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Portrait

Amanda Sthers, la religion des mots

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Par Henri Gibier

Publié le 28 juin 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Qu'est-ce que ne sait pas faire Amanda Sthers ? En ce moment, celle qui connut, il y a dix ans, un succès mondial avec sa pièce « Le Vieux Juif blonde », se lance dans le business. Avec un ami, Marc Beaucourt, elle vient de créer une marque de « fortune cookies ». « C'est une idée de consommatrice, explique-t-elle. Depuis mon enfance, je raffole des gâteaux qu'on casse pour trouver un message à l'intérieur, mais le problème c'est qu'ils étaient rarement bons et les textes pas toujours terribles. » Ceux-là, l'écrivaine les écrira évidemment elle-même.

Là voilà plongée, à trente-huit ans, dans le bain de l'entrepreneuriat. Elle a déjà tâté l'eau, il y a bien longtemps, quand, pour payer ses études, Amanda s'était transformée en animatrice de fêtes d'anniversaire. On la réclamait tellement qu'elle avait dû demander à des copines de l'aider et, de fil en aiguille, était née l'idée d'en faire une petite entreprise.

Pas question pour autant d'arrêter sa prolifique carrière littéraire et artistique pour les cookies. Cet été, la jeune romancière tournera à Paris son deuxième film, en anglais et avec des acteurs américains, parmi lesquels le grand Harvey Keitel. Adaptation de son prochain roman, intitulé « Madame », qui doit sortir au printemps prochain. Dans le précédent « Les Promesses », publié à l'automne 2015, elle se glisse dans la peau d'un homme, Alexandre, mi-italien, mi-français, qui s'interroge sur le sens de sa vie. Cette exploration acide de la masculinité se lit d'une traite, un galop romanesque maîtrisé de bout en bout, d'une étonnante maturité.

Car l'ex-épouse de Patrick Bruel, père de ses deux enfants, si elle garde dans sa façon d'être une « allure gamine », aime bien faire plus vieille que son âge dans ses oeuvres. Cette fille de psychiatre a subjugué les critiques et stimulé les exégètes jusqu'à Harvard, en inventant, à vingt-huit ans, avec son « Vieux Juif blonde », le personnage d'un vieux déporté juif se réincarnant dans le corps d'une jeune femme aux cheveux blonds. Sa pièce la plus récente, « Conseil de famille », fruit d'une collaboration avec Morgan Spillemaecker, qui a tenu l'affiche d'octobre à mai au théâtre de la Renaissance, reconstitue un dîner de famille où une mère exemplaire annonce à ses trois enfants indolents et irréfléchis qu'à son tour elle a décidé de se payer de bon temps. Amanda a, elle aussi, un frère, journaliste musical, et une soeur, chanteuse. Sa mère, Véronique Queffélec, fut une des premières à importer le lobbyisme en France et, plus récemment, a été une des pionnières du monde des affaires français sur l'immense marché indien. La fibre artistique vient sans doute plutôt du papa, qui, avant d'être psychiatre, avait tenté de faire carrière dans la chanson.

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Mais d'avoir eu pour maman une femme d'affaires ne peut que l'avoir aidée à relever cet incroyable défi : écrire à vingt-trois ans, tout juste sortie d'une maîtrise de lettres, les soixante premiers épisodes de « Caméra Café », série télévisée du début des années 2000, s'amusant à restituer en trois minutes les conversations de bureau devant la machine à café. Des instantanés criants de vérité et pleins d'humour qui sont par certains côtés les ancêtres des productions actuelles des youtubers à la mode. « Raconter les histoires, j'en ai très vite éprouvé un besoin irrépressible, confesse-t-elle, je pourrais presque parler à ce sujet de religiosité, j'aime donner aux autres gens, partager mes émotions, et c'est ma façon de le faire. »

En postproduction à Los Angeles

Théâtre, cinéma, télévision, chansons aussi - elle en a écrit quelques-unes, a vécu, après Bruel, avec un autre chanteur, Sinclair, et signé un best-seller en réalisant l'entretien biographique de Johnny Hallyday, « Dans mes yeux » - toutes les formes d'expression l'intéressent, y compris maintenant les petits messages dans ses French Fortune Cookies. Dès le tournage de son film achevé, Amanda Sthers s'envolera pour Los Angeles, où s'effectuera la postproduction. La capitale du cinéma est plus qu'un lieu de travail à ses yeux.

Jeune fille, élève d'une école bilingue, l'Amérique des westerns, des films de Spielberg et du rock l'a très tôt fascinée. Elle est plus critique à l'égard de la société d'outre-Atlantique à laquelle elle décocha quelques flèches dans son essai « Les Erections américaines » à la suite du massacre de Newtown. « C'est aussi une occasion de prendre un peu de distance avec mon pays, ajoute-t-elle, en espérant que, vu de loin, il me décevra moins que ces derniers temps. » Un voeu assez largement partagé.

Henri Gibier

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