Publicité
Interview

Augustin De Romanet : « Pour transformer, il faut éviter la brutalité »

Le dirigeant du groupe ADP fait de la pédagogie la pierre angulaire de son mode de management. Objectif : moderniser tout en gagnant le soutien de tout l'écosystème.

« Pour transformer, il faut éviter la brutalité »

Par Vincent Bouquet

Publié le 20 juin 2016 à 00:23Mis à jour le 20 juin 2016 à 01:00

Le niveau de rémunération des grands patrons a récemment suscité l'émoi. Pensez-vous, Augustin de Romanet, qu'il faille légiférer en la matière ?

Une juste mesure est nécessaire même si le plafonnement des rémunérations des dirigeants n'est pas une bonne solution. Il faut des règles comme celles édictées par le code Afep-Medef et, compte tenu des excès de certains, il est logique que les actionnaires aient le dernier mot sur cette question et que le « say on pay » soit contraignant.

Vous avez supprimé le dispositif de retraites chapeaux offert à vos dirigeants. 25 millions d'euros que vous avez redistribués à tous les salariés via des actions gratuites. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Cette attribution de douze actions gratuites par salarié, en plus de l'abondement et de la décote que nous leur avons proposés pour leurs propres achats d'actions, traduit notre conviction que l'actionnariat salarié est un dispositif vertueux qui permet un meilleur partage des fruits de la croissance.

Publicité

Diriger une entreprise publique induit-il un management particulier ?

Paradoxalement, je pense qu'il est plus complexe de gérer une entreprise publique qu'une entreprise privée. Les parties prenantes y sont beaucoup plus nombreuses et les dirigeants potentiellement plus soumis à des injonctions contradictoires. On peut, par exemple, vous inciter à réduire vos tarifs, tout en vous demandant de tout faire pour augmenter les investissements. Il faut alors savoir développer une certaine pédagogie pour faire comprendre à vos interlocuteurs qu'une des deux injonctions est plus pertinente que l'autre et qu'elle doit ainsi s'imposer.

Surtout, le dirigeant d'une entreprise publique doit, encore davantage qu'ailleurs, mettre constamment l'accent sur la transformation et l'innovation car le monde dans lequel il évolue a pu se sentir comme immortel. Ce sentiment d'éternité illusoire est lié à l'impression que l'Etat sera toujours là pour voler à votre secours en cas de problème.

Au cours de votre carrière, des patrons vous ont-ils particulièrement inspiré ?

Spontanément, je pense à cinq noms. Yannick d'Escatha, qui a dirigé pendant dix ans le Centre national d'études spatiales et l'a remis sur pied en endossant les habits de transformateur ; Christophe de Margerie, pour son enracinement de long terme dans une seule et même entreprise, en l'occurrence Total, mais aussi pour l'empathie qu'il avait envers ses salariés ; ainsi que Patricia Barbizet, Xavier Fontanet et Denis Kessler qui ont oeuvré, à mes côtés, à la création du fonds stratégique d'investissement, dont la BPI est issue, lorsque je dirigeais la Caisse des Dépôts. Rien ne les y obligeait et pourtant ils ont su donner de leur temps pour servir l'intérêt général. Je trouve cela remarquable.

Transformation, intérêt général et empathie envers les salariés… Est-ce un portrait en creux de votre style de management ?

Pour appliquer une stratégie, surtout de transformation, il faut être extrêmement attentif aux salariés, y compris dans le détail. Par exemple, pour le déménagement du siège du groupe ADP du 14e arrondissement de Paris vers l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, j'ai décidé de laisser une option aux collaborateurs, sans qu'ils aient à se justifier. Si le déménagement s'avère trop déstabilisant pour l'équilibre entre vie personnelle et professionnelle, le choix peut ainsi être pris d'aller travailler à Paris-Orly. Ce déménagement est aussi une opportunité de moderniser nos manières de travailler en incluant plus de souplesse, de télétravail et de rationalisation dans nos process.

Dans tous les cas, pour transformer, il faut éviter la brutalité. En tant que patron, il ne faut jamais oublier que les décisions que vous prenez dans votre bureau peuvent impacter directement la vie de vos salariés. Plus la transformation est ambitieuse, plus être attentif aux collaborateurs et prendre le temps de l'explication est capital.

À noter

Augustin de Romanet sera l'invité de « La Grande Interview » du Congrès des DAF et des directeurs juridiques, le 7 juillet prochain, au Palais des Congrès de Paris.

Vincent Bouquet

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité