudi 23 juin, à se prononcer pour ou contre une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. La tentation d’un divorce, qui n’est pas sans rappeler les déchirements que nous connaissons dans nos vies privées. AlloMarlène s’est penché sur le sujet.

En 2014, 214 000 mariages ont été célébrés en France, pour… 120 568 divorces. Près d’un couple sur deux divorce aujourd’hui. « Si l’infidélité est une cause fréquente de discorde au sein du couple, constate la psychiatre et psychanalyste Sylvie Angel, cofondatrice d’un centre de thérapie familiale à Paris, les disputes concernant l’éducation des enfants, le laxisme ou au contraire l’autoritarisme de l’un ou l’autre des conjoints à l’égard des enfants font partie des plaintes multiples » que lui confient les couples en consultation.

Des petits riens aux faux pas

Eloignement des centres d’intérêts, reproches constants, insatisfaction sexuelle, questions d’argent ou encore belles-familles envahissantes sont autant de sujets de discorde, observe l’auteure de Réfléchissez avant de divorcer ! (Ed. Odile Jacob, 230 pages, 22,90 euros) pour qui le bât blesse sur la communication (ou la non-communication) dans la plupart des couples. Il faut aussi composer avec des attentes distinctes qu’il n’est pas toujours aisé de faire cohabiter. A l’attrait physique, sexuel et au soutien affectif recherchés par les hommes, les femmes préfèrent les « capital économique, sentiment et communication », rappelle le sociologue Jean-Claude Kaufmann (Sociologie du couple, PUF, 1993).

« Les couples se disputent pour tout : les détails et l’organisation (ou l’inorganisation) de la vie quotidienne laminent, usent et, à force de linge sale qui traîne, de tubes de dentifrice mal rebouchés, de lumières pas éteintes, de factures pas payées ou de rôtis brûlés, on en vient à des aspects plus graves », constate Sylvie Angel. Des petits riens aux faux pas qui s’accumulent, les déceptions et amertumes agissent comme des grains de sable dans les rouages du couple.

« On quitte souvent les gens pour les mêmes raisons pour lesquelles on les a aimés, disait le psychanalyste anglais Adam Phillips. » Sylvie Angel, psychiatre et psychanaliste

« Il y a un siècle, le mariage reposait sur les intérêts communs de deux familles. Aujourd’hui, on se marie librement, contre l’assentiment familial même, observe Sylvie Angel. A une époque où l’on prône l’individualisme, l’efficacité et l’épanouissement de soi, ce choix désormais individuel présuppose que le couple doit être parfait. » Le partenaire doit ainsi être le meilleur ami, présent mais pas trop, différent mais pas diamétralement opposé, être celui sur qui on peut compter et qui répond aux attentes sociales, financières, sexuelles… « Il est difficile de cocher toutes les cases, relève la psychiatre. Et, au moindre problème, je vais considérer que je peux trouver mieux ailleurs et qu’il n’y a pas de raison que je gère ce qui n’est pas parfait… tout en me détournant de mes propres imperfections ! »

« On quitte souvent les gens pour les mêmes raisons pour lesquelles on les a aimés, disait le psychanalyste anglais Adam Phillips. Les idiosyncrasies de l’autre qui faisaient son charme dégénèrent en défauts lassants, en tares irrémédiables, en vices inadmissibles », selon Sylvie Angel. Mais qu’est-ce qui a changé entre la personne idéale qu’on a rencontrée, et celui ou celle qu’on s’apprête à quitter ? « Parfois, on a des raisons précises, parfois non, avance la psychiatre. Parfois, ce sont juste les chemins qui divergent faute d’avoir échangé, communiqué et partagé », à l’issue, souvent, de la naissance du premier enfant. Ou du second. « Ce qui faisait l’union du couple aboutit aujourd’hui à sa désunion. Les conjoints ne réalisent pas qu’ils sont débordés par les exigences qu’ils ont pour eux-mêmes, au niveau professionnel, familial ou encore parental, mais aussi par rapport à l’autre. »

Les liens se distendent

Lorsque la situation se dégrade, et que la communion s’effiloche, les conjoints s’installent dans la rancœur : l’un reproche à l’autre son manque d’attentions et de soutien, son absence dans des moments importants. « La solidarité du couple est fondamentale, considère Sylvie Angel. L’un peut trébucher, et le couple étant une équipe, l’autre doit être là pour lui. »

Faute de dépasser les crises récurrentes, les liens du couple qui devraient en sortir renforcés, se distendent. « Il importe de réapprendre à communiquer et de comprendre pourquoi celui qui était votre meilleur ami est en passe de devenir votre pire ennemi. » Faire son introspection, partager sa situation avec une oreille amie, voire recourir à une thérapie brève peut épargner le divorce au couple, conseille la thérapeute. « La règle du couple, c’est de tirer l’autre vers le haut, et de considérer que le couple est une entité qu’on est en train de créer. »

Une libération aussi…

Pourtant, à trop piétiner, à souffrir de divergences indélébiles et de conflits récurrents, le couple peut en venir à la séparation. « La décision de se séparer, qu’elle soit brutale ou progressive, unilatérale ou bilatérale, arrive comme un tremblement de terre », estime la psychiatre. La souffrance. Le ressentiment. Une libération aussi… Mais « la fin d’une relation amoureuse, la décision de se séparer appartient à la sphère de l’intime, du privé, explique Sylvie Angel. Le divorce, lui, fait entrer dans le monde du droit, dans le domaine public. Le temps de déconstruction du couple qu’ouvre le fait de passer devant la justice peut devenir une étape de combat au lieu d’être de transition ».

Bien souvent, l’un des deux subit le divorce plus que l’autre. Mais celui qui prend la décision n’est pas non plus celui qui gagne. « Il y a une souffrance des deux, elle n’est pas comparable ni quantifiable, mais on doit avoir un minimum d’égards envers l’autre, dans son propre intérêt, et pour celui des enfants lorsqu’il y en a, considère Sylvie Angel. C’est une décision difficile, un choix définitif qui mérite réflexion. Toute interférence empêchera de (se) reconstruire. Si l’on en vient à haïr l’autre pour s’en détacher, cela maintient aussi le lien dont il faudra se détacher pour tourner la page. »

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