Les adieux tendus de Cameron aux 27 dirigeants européens

David Cameron, le 28 juin.

Après son dernier sommet avec les dirigeants européens, le Premier ministre britannique David Cameron a obtenu de ne pas déclencher lui-même l’article 50, qui rendra effectif le Brexit, mais de laisser cette lourd tâche à son successeur.

Lors d’un triste et sombre diner avec les 27 autres dirigeants européen le 28 juin au soir, David Cameron a reçu le feu vert pour laisser à son successeur la lourde tâche d’activer «  sans plus attendre » l’article 50 – le mécanisme juridique grâce auquel le Royaume-Uni pourra quitter l’UE après 43 ans d’adhésion.

Le président de la Commission, Jean- Claude Juncker, a insisté sur le fait que l’activation devait avoir lieu « au lendemain » de l’arrivée du nouveau Premier ministre à Downing Street.

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, avait déjà prévenu les chefs d’Etat et de gouvernement que la croissance dans la zone euro serait inférieure à 0,3-0,5 % lors des trois prochaines années, et ce, à cause du Brexit.

C’est un « Nein »

La chancelière allemande Angela Merkel a quant à elle coupé court aux espoirs des 48 % des Britanniques ayant voté « Remain », en déclarant « je ne pense pas qu’il soit possible de revenir en arrière ; le référendum est une réalité ».

« C’est une triste nouvelle, c’est malheureux, mais c’est bien réel. Nous sommes des politiques. Nous ne sommes pas là pour nous attarder sur de la tristesse. Nous avons clairement exprimé notre regret, mais nous devons maintenant accepter la réalité », a-t-elle ajouté.

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Alors que les rumeurs vont bon train à Bruxelles pour savoir qui mènera les négociations, il semblerait que le processus soit dirigé par la Commission européenne et soutenu par le Conseil.

Selon deux sources, la délégation irlandaise a fait pression pour avoir un rôle important dans les négociations puisque le pays à une relation commerciale avec le Royaume-Uni et que la frontière terrestre entre le nord et le sud deviendra une frontière Schengen.

Discussions écossaises

Pendant ce temps, la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, est arrivée à Bruxelles aujourd’hui (le 29 juin) pour discuter avec le président du Parlement européen, Martin Schulz, qui a déclaré aux journalistes qu’il serait « à  l’écoute » et qu’il ne proposerait pas de solutions au dilemme de l’Écosse.

Siège vide

Les 27 membres restants se rencontrent aujourd’hui pour le deuxième jour du sommet, cette fois sans le Royaume-Uni.

Un peu avant minuit à Bruxelles, David Cameron a fait une dernière déclaration lors d’une conférence de presse bondée et a déclaré que l’activation de l’article 50 serait une décision « souveraine » du Royaume-Uni.

Reprenant les mots des responsables de Downing Street, il a demandé aux 27 États membres restants de se pencher sur la libre-circulation des personnes. « Nous devons nous pencher là-dessus et l’Europe aussi », a assuré David Cameron.– un point immédiatement écarté par la Commission.

Le Premier ministre a reconnu qu’il pensait que la renégociation en février – qu’il qualifie de « mieux que le statu quo ou qu’un Brexit » – aurait été suffisante pour faire pencher la balance du référendum, dominé par la question de l’immigration.

État failli ?

En réponse aux commentaires de Mark Rutte, qui a déclaré plus tôt dans la journée que l’Angleterre était un État failli qui avait échoué du point de vue « politique, monétaire, constitutionnel et économique », David Cameron a répondu « je n’y crois pas une seconde », tout en rappelant que le Royaume-Uni était membre du G7, du G20, de l’OTAN et avait un siège à l’ONU. « Nous sommes une des nations les mieux connectées au monde », a-t-il affirmé.

Pourtant, depuis le résultat surprenant de jeudi dernier, des milliards de dollars ont disparu des marchés mondiaux, David Cameron a annoncé sa démission, les figures de proue du camp « Leave » ne font pas d’apparition publique pour dire ce qu’il va se passer par la suite, et le leader de l’opposition, Jeremy Corbyn a perdu un vote de confiance – mais n’a pas pour autant démissionné.

Dans un avertissement clair à son successeur, qui risque d’être Boris Johnson ou la secrétaire d’État aux Affaires intérieures, Theresa May, David Cameron a déclaré que les « objectifs de négociation » du Royaume-Uni devront être fixés avant l’activation de l’article 50, et qu’une fois parti, le pays n’aura plus les droits intrinsèques à l’UE.

Gérer cela et la liberté de circulation sera un « défi de taille à l’avenir », a-t-il indiqué, soulignant que les nations européennes sont toujours « nos voisins, nos alliés, nos partenaires et nos amies ».

Juncker : un jour pour activer l’article 50

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a quant à lui déclaré aux journalistes que le prochain Premier ministre britannique aurait « un jour pour déclencher l’article 50 ».

« Tant qu’il n’y a pas de notification, il n’y a pas de négociation. J’ai bien dit à tout le personnel de la Commission de ne pas commencer les négociations », a-t-il expliqué.

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Sur le marché interne, « soit vous êtes à l’intérieur soit à l’extérieur. Si vous êtes à l’extérieur, vous devez négocier un accès au marché comme les Suisses ou la Norvège ».

Jean-Claude Juncker a aussi critiqué les personnalités du « Leave ». « Ce que je ne comprends pas c’est que ceux qui voulaient quitter l’UE sont incapables de nous dire ce qu’ils veulent », a-t-il indiqué. « Ils disent qu’ils ont besoin de temps, mais je pensais que s’ils voulaient partir cela qu’ils avaient un plan, un projet, une vision globale, mais ce n’est pas le cas. »

« Je crois que si pendant des années, voire des décennies, vous avez dit à l’opinion publique que quelque chose clochait dans l’UE, qu’elle était trop technocratique, trop bureaucratique, il ne faut pas être surpris quand les électeurs choisissent de vous croire », a-t-il ajouté dans un dernier élan passionné. « Je l’apprécie [David Cameron] en tant que personne même s’il se comportait avec moi d’une certaine manière – notre amitié restera, c’est la seule chose qui restera. »

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Donald Tusk plus conciliant

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est montré plus conciliant. « Les effets négatifs sont moins néfastes que ce que nous pensions avant le Brexit. »

« La conversation était calme et mesurée. Les dirigeants comprennent qu’il faut du temps pour que la tension retombe au Royaume-Uni », a-t-il assuré.

Pour Donald Tusk, un Brexit est néanmoins synonyme de changements considérables, et d’un effet boule de neige dans le monde entier.

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« Nous devons accepter le fait que les négociations seront chronophages et complexes et j’espère qu’elles se feront de manière amicale », a ajouté Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais, qui détient la présidence tournante de l’UE.

« Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer ce coup de semonce. Ne perdons pas de temps à nous bercer d’illusions, il est temps de faire face à la réalité. Le ressentiment et la colère ne doivent pas guider l’action politique. Les négociations pour la sortie de l’UE « doivent se faire dans un esprit amical », a conclu Mark Rutte.

Tempête à l’horizon ?

« L’Union européenne n’a pas d’identité, mais maintenant les pays ont une chose en commun : le problème britannique », a déclaré un diplomate européen.

« L’UE s’est pliée en quatre pour donner à David Cameron les meilleures chances de réussir lors du référendum », a-t-il ajouté. « Nous lui avons donné le meilleur accord possible. Nous avons courbé l’échine à six reprises. »

Lorsqu’un journaliste lui a demandé si quelqu’un lui avait donné un cadeau de départ, le diplomate a répondu « oui, un diner ».

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