Pourquoi les Romains préféraient les petits sexes
Chloé Rébillard
Sciences Humaines N° 283 - Juillet 2016
En matière de sexualité, les sociétés antiques intriguent les historiens depuis toujours : leur morale n’avait pas grand-chose à voir avec celles de nos sociétés, ce qui a mené à de nombreux contresens historiques. De nouvelles interprétations remettent en cause les certitudes qui ont longtemps prévalu, à commencer par la taille idéale d’un phallus.
Dans nos représentations actuelles, les pénis de taille imposante sont souvent assimilés à un surcroît de plaisir féminin, et donc valorisés. De même, ils confèrent une certaine aura de virilité à celui qui en est le porteur. Cette vision laisse à penser qu’il en a toujours été ainsi, et pourtant. Dans la Rome antique, société patriarcale par excellence, l’idéal de beauté était inversé : les petits pénis représentaient un critère de beauté. Considérés comme un signe de tempérance et d’élégance, ils apparaissaient comme un signe de distinction sociale. Un sexe de taille réduite était le symbole d’un contrôle de sa sexualité de la part du citoyen romain, qui se devait d’être – contrairement à l’idée reçue – un exemple de décence. Nombre de statues romaines nues montrent d’ailleurs des hommes avec des sexes de petites tailles. Les phallus plus imposants, quant à eux, étaient assimilés à la laideur, l’obscénité et la bestialité. Un mot désignait ces sexes aux dimensions trop importantes : fascinum. Ils suscitaient la fascination par l’horreur pour celui ou celle qui y portait son regard. Ainsi, le dieu Priape, nain difforme au sexe énorme et en perpétuelle érection : son image fait figure de repoussoir ; elle est un symbole de protection, et on en retrouve des représentations dans tous les lieux considérés comme dangereux : ponts, carrefours… Jusqu’au mur d’Hadrien orné d’une figure de cette divinité. Ces images se déclinaient également en talismans, lampes à huile et autres objets présents dans la domus. Cela en fait le dieu le plus représenté de l’Antiquité romaine ! Les historiens ont longtemps cru que Rome était une société très libre sur la sexualité, du fait de la multiplicité des représentations sexuelles. En réalité, il s’agit d’un contresens historique : représenter un pénis n’avait rien d’érotique, il s’agissait bien souvent d’amulettes protectrices. La pratique sexuelle à Rome était extrêmement codifiée, les normes allant même jusqu’à contrôler les dimensions phalliques de ses citoyens.
Cyril Dumas, L’Art érotique antique. Fantasmes et idées reçues sur la morale romaine, Book-e-Book, 2016.
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