Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, s’est agacé. « Pourquoi êtes-vous là ? » Oui, il était encore là, et Nigel Farage, le leader europhobe d’UKIP, triomphait, ce mardi 28 juin, devant le Parlement européen. « Quand je suis venu ici il y a dix-sept ans vous dire que je voulais mener une campagne pour faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, vous m’avez tous ri au nez… Vous ne riez plus maintenant ! », a-t-il lancé sous les huées, avant de donner trois arguments pour expliquer le rejet de l’Europe par les peuples : « Vous êtes dans le déni avec votre projet politique. Le déni que votre monnaie est en échec : regardez la pauvreté que vous infligez avec succès à la Grèce et à la Méditerranée. Vous êtes dans le déni sur l’appel lancé par Angela Merkel pour que le plus de personnes possible traverse la Méditerranée… Mais le plus gros problème que vous avez et qui explique le vote britannique, c’est que vous avez imposé aux peuples une union politique, et lorsque les peuples de France et des Pays-Bas l’ont rejeté en 2005 par référendum, vous l’avez ignoré. »
Tout n’est pas faux dans ce que dit le vainqueur du « Brexit ». L’euro n’a pas apporté la prospérité attendue, en particulier dans les pays du sud de l’UE, peu en importent les causes. Les flux migratoires et de réfugiés ont nourri une peur identitaire et un rejet populiste. Pis, ces deux phénomènes ne sont pas uniquement provoqués par des chocs externes, mais, accuse Farage, accentués par des mauvaises décisions politiques. Logiquement, ces échecs décuplent la mise en cause de l’UE, accusée de déposséder les peuples de leur souveraineté. Bref, l’Europe se meurt parce qu’elle ne tient pas ses promesses de prospérité et de protection, ce qui sape le sentiment d’appartenance à une communauté de destin.
Deux réactions divergentes
Après ce choc du « Brexit », deux réactions divergentes : celle des Français, qui appellent à une refondation de l’Europe, et celle des Allemands, qui demandent juste d’améliorer le fonctionnement du système. Derrière ce débat, une question décisive : l’Europe est-elle mal construite, ce qui implique une révolution, ou simplement mal dirigée, ce qui nécessite de simples ajustements. Comme toujours, c’est un mélange des deux.
Commençons par l’euro. Maastricht a été mal construit en partant du principe que chacun se comporterait en bon père de famille allemand et que l’union monétaire accentuerait la convergence économique. Il n’en a rien été. Mais l’euro a aussi été très mal gouverné : le couple Chirac-Schröder a fait voler en éclats le pacte de stabilité dès 2003 ; Angela Merkel, à la différence de Nicolas Sarkozy, n’a pas saisi le caractère systémique de la crise de la zone euro à partir de 2010. Le système a été reconstruit, avec une banque centrale très politique, des fonds de solidarité et une union bancaire, mais il est aujourd’hui bloqué par le face-à-face franco-allemand : Berlin refuse une Europe plus solidaire, tant que les gouvernements français n’assainissent pas leur budget et n’accomplissent pas de réformes profondes, à commencer par leur marché du travail. Les Français sont invités à faire leur examen de conscience pendant la campagne présidentielle. « Brexit » ou non, on attendra 2017.
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