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Les banques chinoises trustent les premières places de la finance mondiale

Selon le classement annuel du magazine « The Banker », quatre des cinq premières banques du monde sont chinoises, volant la vedette aux établissements américains et européens.

Par  et  (Shanghaï, correpondance)

Publié le 28 juin 2016 à 19h26, modifié le 29 juin 2016 à 17h17

Temps de Lecture 5 min.

Les acronymes ICBC, CCB, BOC et ABC ne vous disent rien ? Ce sont pourtant quatre des cinq premières banques du monde, selon le classement annuel du magazine The Banker, dévoilé mercredi 29 juin. Toutes sont chinoises. A la première place, on trouve la banque industrielle et commerciale de Chine (Industrial and Commercial Bank of China). L’ICBC affiche pas moins de 274 milliards de dollars (247 milliards d’euros) de fonds propres. Appelé dans le jargon financier « Tier 1 », il s’agit des capitaux propres les plus solides des établissements financiers. Ils représentent la capacité d’une banque à générer une croissance rentable, à absorber des pertes exceptionnelles, et à résister aux crises. Ils reflètent « à la fois la taille et la stabilité des banques », résume Brian Caplen, rédacteur en chef de The Banker.

À la deuxième, quatrième et cinquième places du classement, on trouve respectivement China Construction Bank (CCB), Bank of China (BOC), et Agricultural Bank of China (ABC). La banque américaine JPMorgan Chase n’est que troisième, avec 200 milliards de dollars de fonds propres. Bank of America, qui était cinquième l’année dernière, a été rétrogradée en sixième place.

Depuis la crise financière, les banques chinoises ont volé la vedette à leurs concurrentes américaines. En 2006, elles comptaient pour 4 % du total des bénéfices des 1 000 premières banques mondiales, selon The Banker. En dix ans, cette part a bondi à 32 %. Les géantes de l’empire du Milieu ont réalisé près de 308 milliards de dollars de bénéfices avant impôt en 2015, contre 206 milliards pour les Américaines. Ces dernières ne représentent plus que 21 % des bénéfices mondiaux, contre 26 % en 2006.

Tandis qu’aux Etats-Unis, les banques se remettaient tant bien que mal du « big bang » de la crise financière de 2008, celles issues de Chine ont profité de la croissance à deux chiffres de leur économie domestique et de politiques très favorables du gouvernement. En 2006, ICBC a réussi la plus grosse introduction en Bourse jamais réalisée à l’époque, à 21,9 milliards de dollars. En 2010, ABC a battu ce record, en entrant sur les marchés valorisée à 22,1 milliards de dollars.

L’Etat chinois garde, à travers un fond d’investissement, une large majorité dans le capital des « quatre grandes », qui restent donc des banques publiques. Elles lui doivent, pour partie, leur taille « hors norme » : l’Etat injecte de l’argent dans l’économie à travers le système bancaire, demande aux établissements de prêter aux entreprises publiques et de financer de gros investissements.

Mais, en 2015, avec le ralentissement de la croissance de l’économie chinoise, l’insolent succès des banques du pays a aussi commencé à s’essouffler. Plusieurs secteurs de l’économie sont en crise, minés par les surcapacités héritées des années de croissance à deux chiffres. L’acier et le charbon sont particulièrement touchés. Pour la première fois depuis 2004, les bénéfices des banques chinoises ont reculé, perdant 3,5 %. Signe de leur prudence, les établissements ont augmenté leurs fonds propres plus vite que leurs actifs, alors que c’était l’inverse les années précédentes.

Des créances douteuses

Surtout, un fantôme du passé ressurgit dans l’empire du Milieu. Depuis quatre ans, les créances douteuses, ces prêts qui risquent de ne pas être remboursés, augmentent. En décembre 2015, leur montant a atteint son plus haut niveau depuis 2006, d’après des statistiques de la Commission chinoise de régulation du secteur bancaire (CBRC). Ainsi, ces trois dernières années, les banques chinoises ont dû faire une croix sur 304 milliards de dollars de créances, a indiqué, le 23 juin, Wang Shengbang, un haut responsable de la CBRC.

« Si un pays ne s’attaque pas aux problèmes de gouvernance à l’origine de ses problèmes de dettes, ces problèmes réapparaîtront inévitablement », a mis en garde David Lipton, premier directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), le 11 juin. Les banques chinoises avaient déjà dû absorber des milliards de yuans de prêts non remboursés à la suite de la crise asiatique de la fin des années 1990.

Beaucoup d’analystes reprochent à la Chine de largement sous-estimer ses créances douteuses. En avril, le FMI suggérait que leur proportion dans les crédits pouvait s’élever à 15,5 %, contre 1,75 % selon la CBRC. Pourquoi une telle différence ? Lorsqu’un emprunteur ne rembourse pas ses échéances, les banques chinoises ne le comptabilisent pas comme défaillant s’il est encore possible de collecter le montant auprès d’un garant. En l’occurrence, l’Etat chinois. Par exemple, pour la Bank of communication, la cinquième banque chinoise, 35 % de prêts non remboursés depuis plus de trois mois ne sont pas inscrits dans la catégorie « créances douteuses », parce qu’ils ont été octroyés à des entreprises d’Etat.

Lire l’analyse : Article réservé à nos abonnés L’économie chinoise se stabilise mais le crédit s’envole

Malgré ces faiblesses, les banques chinoises ne manquent pas d’ambition. Elles veulent désormais s’internationaliser. Et qui pourrait leur tenir tête ? « Il semble que les banques chinoises aient atteint un sommet dans leur croissance, mais il est difficile de voir qui pourrait prendre leur place, commente M. Caplen chez The Banker. Il n’est pas sûr que les banques américaines puissent revenir en tête. Et les établissements des marchés émergents, qui seraient la réponse logique, ont aussi reculé en 2015. »

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Quant aux banques européennes, elles ont perdu beaucoup de terrain depuis la crise. En 2006, elles avaient réalisé 42 % des bénéfices bancaires mondiaux. Désormais, cette part n’est plus que de 16 %. HSBC est la seule banque britannique du top 10, à la neuvième place, alors qu’elle était deuxième avant la crise. Le contexte de taux bas et les contraintes réglementaires pèsent sur les marges des établissements. Leur rentabilité n’est que de 7,6 % en Europe de l’Ouest, contre 16 % en Asie pacifique et aux États-Unis, et 28 % en Afrique.

Mais l’Hexagone résiste : les banques françaises ont augmenté leurs bénéfices de 30 % en 2015. Crédit agricole est la onzième banque mondiale en matière de fonds propres, et BNP Paribas arrive douzième. La France s’est même classée au quatrième rang des pays aux banques les plus lucratives : les établissements tricolores ont réalisé 37 milliards d’euros de bénéfices avant impôt en 2015, devant le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni.

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