Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Quel avenir pour les icônes de la savane africaine ?

La pression s'accroît sur les lions, éléphants et rhinocéros victimes de la perte d’espaces et des trafics.

Par 

Publié le 12 février 2014 à 13h19, modifié le 13 février 2014 à 10h55

Temps de Lecture 4 min.

Des éléphants abattus par dizaines de milliers pour alimenter les circuits clandestins de l'ivoire à destination de l'Asie. Plus de mille rhinocéros braconnés pour leurs cornes en 2013… En Afrique, le trafic des grandes espèces emblématiques ne s'est jamais aussi bien porté. Au point que les scientifiques n'hésitent plus à prédire la disparition de plusieurs d'entre elles.

Sur les « big five » – éléphant, rhinocéros, lion, léopard, buffle –, icônes de la savane africaine composant le prestigieux tableau de chasse décrit par Hemingway dans Les Neiges du Kilimandjaro au milieu des années 1930, seul le buffle échappe à la Liste rouge des espèces menacées, dressée par l'Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN).

Depuis 2007, le nombre de rhinocéros braconnés pour leur corne a été multiplié par seize, l'unité se vendant environ 500 000 dollars (près de 370 000 euros) sur les marchés asiatiques. Si cette tendance se confirme, les populations de rhinocéros blancs et noirs, dont il reste au total 25 000 spécimens, pourraient commencer à décliner d'ici à deux ans, selon le scientifique Richard Emslie, coprésident du groupe de travail sur le rhinocéros africain de l'UICN.

« DES AIRES PROTÉGÉES QUI PÉRICLITENT »

Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire

L'Afrique du Sud, où vivent plus de 80 % des rhinocéros, est en première ligne. L'importance des moyens dont dispose ce pays, comparativement à ses voisins, n'a jusqu'à présent pas suffi pour contrer l'offensive des trafiquants, dont la violence des attaques dissuade désormais certains parcs de garder l'imposant herbivore.

Le moratoire sur le commerce international de l'ivoire, instauré en 1989, a été impuissant à protéger les éléphants. La situation est inégale sur le continent. Au Botswana, en Afrique du Sud et en Namibie, les populations de pachydermes continuent d'augmenter. A l'inverse, l'Afrique centrale, minée par les conflits, est le théâtre des plus grandes opérations de braconnage. En dix ans, le nombre d'éléphants de forêts a diminué de 60 % et un risque d'extinction existe à l'horizon d'une décennie.

A côté de ces crises « visibles » parce qu'elles portent des enjeux de sécurité régionale et mobilisent les pays occidentaux, d'autres se jouent en silence. Le lion est en train de disparaître d'Afrique de l'Ouest. Une étude publiée en janvier dans la revue scientifique PLOS-one indique qu'il reste à peine 400 individus présents dans cinq pays : Sénégal, Nigeria, Bénin, Niger et Burkina Faso.

Les confrontations de plus en plus nombreuses avec les communautés d'éleveurs sont à l'origine du déclin du roi de la savane. Comme partout sur le continent, dont la démographie va doubler d'ici à 2050, la compétition pour l'espace et l'accès aux ressources naturelles s'exacerbe. En Afrique de l'Ouest, où les gouvernements n'ont jamais porté beaucoup d'attention à la conservation, l'animal est rarement gagnant.

La détérioration de la situation politique et sécuritaire dans la bande saharo-sahélienne rend inaccessibles de vastes superficies du territoire. « Les aires protégées périclitent. Nous n'y avons plus accès, témoigne Julien Calas, du Fonds français pour l'environnement mondial. Mes déplacements sur le terrain relèvent de plus en plus du reportage de guerre que de missions d'appui à la biodiversité. »

Dans l'est de la République démocratique du Congo, théâtre récurrent d'une guerre civile, il y a longtemps que les parcs nationaux,tel celui des Virunga, servent de lieux d'approvisionnements en viande de brousse et de réservoir de faune commercialisabl. « Toutes les populations de grands singes à l'exception des gorilles de montagne sont en déclin, rappelle Sabrina Krief, du Muséum national d'histoire naturelle. Les réseaux internationaux remplacent le braconnage de subsistance. »

« CRISE DE LA VIANDE DE BROUSSE »

Cette pression sur les grandes icônes du continent masque-t-elle un effondrement plus global de la faune ? Pour Jean-Christophe Vié, directeur adjoint du programme sur les espèces de l'UICN, la réponse fait peu de doute : « C'est la partie visible de l'iceberg, derrière, les autres espèces diminuent aussi. »

Ce que les ONG ont baptisé « crise de la viande de brousse », pour désigner ce prélèvement excessif qui déstabiliserait les écosystèmes et aggraverait l'insécurité alimentaire, reste cependant très controversé. Selon le chercheur au Cirad, Christian Fargeot, qui vient de consacrer sa thèse à « la chasse commerciale en Afrique centrale », rien n'étaye sérieusement cette thèse.

« L'Afrique n'est pas une entité uniforme. Derrière un échec de la conservation qui peut apparaître global, il existe des expériences réussies comme en Namibie, où la protection de la faune est aussi un projet de développement », met en avant Philippe Chardonnet, directeur de la Fondation pour la protection de la faune sauvage.

« Le braconnage prospère sur la pauvreté, insiste-t-il. Le monde de la conservation, en utilisant trop souvent la coercition pour protéger la nature, s'est fabriqué des ennemis. En Afrique, les grands espaces vont se raréfier. C'est inéluctable. Mais la disparition de la grande faune n'est pas une fatalité, à condition que les populations tirent un avantage de cette cohabitation. » Une question reste à résoudre : qui est prêt à financer la cohabitation des hommes avec les « big five » ?

Lire aussi l'entretien avec Philippe Chardonnet : Animaux : « La disparition de la grande faune n'est pas une fatalité »
L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.