Le 29 juin, le Conseil de la Fédération (Sénat) a adopté définitivement la fameuse “loi Iarovaïa” sur la lutte antiterroriste. La liste d’articles qui modifient le Code pénal porte sur “la non-révélation des faits délictueux”, la responsabilité pénale dès l’âge de 14 ans, la conservation des métadonnées et d’autres modifications législatives.

“Ces normes, selon les auteurs du projet de loi antiterroriste, aident à former un ‘gilet pare-balles’ qui protégera la société russe”, rapporte le site russe Lenta.ru. Leurs opposants, par contre, trouvent ces mesures, dans le meilleur des cas, trop sévères, voire “anticonstitutionnelles”. Les articles les plus répressifs “non seulement ne contribuent pas à la lutte contre le terrorisme en Russie, mais restreignent davantage les droits et libertés des citoyens”.

La non-dénonciation devient punissable

”Pour la première fois, la Russie postsoviétique inscrit dans son Code pénal une peine pour non-dénonciation de crime”, écrivent les défenseurs des droits de l’homme et les militants dans leur lettre ouverte au président Vladimir Poutine, publiée par Lenta.ru.

Le journal russe souligne que la non-dénonciation de crime s’applique aux gens qui ont, par exemple, “entendu parler d’un crime dans les transports en commun” ou “vu quelque chose ressemblant à une bombe dans le sac de leur voisin”.

D’après les militants, cet article ouvre la possibilité d’“une épidémie de délation et de poursuites sélectives pour non-dénonciation de crime non encore commis, comme cela se passait en URSS. Le retour à cette pratique, estiment-ils, divisera la société et entraînera l’augmentation de la méfiance.”

Les extrémistes de 14 ans jugés pour leurs opinions

La nouvelle loi abaisse l’âge de la responsabilité pénale à 14 ans pour “extrémisme”, terme qui demeure assez flou. Le défenseur des droits Vladimir Novitski explique que les députés ont probablement entrepris cette démarche “après avoir observé les événements dans d’autres pays” (selon Lenta.ru, il s’agit des “révolutions” et autres “printemps” qui se sont produits ces dernières années).

A défaut de définition précise, le terme d’extrémisme devient “un outil juridique pour la mise en examen”, estime l’avocate Svetlana Sidorkina. L’expression de toute opinion personnelle qui ne correspond pas à la position officielle pourra en effet servir de prétexte à un emprisonnement.

Toutes les données personnelles conservées

D’après le document, les opérateurs de télécommunications doivent conserver toutes les informations des utilisateurs, à savoir les enregistrements des appels téléphoniques et les messages, pendant trois ans. Le site russe Meduza explique qu’en Russie il n’existe pas encore de système d’enregistrement des données et que l’énergie électrique est suffisante pour cela. “L’achat de ces centres de data va coûter au budget plus de 5 000 milliards de roubles (environ 70 milliards d’euros).” A cause de cette modification, les opérateurs seront obligés d’augmenter leurs tarifs pour ne pas se ruiner complètement.

Parmi d’autres articles de la loi jugés “irréalistes”, on trouve, en vrac, ceux relatifs aux actes terroristes perpétrés par des citoyens russes en territoire étranger, l’encadrement et la régulation très stricte des pratiques religieuses, et la vérification des colis postaux. Pour son adoption finale, il ne manque plus à la “loi Iarovaïa” que la signature du président, mais, selon Meduza, il n’y a pas le moindre doute à ce sujet.