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Politique

"CCI business builder" : quand les politiques jouent aux chefs d'entreprise

Pitcher en trois minutes leur projet d’entreprise devant le public : c’était le défi lancé mercredi par la CCI France à trois femmes politiques. L’occasion de rapprocher, le temps d’une matinée, les univers politiques et entrepreneuriaux.
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Laurence Rossignol
A l'instar de la ministre de la Famille Laurence Rossignol, les politiques se sont mis dans la peau des entrepreneurs mercredi.
(FRED DUFOUR/AFP)

La politique et le monde de l’entreprise : deux univers éloignés, trop éloignés ? En 2014, une étude de l’association patronale Entreprise et Progrès pointait que seuls 10% des députés français avaient déjà eu une "expérience sérieuse" dans le monde de l’entreprise. Deux ans plus tard, la situation n’a pas vraiment changé. Et malgré les mesures pro-business prises par le gouvernement, les deux univers fonctionnent toujours en vases clos. Pourtant, quelques initiatives s'efforcent d’établir des passerelles entre les bancs de l’Assemblée nationale et ceux des conseils d’administrations d’entreprises. Parmi celles-ci, la CCI France qui organisait mercredi 22 juin un défi "CCI business builder", mêlant élus et entrepreneurs.

La ministre de la Famille Laure Rossignol, les députées LR et PS Laure de la Raudière et Monique Rabin étaient conviées au "Tank", un espace de coworking du 11e arrondissement de Paris, pour "pitcher" un projet d’entreprise devant le public. Après tirage au sort, les trois femmes politiques avaient une petite heure pour tout apprendre de l’entreprise qu’elles allaient défendre : une application mobile pour personnaliser ses voyages de vacances, une marque textile bio et 100% made in France, et un service de prestations hôtelières dans les hôpitaux. A l’écart, les élues ont potassé avec l’entrepreneur qui leur avait été attribué, et une conseillère de la CCI, avant de présenter devant un jury de professionnels, trois minutes montre en main, le business plan de l'entreprise.

Le manque de représentativité de l’Assemblée nationale

Peu intimidées par la prise de parole en public, les trois femmes politiques se sont sorties de l'exercice sans encombre. D'ailleurs, il ne s'agissait pas vraiment d'une compétition. Et aucun gagnant officiel n'a été désigné. L'objectif  était ailleurs. Pour la CCI, il s'agissait autant de présenter son nouvel outil de création d'entreprises en ligne, le "CCI business builder", que de souligner l'important travail réalisé par les chambres de commerce et d'industrie au niveau local. Pour les élues, de montrer leur attachement au monde de l’entreprise, et leur volonté de tout faire pour encourager la création d’entreprise.

L'autre enjeu, c'est celui de la parité dans le monde de l'entreprise. A ce titre, le choix de trois femmes politiques - dont la ministre en charge du droit des femmes - était peu anodin. Avec les élections consulaires qui se profilent à la fin 2016, les CCI veulent voir leur nombre de femmes élues dans les Chambres de Commerce et d'Industrie progresser. Il n'est aujourd'hui que de... 14%. A la tribune, Laurence Rossignol a lancé un vibrant plaidoyer en faveur des femmes : "les femmes doivent être plus nombreuses à se présenter sur le marché de l'entreprise. Elles doutent parce qu'elles hésitent à se lancer, parce qu'elles veulent des enfants, et que l'entrepreneuriat c'est risqué. Je leur dis "lancez-vous!".

Le chemin reste encore long. Ancienne chef d'entreprise, arrivée en politique lors des élections législatives de 2007, Laure de la Raudière concède que son parcours relève de l'exception. "C'est une trajectoire qui n'arrive jamais. En politique, on ne dit jamais : tiens je vais aller chercher cette cheffe d'entreprise pour lui proposer une place d'élue. C'est un milieu assez fermé. Je soutiens justement Bruno Le Maire pour la primaire de la droite et du centre parce qu'il est le seul à proposer le renouvellement de la classe politique. C'est la seule voie pour que la société soit dirigée par des gens qui la comprennent."

Pour l'élue de droite, le manque de représentativité de l'Assemblée nationale - les patrons n'y représentent que 4% des élus - pose un problème de culture. "De nombreuses lois sont pétries de bonnes intentions, mais leurs effets sont dévastateurs. La loi Sapin II, par exemple, complexifie considérablement les procédures administratives pour les entreprises sous couvert de lutter contre la corruption. Pareil pour le compte pénibilité". Seule solution ? Annoncer clairement ce que l'on veut faire pour donner un maximum de visibilité aux entreprises. "C'est tout l'objet du contrat de gouvernance de Bruno Le Maire. On a l'obligation de rendre des comptes", assure la députée.

Privilégier une vue d’ensemble

Monique Rabin, députée socialiste de Loire-Atlantique, fait partie des rares parlementaires à avoir effectué un stage en entreprise au printemps 2015. Mais l'exercice d'aujourd'hui représente un pallier supplémentaire. "C'est un défi à la fois personnel et intellectuel. Une manière d'aller encore plus dans la logique d'entreprise pour mieux les comprendre". Ce qui la motive? "J'en ai marre d'entendre dire sans arrêt qu'on est des ignorants. C'est insupportable. Que l'on me dise: ah c'est bien, vous vous intéressez aux entreprises, dommage que vous soyez socialiste. Il s'agit de vieilles lunes." 

Pour la socialiste, l'évolution des mentalités en politique passera par plus de rencontres informelles avec les entrepreneurs. Un processus gagnant-gagnant. "Lors de mon stage, je me suis imprégnée de la logique intellectuelle de l'entrepreneur. Mais je les ai aussi bousculés. Je leur ai montré que tout ne se décidait pas du seul point de vue de l'entrepreneur, qu'une prise de décision politique entraînait l'avenir de l'ensemble des citoyens. Qu'un accord de compétitivité concerne aussi les salariés. Qu'on ne doit oublier personne avant de trancher. Je leur ai aussi expliqué qu'il faut du temps, que tout ne se fait pas instantanément." Et de conclure : "les politiques ont autant intérêt à mieux connaître le monde de l’entreprise que les entrepreneurs ont intérêt à mieux connaître l’univers politique".

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